"On est obligés d'être inquiets. Ne pas l'être, c'est, à mon avis, être très imprudent". Cette phrase est sortie de la gorge nouée de Pascal Dupraz quelques minutes après le cauchemar vécu par le Stade Malherbe, ce samedi, contre Chambly. Les bras croisés, le regard fuyant l'assemblée, l'entraîneur caennais n'avait pas sa verve habituelle. Il était, bien entendu, préoccupé par l'état de santé de son gardien Garissone Innocent, évanoui sur la pelouse en fin de match suite à un malaise. Mais il savait aussi que le chemin pris actuellement par son groupe n'est clairement pas le bon. "Il faut se reprendre", glisse-t-il moribond. "On ne maîtrise pas, quand on est en phase de construction, on perd le ballon. A contrario, on a un nombre incalculable de situations et d'occasions et on a l'impression qu'il faut faire un nombre d'efforts incroyable pour marquer des buts". Sur la pelouse de Beauvais, tous les maux « Rouge et Bleu » des dernières semaines sont sortis de terre au centuple. Et le temps passant, l'équipe normande donne l'impression d'être dans une véritable impasse.
Pour comprendre la crise de résultats actuelle vécue par le club caennais, il suffit de jeter un coup d'œil sur le bilan des 11 dernières journées disputées. Le constat se veut alors accablant puisqu'en termes de points, Jonathan Rivierez et ses copains possèdent le deuxième plus mauvais bilan de L2 (à égalité avec Pau et Dunkerque). Une victoire (J16. 3-2 face à Dunkerque) accompagne ainsi cinq nuls et autant de revers. Seule l'équipe de Châteauroux fait pire. De candidate aux barrages vers la L1 voire à la montée directe, le Stade Malherbe n'est désormais plus tellement sûre de ce qu'il doit viser ou même espérer des 16 matches restants.
Questionné justement sur ce que ce SMC classé 10e allait bien pouvoir faire des nombreuses journées qu'il reste à disputer, Prince Oniangue préfère botter en touche. "Je ne veux pas me projeter", assure-t-il prudemment. "On a un match très important à disputer mardi contre Valenciennes et on va essayer de discuter entre nous, les joueurs". Si les « Rouge et Bleu » affichent désormais 12 points de retard sur le podium, ils n'en possèdent jamais que sept d'avance sur Nancy, l'actuel 18e et barragiste. Il serait malvenu, sans doute, de considérer Caen comme un candidat crédible à la descente en National mais, paradoxalement, tout à la fois déraisonnable de ne pas y penser. Nombre de championnats ont déjà piégé des équipes qui se croyaient à l'abri et étaient finalement trop peu préparées dans leur tête à vivre des matches pour la survie. Si le Stade Malherbe n'en est pas à sentir le souffle de la zone rouge sur sa nuque, c'est pourtant ce qui va l'attendre ces prochaines semaines s'il ne redresse pas la barre au plus vite.
Quels leviers reste-t-il à actionner dans cette équipe ?
Pour l'heure, Pascal Dupraz apparaît davantage comme un entraîneur qui ne fera pas monter le SMC en Ligue 1 que comme celui qui fera basculer le club centenaire en troisième division. Tandis que les déceptions s'amoncellent, le Savoyard semble perdre en énergie et en solutions. "Encore une fois et comme toujours, il y a la responsabilité du coach que je suis", admet-il. "En football, il y a aussi le moins disant qui doit être effectué par les joueurs. Ce moins disant, défensivement, il n'y est pas". Exception faite du succès en Coupe de France face à Guingamp (1-3), l'ancien entraîneur de Toulouse semble avoir perdu la main sur son équipe ou en tout cas ne plus pouvoir actionner les curseurs à même de la faire réagir. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé, que ce soit avec l'inclusion de Johann Lepenant (rentré en cours de jeu à Chambly), le retour de Jessy Pi comme titulaire ou les changements de système réguliers. Il ressort de la débâcle camblysienne que, dans les grandes lignes, le Stade Malherbe n'offre pas (plus ?) à Pascal Dupraz ce à quoi il le prépare durant la semaine.
"Je dois faire en sorte que l'équipe soit meilleure. Après, il y a des critères qui font que nos joueurs sont professionnels. Encore une fois, il y a des attitudes qui doivent être celles de joueurs professionnels. C'est de la faute du coach mais malgré tout, ne croyez pas un seul instant que je demande à mes joueurs de rendre le ballon à l'adversaire", assène le technicien normand dans un calme presque froid. Difficile de ne pas le rejoindre quand on guette les insuffisances techniques en nombre et les erreurs défensives criantes d'un groupe à la dérive.
"C'est comme une voiture, si elle n'avance pas, à un moment, il faut faire une pause et trouver comment remettre la machine en route", image pour sa part Prince Oniangué. "Dans cette période un peu difficile, on a tendance à encaisser le deuxième but rapidement. Il faudra qu'on fasse une réunion entre joueurs pour comprendre ce qui ne va pas, il y a peut-être des choses qu'on ne voit pas". À qui la faute alors : aux joueurs ? Au staff ? Comme toujours en pareil cas, c'est d'abord l'entraîneur qui aimante le viseur, notamment aux yeux des supporters. Le Stade Malherbe doit-il alors vraiment remplacer Pascal Dupraz pour s'éviter des frayeurs en fin de saison ? Personne ne dispose de la réponse à cette question même s'il apparaît évident qu'un ou plusieurs leviers vont devoir être actionnés pour sortir l'équipe de la nasse. Dès lors, seuls les dirigeants sont en mesure de remettre Pascal Dupraz en question, eux qui sont surtout partis dans une optique d'économies financières qu'un licenciement viendrait assurément entacher. Pour l'heure, le coach caennais désabusé ressemble sûrement à n'importe quel suiveur du SMC : attaché à ses joueurs, persuadé de leurs qualités mais diablement frustré à l'heure de constater que trop de choses vont de travers sur le terrain depuis maintenant deux mois.
Aurélien RENAULT