En football, la route vers le monde professionnel est souvent bien plus sinueuse que linéaire. Et s'il y en a un qui peut vous le dire sans détour, c'est bien l'ailier gauche de QRM Manoubi Haddad. Celui qui a fréquenté le centre de formation du Havre AC à la fin de son adolescence a décroché cet été son premier contrat « pro » en France du côté de Quevilly-Rouen, à 100 kilomètres de la cité maritime. N'allez pas croire, toutefois, que le natif de Clamart s'est contenté de mettre les gaz sur l'A29 direction la ville aux cent clochers pour réaliser son rêve. "Mon premier contrat professionnel, je l'ai signé au Club Africain de Tunis", confie le Franco-Tunisien. "Ça a lancé ma carrière, c’était aussi la première fois que je jouais devant beaucoup de spectateurs et ça m’a permis de rentrer dans le monde du football. J’ai notamment pu jouer la Ligue des champions africaine".
Si depuis plusieurs semaines maintenant, le joueur de Quevilly-Rouen affole les défenses du National au sein d'une attaque de choc, rien ne lui a jamais été servi sur un plateau, à commencer par ses fins de parcours en centre de formation. "En 2014 au Havre, j’enchaînais les bons matches et je pense que j’étais dans les quatre-cinq meilleurs de ma génération. Pourtant, le club ne m’a proposé qu'un contrat amateur alors que j’avais joué tous les matches titulaires pendant deux ans", explique celui qui avait alors choisi le HAC plutôt que Nantes ou Rennes. "J’estime que c’était un manque de respect envers moi alors que d’autres joueurs ont réussi à obtenir des contrats stagiaire et pro. J’ai donc décidé de partir".
C'est alors l'heure de rejoindre la formation de l'Amiens SC pour l'ancien prodige de Meudon, un club où il se lie d'amitié avec un certain Tanguy Ndombele (actuellement à Tottenham) mais où l'histoire se répète inlassablement pour lui. "Ils ont viré Tanguy et l’ont repris un mois après", se rappelle le joueur. "Moi, j’ai choisi de partir car ils m’avaient eux aussi proposé un contrat amateur et m’offraient de rester au centre de formation alors que je commençais à grandir et à avoir des responsabilités, j’avais 19 ans". Bloqué dans son pays natal, Manoubi Haddad fait alors le pari de l'étranger mais ses tests à West Bromwich (Angleterre) ou au Sporting Lisbonne (Portugal), bien que concluants sur les terrains, n'aboutissent pas. "Ça a été une période difficile", reconnaît le n°10 des « Rouge et Jaune ». "J’étais jeune, je me posais des questions tous les jours sur mon avenir. Je me demandais comment ça allait se passer et finalement, je suis parti en Tunisie".
Petit par la taille, grand par l'abnégation
Alors qu'il n'avait rallié le pays du Jasmin que pour passer quelques jours de vacances, ses proches lui conseillent de s'essayer au football là-bas, ce qu'il accepte. Ses premiers mois à l'Olympique Béja (D2) lui ouvrent alors rapidement les portes du Club Africain où une soixantaine de matches aboutis en ont fait un joueur confirmé et apprécié. Seulement, Manoubi Haddad reste convaincu qu'il peut s'imposer dans l'Hexagone. "Mon choix de revenir en France a été dur à faire", consent-il toutefois. "Tous les supporters du Club Africain et les journalistes en Tunisie s’attendaient à ce que je signe minimum dans une Ligue 2. Je reste sûr de mes qualités, je pense qu’il y a quelque chose à faire en France pour moi, je n’ai que 24 ans. Quevilly-Rouen s’est présenté avec un très bon projet et un très bon coach qui me fait confiance. Je ne regrette pas mon choix".
Des regrets, l'ancien Meudonnais n'en a au final pas vraiment. Ses passages éphémères au Havre et à Amiens ne lui empoisonnent d'ailleurs pas l'esprit, de même qu'il n'a jamais laissé les réticences sur sa taille (il mesure 1,68 m) le déstabiliser. "On ne m’a souvent pas fait confiance par rapport à ma taille", confie-t-il. "Je suis un petit gabarit et c’est le choix des clubs. Pour moi, c’est un atout d’avoir cette taille-là. Sur mes appuis, je vais même un peu plus vite que les autres". Aussi semble-t-il avoir trouvé en Bruno Irles un entraîneur qui lui apporte tout son soutien après un été de tests et des matches amicaux particulièrement réussis.
Aujourd'hui, l'attaque de QRM est citée partout en France au travers du prisme qu'est le meilleur buteur du National Andrew Jung. Seulement, sur les dix réalisations du joueur prêté par Châteauroux, trois ont eu pour passeur Manoubi Haddad, de même que deux de ses penalties transformés ont été obtenus par le virevoltant ailier gauche. Egalement entouré d'Ottman Dadoune et Yassine Bahassa, l'ex-joueur de Béja s'éclate donc de nouveau en Normandie et aura à cœur de relancer la machine après deux revers de suite contre Bourg-en-Bresse. "Devant, on s’est trouvé des affinités", souligne le joueur de 24 ans. "On s’entend bien sur le terrain et dans le vestiaire, ce qui fait qu’on se trouve automatiquement quand on joue. C’est plutôt encourageant". Et si d'aventure Manoubi Haddad finissait par accompagner QRM en Ligue 2 en fin de saison, le Clamartois ne se plaindrait assurément pas d'apporter enfin un peu de linéarité à sa carrière.
Manoubi Haddad
> Né le 23 août 1996 (24 ans) à Clamart (Hauts-de-Seine).
> Ailier gauche. Droitier. 1,68 m.
> Parcours : Le Havre AC (2012-2014, U19), Amiens SC (2014-2015, U19), Olympique Béja (2016), Club Africain (2017-2020), Quevilly-Rouen Métropole (depuis 2020)
> N1. J3 (match en retard) - Quevilly-Rouen (10e - 15 points) / Bourg-en-Bresse (13e - 14 points), vendredi 20 novembre à 18 heures au Stade Robert-Diochon
La joie d'@Andrewcadabraa & de Manoubi Haddad ⚽ pour débuter le week-end. Pas mal non ? ☺#GoQRM ❤? pic.twitter.com/ayPrt4pyD3
— QRM ⚽ (@QRM) September 5, 2020
Aurélien RENAULT