Quand votre entourage vous incite à franchir le pas
Si elles ont toutes comme point commun d’avoir pratiqué plusieurs activités sportives auparavant (tennis, équitation, course à pied…), Carla, Anaïs et Aude n’avaient jamais été licenciées au sein d’un club de football jusqu’à très récemment. Et pour cause, les deux premières ont commencé l’année dernière tandis que la troisième citée en est seulement à sa troisième saison. Comment ont-elles décidé de franchir le pas ? "Une amie, Aline (et également notre consœur de Sport à Caen) a été d’une grande influence. Elle me tannait depuis pas mal de temps. L’été, en soirée, on faisait toujours un petit foot entre nous", raconte Aude (31 ans), ancienne joueuse de rugby en première division à l’Ovalie Caennaise. Alors quand son amie a signé au CHL Terre et Mer (une entente entre Cresserons, Hermanville et Lion-sur-Mer), cette professeure d’EPS l’a suivie. "Elle m’a embrigadée. Ça correspondait aussi à une période de ma vie où j’avais besoin de nouveauté".
Pour Carla (20 ans), c’est une connaissance de sa maman, Davidna, éducateur à l’AS Villers-Houlgate, qui a insisté pour qu’elle effectue une séance découverte. "J’ai fini par craquer". Et l’étudiante en communication ne regrette pas son choix. "Ça m’a permis de rencontrer ma meilleure amie, Jade". Aujourd’hui, les deux jeunes femmes défendent les couleurs du CA Lisieux en R2. "Jouer ensemble, c’est un gros plus". Les débuts d’Anaïs (23 ans) sont, eux, un peu plus improbables. "J’ai posté sur Instagram une photo de moi gamine avec Titi Deroin". C’est par ce biais que cette conseillère en banque est entrée en contact avec l’ex-idole de d’Ornano. Président à l’époque de l’US Villers-Bocage, il lui a proposé un essai. "J’avais toujours rêvé de faire du foot mais je n’en avais jamais eu l’occasion".
Un monde du football loin d’être inconnu
Si elles ont débuté sur « le tard », ces trois jeunes femmes n’étaient pas complètement étrangères au monde du football quand elles ont chaussé les crampons. Exemple avec Anaïs qui, comme on peut le deviner dans le paragraphe précédent, est une grande supportrice du Stade Malherbe. "Je baigne dans cet univers depuis très longtemps. Avec mon cousin, Dimitri, on est abonnés en Borrelli". Une passion pour les « Rouge et Bleu » qu’elle partage également via les réseaux sociaux.
Si Carla, elle, s’est intéressée au ballon rond, sa petite sœur, Salomé n’y est pas pour rien. "Comme elle jouait déjà, je me suis dit que ça pourrait être cool d’avoir cette passion commune. Ça nous a encore plus rapprochées". Et l’aînée de la fratrie s’est muée en première supportrice de sa cadette qui évolue avec les U13 du SMC. "J’assiste quasiment à tous ses matches. J’adore la voir jouer. La saison dernière, je suis allée jusqu’à Capbreton". Un amour pour le football qui a contaminé l’ensemble de la famille. "Maintenant, ma maman est mordue de foot, elle est encore mieux calée que mon papa (Teddy)". Seule différence qui les sépare : les clubs qu’ils supportent. Si la mère et ses deux filles sont fans du PSG, le père de famille voue une préférence pour Marseille ; ce qui donne lieu à quelques « Classico » enflammés devant la TV.
Issue d’une famille de rugbymen, Aude a, de son côté, "appris à apprécier le football" auprès d’amies qui étaient déjà licenciées dont certaines au Stade Malherbe. "Je suis souvent allée voir les filles". C’est d’ailleurs en assistant à des rencontres des « Rouge et Bleu » dans les travées de Venoix qu’elle a rencontré sa compagne, Marion. "Aujourd’hui, le football fait partie de ma vie". A tel point qu’elle s’est mise à l’enseigner dans le collège où elle exerce. Quelque chose qui aurait été inconcevable il y a encore quelques années.
A peine essayé, déjà adopté
Ces trois footballeuses en herbe ont succombé à un véritable coup de foudre. "C’est du pur plaisir", ne passe pas par quatre chemins Anaïs qui éprouve presque un sentiment de manque quand elle est privée de ballon rond à cause d’une blessure. "Ça permet de décompresser du quotidien". "C’est ce mélange entre une ambiance loisir et un léger esprit de compétition qui m’a plu", ajoute Aude qui a remporté la coupe du Calvados à 8 avec son équipe du CHL la saison dernière. Carla, elle, met en avant la dimension sociétale du football : "C’est un sport qui rassemble toutes les catégories sociales, qui est accessible à tout le monde. Tu peux en faire partout. Il te suffit d’un ballon".
Toutes les trois ont eu la chance de tomber sur des entraîneurs et des partenaires bienveillants à leur encontre. "Depuis que je suis à Lisieux, mon plaisir à jouer a été multiplié par trois ou quatre. C’est grâce au coach (Eric Dupin) et aussi aux filles qui ne cessent de te pousser vers le haut, de te motiver", souligne Carla. Son de cloche identique du côté d’Aude, au CHL. "On a un coach génial (Maxime Dupré), très à l’écoute et super calé dans la discipline. En plus, dans notre effectif, on a des filles d’un certain niveau, des anciennes de l’Avant-Garde, de Cormelles, de Condé (dont une a évolué en D2), elles me donnent des conseils. Dès que je suis arrivé dans ce club, je me suis sentie encadrée, entourée".
Si ces trois jeunes femmes apprécient autant le football, c’est également parce qu’elles constatent des progrès. Pourtant, certaines partaient quasiment de zéro. "J’avais quelques bases comme sur les jongles mais en ce qui concerne le fait de jouer en équipe, la conduite de balle, j’avais tout à apprendre", reconnaît Anaïs, positionnée comme ailière gauche à Villers-Bocage. "A mes débuts, je ne maîtrisais pas du tout le foot. Ça se ressent encore aujourd’hui car je ne suis pas technique. Heureusement, ma vitesse me sauve", enchaîne Carla, alignée soit sur le côté droit de l’attaque lexovienne ou en pointe. Pratiquant le foot à 8, Aude a, elle, pu s’appuyer sur son vécu de sportive de haut niveau même si à l’époque, le ballon était ovale. "Je jouais dans la charnière donc j’étais censée me débrouiller avec mes pieds mais ce n’était pas mon point fort", rigole l’intéressée. "Bien que ce soit un sport différent, j’ai retrouvé des similitudes en termes de distribution du jeu, de circulation du ballon, de déplacements…"
Des mentalités qui évoluent
Preuve que le football féminin est en train de trouver toute sa place au sein des clubs, les trois joueuses interrogées affirment ne jamais avoir été confrontées à des propos désobligeants ou bien sexistes. On ne peut que s’en féliciter… "Sur aucun match que j’ai disputé, il n’y a eu de regard négatif sur la pratique féminine", témoigne Aude. Alors, bien sûr, en termes d’égalité de traitement, il y a encore des améliorations à effectuer. "On reçoit nos équipements plus tard, on recherche toujours un bénévole pour faire la touche ou l’arbitrage, on a moins facilement le terrain synthétique", pointe Carla. Mais les efforts ne sont pas feints. "A Villers, le club donne autant pour les garçons que pour les filles. On ne se sent pas mis de côté, on a notre place à part entière dans le club", confie Anaïs. Si l’idée que la femme était l’avenir du football a pendant longtemps été répandue, il est en réalité surtout son présent.
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Qu’elles évoluent au niveau régional, en championnat interdistricts ou en foot à 8 (comme ici, avec les féminines du CHL Terre et Mer), elles sont de plus en plus nombreuses à taper dans le ballon rond en club.
Preuve de la montée en puissance du football féminin, pour la première fois dans son histoire, la Ligue de Normandie (LFN) a franchi la barre des 10 000 joueuses ! A la date du 1er mars, il y avait très exactement 10 432 pratiquantes dans notre région ; un chiffre qui ne prend pas en compte les dirigeantes, arbitres et éducatrices. Pour information, la LFN dénombre, toutes catégories confondues, 113 626 licenciées, soit une augmentation de plus de 3% par rapport à la saison dernière. Le record de 116 000, remontant à avant la crise de la Covid-19, n’est plus si loin.