Blottie entre la 8e et la 9e journée de National 3, l'information a de quoi surprendre mais elle fait parfaitement sens. À 39 ans, après d'innombrables services rendus, le vétéran Trésor Luntala a décidé de raccrocher les crampons et de ranger son maillot vert dans son casier. Définitivement. Alors qu'il avait déjà prévu de s'arrêter en mai prochain, le milieu défensif a dû anticiper sa retraite en raison d'une opportunité de reconversion impossible à refuser. "Le Stade Rennais me propose d’être responsable des jeunes joueurs qui évoluent toujours dans leur club d'origine mais qui ont déjà signé un accord pour intégrer le centre de formation quand ils auront 15 ans", explique le joueur, totalement conquis par cette offre de son club formateur. "Ils ont besoin d’un suivi et c’est moi qui gérerai ça. Il y a plusieurs joueurs dans différents pôles, ils peuvent être à Clairefontaine, Châteauroux, Lisieux... Il y a un suivi à mettre en place et des relations à gérer avec les familles".
La fin de carrière de Trésor Luntala sonne comme la fin d'une époque pour une formation alençonnaise pourtant très bien partie en National 3 (troisième et invaincue après huit matches). Passionné par son sport, le natif de la cité ornaise ne souhaitait quoi qu'il advienne "pas jouer la saison de trop". "Tout allait bien physiquement", assure-t-il, lui qui était aussi réputé pour s'imposer une hygiène de vie irréprochable année après année. "Je pense qu'à un moment, il est aussi temps de laisser la place aux jeunes".
L'ex-pensionnaire du centre de formation rennais avait retrouvé Alençon en 2012, 17 ans après avoir fait ses bagages pour la cité bretonne, à l'âge de 13 ans. Il avait alors lancé une très honnête carrière professionnelle, aujourd'hui difficile à résumer au simple détour d'une interview. "Je n'ai aucun regret la concernant", assure celui qui a évolué en France bien sûr mais aussi en Angleterre, en Belgique, en Suisse et en Grèce. "Après Rennes, je suis parti à Birmingham City. J'ai d'abord évolué avec les U18 avant de rejoindre la réserve puis de gagner ma place en équipe première en Championship (deuxième division anglaise)". Dès lors, les souvenirs se bousculent dans la tête du néo-retraité qui a découvert "la beauté du football" dans les stades anglais. "C’était un passage magnifique, c’est vraiment le meilleur football au monde. En termes d’ambiance et d’éthique de vie, il n’y a pas mieux".
Liverpool, Christophe Dugarry, la remontée d'Alençon
Alors qu'on lui demande d'isoler un souvenir en particulier de ses quatre ans et demi dans les Midlands de l'Ouest anglais, Trésor Luntala n'hésite pas un instant en citant ce 5 janvier 2002 où les Blues ont eu le redoutable privilège d'aller défier le Liverpool Football Club en FA Cup. "C'était à Anfield, on avait perdu 3-0 mais je ne retiens pas le score", sourit-il. "En face de moi, j’avais Anelka, Owen, Gerrard et quand on est gamin ça marque". Et même s'il n'a pas su conserver sa place lorsque le club s'est structuré pour la Premier League, à l'heure de citer le nom d'un joueur qui l'a marqué plus que les autres, Trésor Luntala n'a pas besoin de réfléchir bien longtemps. "À Birmingham, le niveau de jeu et la simplicité de Christophe Dugarry m’ont marqué. Il se montrait très disponible, il était en fin de carrière, il est parti au Qatar juste après ça. Ça m’arrive de temps en temps d’avoir encore des contacts avec lui. Il avait beau être critiqué, au niveau du football, c’était un grand joueur, c’était quelque chose".
Au gré de ses passages à Guingamp, aux Grasshoppers de Zurich en Suisse mais aussi à La Louvière en Belgique et à l'Asteras Tripolis en Grèce, Trésor Luntala n'a jamais dévié de sa trajectoire, restant en toute circonstance l'être humain bien élevé et respectueux qu'on lui avait appris à être. "En toute humilité, j’ai toujours dit qu’il ne faut pas se prendre pour un autre. Dans la vie, il faut rester soi-même et surtout respecter les gens avec qui on est, c’est important". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il a fait le choix de venir rejouer dix ans durant à Alençon, auprès de sa famille et de ses amis.
L'US Alençon l'a vu démarrer, l'US Alençon l'a donc aussi vu terminer. S'il voulait finir par pur plaisir d'évoluer "avec ses potes", Trésor Luntala souhaitait aussi continuer coûte que coûte à jouer au plus haut niveau possible. "Evoluer à un niveau inférieur, ça n'aurait pas été la peine", glisse-t-il en compétiteur qu'il a toujours été. Aujourd'hui, le désormais ex-milieu défensif se satisfait d'avoir pu ramener son club de cœur jusqu'en National 3. "J’ai forcément été marqué par l’année de la montée en 2017", témoigne-t-il. "On avait un groupe costaud, on a remis le club où il devait être". La suite de l'histoire va désormais s'écrire sans lui mais tout un chacun a aisément compris que l'offre rennaise était une chance immense. "Je resterai un supporter du club même si mes fonctions font que je ne pourrai pas m’y investir", conclut-il. Le football normand vient en tout cas de dire au revoir à l'un de ses monuments.
Des adieux discrets à un joueur réservé
S'il a toujours assuré sa part dans le domaine médiatique et qu'il fut un capitaine bon guide, Trésor Luntala n'a jamais été le plus expansif ni le plus avide de lumière. Son dernier match en carrière aura été cette victoire 3-0 contre le FC Saint-Lô (J8. le 20 novembre) lors d'une rencontre où les supporters du Stade Jacques-Fould ne se doutaient de rien. Le Franco-congolais n'aura pas droit à son ultime ovation et cela lui va finalement très bien. "J’ai joué mon dernier match contre Saint-Lô mais le public ne savait rien car les choses se sont mises en place très rapidement", explique-t-il. "Je préfère m’arrêter comme ça, discrètement. Je suis en effet plutôt discret de nature, moi, ça me convient bien. Je n’ai pas envie d’être au centre de l’attention, pour moi, ce n’est pas plus mal. Les partenaires et le staff se sont montrés un peu déçu car je suis le capitaine d’une équipe qui performe bien depuis l’entame. Mais ils sont évidemment contents pour moi, ils ont très bien compris".
Aurélien RENAULT