Pour l'AS Cherbourg, le voile de la réalité s'est brutalement déchiré cet été. Et tandis que le club, empêtré dans ses démêlés financiers, attend encore d'être fixé sur son avenir, les nombreux joueurs restés au club ont, quant à eux, déjà émergé de leur tunnel. Et depuis le 2 septembre, celui-ci ne les conduit plus vers des joutes de National 3 mais, bel et bien, pour des duels de Régional 3 qui tranchent singulièrement avec ce que les Manchois ont pu connaître ces dernières saisons. "Si tout le monde reste sérieux, la différence est énorme", relève le défenseur Edouard Hélaine, repassé axial dernièrement. "Après, je ne vais pas tirer à boulet rouge sur le Régional 3, c’est pas mal, il y a de très bons joueurs, il y a de bons attaquants qui galopent". Le rythme toutefois, la condition physique des adversaires et leur répondant tactique n'ont plus grand chose à voir avec la cinquième division.
Victor Pelleray
Opposés ce week-end à une formation de Départemental 1, l'AS Querquevillaise, au 3e tour de Coupe de France, les nouveaux pensionnaires de R3 ont franchi l'obstacle avec sérieux en s'imposant 2-0. Cette qualification est venue confirmer deux succès inauguraux aisément obtenus en championnat face à l'US Ouest Cotentin (3-0) puis chez l'UC Bricquebétaise (2-0). Peut-on dire alors que l'AS Cherbourg, qui a gardé bon nombre d'éléments issus du N3, va forcément se balader ? "Je n’aime pas ce terme", répond le gardien Victor Pelleray. "C’est négliger les adversaires. Je pense qu’on est supérieurs, oui. Si on est plus sérieux devant le but, on peut gagner 5 ou 6-0. Il faut respecter les autres équipes, et ça signifie marquer le plus de buts possibles".
Régulièrement sollicité devant sa ligne ces dernières saisons, le portier formé au Stade Rennais n'a pour l'heure pas eu à forcer son talent. "En termes de niveau, c’est autre chose. Je joue mon rôle grossièrement par la communication. En deux matches de championnat, je n’ai eu qu’une frappe cadrée à gérer, et encore, c’est mon défenseur qui l’a déviée sur moi de la tête". Ultra favorite pour la montée en Régional 2, l'équipe cherbourgeoise possède une vraie marge d'avance sur une concurrence forcément désarmée pour contrer une armada qui n'a évidemment pas sa place sportivement dans une telle division. "On peut vraiment faire courir l’adversaire pendant plusieurs minutes, à la mi-temps, ils sont occis", confirme Edouard Hélaine. "Derrière, si on est malin, qu’on fait le bon déplacement, on a du temps pour jouer. Mais encore une fois, si tu n'es pas sérieux, si tu fais ta star, tu peux te mettre en difficulté".
La perspective d'un renouveau, un moteur sans pareil
La grosse dizaine de joueurs qui a décidé de ne pas quitter l'ASC n'a aucunement vocation à se plaindre de son sort. Personne n'a été contraint de rester et si certains ont logiquement préféré s'en aller, ceux qui sont encore là le sont pour plusieurs raisons. "Moi, c’est l'attache que j’ai à la ville et dans mon entreprise qui fait que je suis resté mais il y a aussi mes attaches au club", se justifie Victor Pelleray, arrivé dans le Nord-Cotentin en 2019. "J’y ai vécu quatre années intéressantes, notamment le maintien avec peu de moyens. Il était d'ailleurs hors de question de quitter le club de Cherbourg pour un club des alentours". "L’idée de partir, je ne l’ai pas eue", affirme Édouard Hélaine. "Ça fait dix ans que je suis au club, j’ai un travail sur Cherbourg, ma vie est là-bas. C’était impossible d’aller en National 3 ailleurs. Je fais partie d’une rare espèce qui a le sang bleu".
Edouard Hélaine
Si le plaisir de jouer et l'adrénaline du championnat n'ont plus grand chose à voir avec le National 3, les semaines n'ont finalement pas trop changé. Vincent Hébert et Matthieu Travers gèrent en effet toujours les séances d'entraînement, seul Jean-Marie Elie est parti pour raisons personnelles. "La structure sportive n’a pas beaucoup bougé, c’est essentiellement la même chose, avec les mêmes personnes", abonde Édouard Hélaine qui se réjouit, par ailleurs, de la jeunesse émergente qui a rejoint le groupe. "On a des jeunes du cru qui ont intégré le groupe qui ont une mentalité saine, qui sont à l’écoute, qu’on n’entend pas. Quand on leur dit quelque chose, ils croquent dedans. C’est intéressant. Il y a des qualités, de la malice, on va en faire quelque chose. C’est ce qui me motive".
Dans l'ordre des choses, l'AS Cherbourg est sur la voie d'une remontée immédiate en Régional 2. Cette perspective est couplée à un solide projet de reprise qui a été clairement exposé aux joueurs et qui les a séduits. "C'est quelque chose qui n’était même pas prévu et le projet est vraiment intéressant et motivant, avec de nouvelles têtes et des gens qui vont apporter leur expérience", confie Victor Pelleray qui imagine presque la relégation en R3 comme un mal pour un bien. "Repartir en Régional 1, vivre une année difficile, pour jouer le maintien et se retrouver en Régional 2, est-ce que ça aurait été mieux ?", s'interroge-t-il. "Le projet qui arrive est très rassurant", lui emboîte le pas Edouard Hélaine. "Je suis proche de Gérard Gohel sans être d’accord avec lui et sa façon de gérer. Mais qui fait tout bien dans la vie ? Là, je suis rassuré. Il a gardé de la lucidité pour ne pas se lancer avec n’importe qui [...] Il y a tout pour que ce soit mieux par la suite". Dans l'immédiat, il appartient aux joueurs de continuer à assumer leur rang sur les pelouses.
> R3. J3 - AS Cherbourg (1er - 6 points) / ES Saint-Sauveur-la-Rondehaye (2e - 6 points), samedi 23 septembre à 19 heures au Stade Maurice-Postaire.
Aurélien Renault