À l'EFC 27, l'euphorie de la montée voilà 11 mois et les rêves pétillants qui l'ont accompagnée ont depuis laissé place non pas à un cauchemar - n'exagérons rien - mais à une sinistre désillusion. En proie à de sérieux problèmes financiers, le club eurois reste menacé de sanctions en tout genre malgré les efforts de la nouvelle direction. Au milieu de la mêlée, la formation de Romaric Bultel vivote comme elle peut en National 2. "Sur le plan sportif, on n'est pas au mieux en ce moment, on ne gagne plus depuis cinq matches (2N-3D)", témoigne le défenseur central Alexander Borja. "Concernant l'extra-sportif, ce n'est vraiment pas facile d'être un joueur de l'équipe première. Ce qu'il y a de bien cependant avec les nouveaux dirigeants, c'est qu'on est au courant de la situation du club, on sait à quoi s'en tenir et on connaît les tenants et les aboutissants".
La première difficulté pour le collectif ébroïcien est sans surprise d'ordre financier. Si les chiffres varient évidemment d'un individu à l'autre, les membres de l'effectif n'ont pas reçu tout l'argent qui leur avait été promis voilà de nombreux mois. "J'ai la chance de travailler, je touche quand même un salaire mais ce n'est pas le cas de tous mes coéquipiers. Me concernant, il y a entre 8 000 et 10 000 € qui ne m'ont pas été versés", assure un joueur sous couvert d'anonymat. "Je suis à plein temps dans mon travail, j'ai la chance de pouvoir allier les deux", poursuit Alexander Borja. "On va dire que ça va mais il y a certaines choses qu'on ne peut plus faire quand on a une entrée d'argent en moins sur son budget prévisionnel".
Là où le bât blesse pour les « Rouge et Noir », c'est que l'essentiel des contrats passés avec l'ancienne direction étaient verbaux. Ce sont là, sans doute, toutes les limites de l'imparfait système du football amateur. "On leur a donné une totale confiance et l'ancien président (Philippe) Mongreville ne nous a pas respectés, il nous a promis tout un tas de choses et finalement, il est parti sans même dire au revoir", déplore l'attaquant Ikauar Mendes qui a, pour sa part, préféré signer au FC Chambly en janvier afin de se sortir d'une situation devenue intenable. "L'extra-sportif a tout gâché, on venait à l'entraînement, on nous disait qu'on serait payés la semaine suivante, on venait la semaine suivante, on nous disait que ce serait pour celle d'après et ainsi de suite". Selon nos informations, de juillet à décembre 2022, les footballeurs de l'EFC 27 n'ont perçu que deux versements et n'ont jamais vu la couleur d'une prime de montée qui, là encore, leur avait été promise.
La possibilité de partir et le choix de rester
Au quotidien, le moral des troupes s'est assez logiquement affaissé. Difficile pour de nombreux joueurs, en effet, de garder leur motivation intacte lorsqu'ils entendent, le plus souvent par voie de presse, que c'est tout un club qui pourrait disparaître du jour au lendemain. Face aux difficultés structurelles, le sportif pèse hélas bien peu de choses. "Mentalement, c'est dur mais on aime tous le foot, on évolue tous à un bon niveau en National 2 même si dans les têtes, on est parfois un peu ailleurs", souligne un autre joueur qui préfère, là encore, garder son anonymat. "Avec tout ce qu'on nous demande, les longs déplacements qu'on doit faire, c'est dur de voir que les promesses ne sont pas tenues". "Je pense que sur le terrain, les difficultés du club ne se voient pas", glisse Alexander Borja. "On a de l'orgueil, de l'amour-propre et surtout de l'amour pour ce groupe. On essaie de mettre toutes les chances de notre côté pour nous maintenir sportivement et faire les choses bien".
Alexander Borja
Si chacun était libre de quitter le navire lorsque les difficultés du club à payer ses factures ont éclaté au grand jour, ceux qui le pouvaient sont surtout restés pour le maillot et pour rester dans la lumière du N2, quitte à en payer le prix au quotidien. D'autres comme Ikauar Mendes, étudiant et contraint de s'appuyer sur ses parents, se sont résolus à partir. "Quand la nouvelle direction est arrivée, on nous a dit que tout était acté mais nous, on n'a rien vu de tel", développe le néo-Camblysien, plein de dépit. "On nous a expliqué que celui qui gagnait 1 600 € allait désormais en toucher 500, s'il y avait de l'argent, et que désormais, il n'allait plus y avoir de prime de match. Dans ma tête, ça a été un déclic. On joue pour le plaisir, certes, mais il y a des limites, on est quand même en N2, en train d'écrire une nouvelle page du club plutôt magnifique".
À quelques jours d'un déplacement chez une lanterne rouge chartraine qui vit elle aussi des heures sombres en interne, l'effectif ébroïcien rescapé est indiscutablement animé par un esprit de groupe toujours vivace. Il reconnaît par ailleurs sans détour "les efforts" déployés par les nouveaux dirigeants Samuel Brigantino et Michel Krolak, lesquels n'étaient en rien obligés de s'engager pour tenter de réparer les pots cassés. Les joueurs qui ont vu certains camarades contraints de "quitter des logements dont les loyers n'étaient plus payés par le club" et d'autres "incapables de remplir leur frigo" restent habités par une colère souvent concentrée sur le même homme. "L'ancien président Philippe Mongreville* a selon moi une très grosse responsabilité dans ce fiasco", regrette Alexander Borja dont l'avis est largement partagé au sein du groupe. Quelle que soit l'issue, quelle que soit la division dans laquelle il évoluera à l'avenir, l'Évreux FC 27 doit malheureusement déjà se préparer à une vague de départs conséquente dans les prochains mois au sein de son équipe première.
> N2. J23 - Chartres (16e - 13 points) / Évreux FC 27 (8e - 28 points), samedi 1er avril à 18 heures au Stade Jacques-Couvret.
*Contacté par la rédaction, l'ex-président n'a pu être joint avant la parution de cet article.