Comment qualifierez-vous la saison de l’US Avranches jusqu’à présent ?
"Moyenne, très moyenne (l'entretien a été réalisé avant la victoire à Boulogne le week-end dernier). Pourtant, sur le papier, je pense qu’on a une équipe de niveau au moins égal voire supérieur par rapport aux années précédentes. Le recrutement n’a pas été mauvais, en tout cas, en termes d’individualités. Maintenant, est-ce que la mayonnaise a pris ? Ce n’est pas sûr. Depuis qu’on évolue en National, elles sont rares les années où on a eu peur. Et là, cette fois-ci, sans qu’il y ait le feu, on est inquiet. On n’est pas habitué à se retrouver dans cette situation. Bon, après, je me suis rendu compte que les clubs qui luttaient pour leur maintien une année jouaient souvent les premiers rôles la suivante. C’est peut-être un clin d’œil".
Avez-vous identifié des raisons qui expliquent ces difficultés ?
"Comme on le fait régulièrement, on a pioché dans les divisions inférieures pour réaliser une partie de notre mercato. Sauf qu’on se trouve dans une année post-Covid, où certains championnats (dont le N2-N3) n’ont pas été à leur terme deux saisons de suite. Du coup, certains garçons souffrent d’un déficit de rythme, d’un déficit physique. Et comme par hasard, on a en permanence cinq, six, sept blessés…".
En parlant de recrutement, l’US Avranches se fait de plus en plus prêter de jeunes joueurs, appartenant à des clubs de Ligue 1 ou Ligue 2, qui possèdent, certes, du potentiel mais manquent d’expérience à un niveau qu’ils découvrent pour la plupart. Votre équipe semble pâtir parfois de ce manque d’expérience…
"Mais les joueurs d’expérience, ça représente un coût. Si on ne recrute pas plus de joueurs expérimentés, c’est tout simplement parce qu’on n’en a pas les moyens. C’est l’unique raison, c’est une question financière (l’USAMSM possède un budget d’environ 2,5 M€, contre 7 M€ pour Châteauroux, le plus élevé dans la division, à titre de comparaison). Sur les 24 joueurs qui composent notre groupe, peu d’entre eux avaient déjà évolué en National avant de signer chez nous. C’est pourquoi on finit toujours mieux le championnat que l’on ne l’a débuté. Ces jeunes joueurs acquièrent de l’expérience au fil de la saison. C’est ce que je leur dis : « Les gars, vous serez meilleur en sortant d’Avranches qu’en y arrivant. Vous devez progresser à chaque minute d’entraînement et de match ». Sans oublier que notre positionnement géographique nous génère des dépenses supplémentaires".
Qu’entendez-vous par "notre positionnement géographique" ?
"On se situe à une extrémité de la Normandie, à 10 km de la Bretagne. D’ailleurs, je suis persuadé que certains Normands pensent qu’on est Bretons ; ce qui n’est pas sans nous poser un problème d’identification. Et l’US Avranches, ce n’est pas que l’équipe première. Chez les garçons, toutes nos équipes de jeunes évoluent au plus haut niveau possible (au niveau national ou régional). Quand vous allez jouer au Havre, à Evreux ou à Rouen, on fait le double de kilomètres par rapport à un club caennais par exemple. Autant dire qu’on subit de plein fouet l’augmentation du prix de l’essence. Ces moyens qu’on investit pour nos jeunes, c’est autant d’argent qui n’est pas destiné à l’équipe première. Attention, qu’on ne se méprenne pas, on le fait sans regret mais c’est une réalité. Et derrière, j’entends qu’on ne donne pas leur chance aux jeunes".
C’est l’un des reproches qu'on vous formule ?
"Aujourd’hui, c’est vrai que peu de jeunes issus de chez nous jouent en équipe première (dans le groupe du coach Fred Reculeau, on recense les défenseurs Bastien Launay et Mathis Lemeray ainsi que le troisième gardien Florian Lebreton). Après, on ne dispose pas d’une marge énorme pour les lancer. Si on validait notre maintien plutôt, ça serait plus facile. Il ne faut pas croire, on ne passe pas comme ça, en un claquement de doigts, d’un championnat jeune ou N3 au National. Les jeunes qu’on fait venir ou qui sont prêtés, ils ont quasiment tous connu les équipes de France (Yann Godart, Harold Voyer, Florian Bianchini, Arnaud Tattevin…). Pour autant, progressivement, je pense qu’on va avoir de plus en plus de jeunes provenant de notre formation".
D’une manière plus globale, compte tenu des résultats, votre club subit quelques critiques. Sont-elles justifiées ?
"Que ce soit les résultats et dans la qualité du jeu, les gens, surtout sur les réseaux sociaux, tiennent des propos durs, ils sont extrêmement exigeants à l’encontre du staff, du club… Ils estiment qu’on devrait avoir tel ou tel résultat. C’est décevant car j’ai l’impression qu’ils oublient qui on est. Ils n’apprécient pas ce qu’ils ont. Ils ne se rendent pas compte du travail qu’on accomplit. Juste pour donner un exemple, pour renforcer nos fondations et pérenniser notre club, on a financé, grâce à nos partenaires, nos bénévoles et le bénéfice du quart de finale de Coupe de France contre le PSG (en 2017) un centre d’entraînement. On n’a pas un centime de crédit dessus. A notre place, combien de clubs auraient investi dans des joueurs ?"
Quand vous indiquez : « Ils oublient qui on est », pouvez-vous approfondir ?
"Si tout se passe bien pour nous, en 2024, on fêtera nos dix ans de présence en National. C’était impossible à prévoir. Quand on est monté, l’espérance de vie dans cette division était de deux-trois ans. Comparées à celles qui découvrent la Ligue 2, il y a beaucoup plus d’équipes qui redescendent. Depuis qu’on est promu en National, Avranches est la plus petite ville à compter un club à ce niveau. Depuis 2014, on affronte où on a affronté Strasbourg, qu’on a battu au passage deux fois en une saison (en 2014-2015), Grenoble, Ajaccio, Le Mans, Laval, Sedan qui possède un long passé en Ligue 1, Quevilly et Rouen qui se sont associés… Et quand on regarde le potentiel économique et démographique des autres villes de Basse-Normandie : Saint-Lô, Cherbourg, Bayeux, Alençon, il est supérieur au nôtre. Si on suit cette logique, notre équipe première, c’est en N3 qu’elle devrait jouer, comme celles des villes que je viens de citer, voire peut-être même en R1 à l’image de Flers et Deauville. Aujourd’hui, c’est notre « B » qui évolue en N3".
Vos détracteurs vous répondront qu’il existe des contre-exemples à l’image de Concarneau, deuxième de National après 24 journées…
"Je sais, on nous balance : « Regardez Concarneau ». Concarneau, c’est un club qu’on connaît bien, c’est un club ami. Il se bat pour ne pas descendre depuis des années. Cette saison, c’est la sienne. Il a trouvé un peu de stabilité. Ça nous est aussi arrivé de connaître de bons parcours en championnat. Au passage, je souligne que Concarneau compte le double d’habitants par rapport à Avranches. Pourquoi j’insiste autant sur le nombre d’habitants ? Car ça signifie un pourcentage de contribuables plus élevé, un nombre d’entreprises plus important et donc de sponsors potentiels, un suivi médiatique plus conséquent, et ce n’est pas la chose la moins négligeable, car moins vous avez de médias qui vous suivent, moins vous avez de retour pour vos partenaires et donc moins d’intérêt ils ont à vous soutenir".
Si l’US Avranches se bat, aujourd’hui, pour garder sa place en National, cette lutte s’annonce encore plus féroce à l’avenir. Compte tenu du passage de la Ligue 1 et de la Ligue 2 à 18 clubs à l’horizon, il y aura six descentes dans cette division (au lieu de quatre actuellement), sur un championnat qui comprend 18 équipes, lors des deux prochaines saisons (2022-2023 et 2023-2024)…
"Ça va être terrible. Si on s’en sort, c’est que le miracle continuera. Devant cette perspective angoissante, certains clubs vont prendre des risques financiers, ils font faire des folies pour sauver leur place. C’est tellement difficile d’accéder et de rester à ce niveau. Mais nous, on n’en fera pas partie".
> N1. J25 - US Avranches (13e - 29 points) / Chambly (15e - 21 points), vendredi 11 mars à 19 heures au Stade René-Fenouillère.
*Depuis 2014 et son accession en N1, l’US Avranches s’est successivement classée (sur un championnat comprenant 18 clubs) 9e en 2014-2015, 7e en 2015-2016, 10e en 2016-2017, 5e en 2017-2018, 8e en 2018-2019, 6e en 2019-2020 et 13e en 2021-2020.