Maintenue pour la première fois de son histoire en D1 la saison dernière, la section féminine du HAC ambitionne de s'installer durablement dans l'élite du football féminin français. Pour cet exercice 2023-2024, les « Ciel et Marine », sous l'impulsion de leur manager général : Laure Lepailleur, ont entamé un nouveau cycle avec la nomination de Romain Djoubri sur leur banc. Pour connaître un peu mieux les joueuses de l’effectif havrais, nous partirons chaque mois à la découverte de l’une d’entre elle à travers la plume de leur coéquipière : Romane Enguehard. Après la capitaine Deja Davis, la gardienne Laëtitia Philippe, focus sur la recrue Laurie Cance.
Le choix du football comme une évidence
"Toute ma famille jouait au foot, je ne pouvais pas y échapper"
Dans la famille Cance, le ballon rond n’est pas loin d’être une religion. "Tous les week-ends, j’allais encourager mon frère, Jérôme, et mon père, Francis. Ma mère, Cathy, ainsi que mon second frère, Stéphane, ont également joué pendant quelques années. Dès mon plus jeune âge, je passais tout mon temps libre au bord des terrains. Lorsque tous tes proches vivent au rythme du football, c’est difficile d’y échapper". A six ans, la petite Laurie imite donc le reste de la famille et signe sa première licence à la JS Bassin Aveyron, le club de sa ville de naissance, Decazeville. Pendant plusieurs saisons, la néo-Havraise s’éclate en mixité et épate les observateurs. En 2008, alors qu’elle évolue en U12, son talent tape dans l’œil d’un homme : Franck Plenecassagne, entraîneur de l’équipe féminine de Rodez (en poste de 2008 à 2012 et revenu depuis juillet 2023 à la tête des Ruthénoises).
Très rapidement conquis par la milieu de terrain de poche (1,58 m), le technicien lui propose de rejoindre le club phare de la région afin de poursuivre sa formation à un niveau supérieur. "Au départ, je voulais rester dans mon club, profiter avec mes copains… Mais jouer pour le RAF, ça représente un rêve pour tous les jeunes du coin, alors j’ai fini par accepter", confie Laurie Cance. 30 minutes de route séparent le domicile familial de la préfecture de l’Aveyron. "Nous étions deux jeunes de Decazeville à signer là-bas en même temps avec Jérémy Fabre. Ça a facilité les choses car nos parents s’arrangeaient pour faire les allers-retours (au rythme de trois fois par semaine au départ puis tous les jours ensuite). Ça leur a demandé beaucoup de temps, de sacrifices… Je ne peux que les remercier pour leur soutien".
Ses débuts idylliques en première division
"Offrir la victoire à mon club, à 16 ans, pour mon premier match en D1, c'était incroyable"
Aujourd’hui encore, l’émotion est palpable lorsque Laurie Cance raconte ce 11 septembre 2011. A cette époque, du haut de ses 16 ans, la jeune joueuse fait partie du groupe des U19 nationaux du RAF. "Habituellement, je m’entraînais la semaine avec l’équipe première et le week-end, je jouais avec les U19". Mais ce week-end-là, Franck Plenecassagne la convoque pour la première fois chez les « grandes » pour disputer la 2e journée de championnat contre l’AS Saint-Etienne. "Je suis rentrée à l’heure de jeu. Il y avait 0-0, c’était serré. L’ASSE avait une belle équipe : (Kheira) Hamraoui, (Camille) Catala…", se souvient-elle. Le chronomètre défilant, les deux équipes se dirigeaient vers un partage des points. "A la dernière minute, je reçois un centre de Laura Agard, et d’une tête plongeante, j’ouvre le score. C’était fou ! Tout le monde m’a soulevé. Offrir la victoire au RAF, pour mon premier match. Je ne pouvais pas rêver d’un meilleur scénario". Un début d’histoire d’amour idyllique qui ne pouvait laisser présager que de belles choses pour la suite.
Si elle était épanouie dans son métier d'animatrice d'une maison de quartier ; un emploi qu'elle occupait en parallèle de sa carrière de footballeuse à Rodez, Laurie Cance se verrait bien rester dans le monde du ballon rond une fois les crampons raccrochés, en intégrant pourquoi pas une cellule de recrutement. ©Emmanuel Lelaidier
Son départ de Rodez après 15 ans de fidélité
"Dans un coin de ma tête, je me disais que j'y ferai toute ma carrière"
La décision de quitter son cocon après 15 saisons fut pour la jeune femme à l’accent chantant un choix cornélien. "Dans un coin de ma tête, je me disais que j’y ferai toute ma carrière. J’aimais ce côté humain, d'être entourée de ma famille, de mes amis, j’étais chez moi tout simplement". A chaque fin de saison, des opportunités de départ se présentaient. Toutes obtenaient la même réponse : un refus. Alors pourquoi cette décision, plutôt inattendue, à l’issue de l’exercice 2022-2023 ? Suite à l’échec du maintien de Rodez dans l’élite, la capitaine aveyronaise s’est posée et a longuement réfléchi. "J’avais le sentiment d’avoir fait le tour, d’être arrivée au bout du chemin. Vivre une montée (saison où elle fut élue meilleure joueuse du championnat par ses pairs), plus de 200 matches au haut niveau mais aussi deux descentes… Croyez moi, cette ultime saison a été difficile à vivre mentalement. J’étais usée". Comme d’habitude, des propositions, dont celle du HAC, sont arrivées sur la table. Cette fois-ci, Laurie Cance a ouvert la porte aux discussions. "Le projet présenté par Laure Lepailleur (la manager général) était très ambitieux : jouer au Stade Océane, viser la première partie de tableau… J’avais besoin de nouveaux objectifs. J’ai surtout senti un fort intérêt du club pour moi. Ça m’a convaincu et aujourd’hui je ne le regrette pas du tout".
Son poste de n°10
"Jouer à l'instinct, c'est ce qui me plaît"
Dans le football moderne, le n°10 est une espèce en voie de disparition. "C’est dommage, aujourd’hui, on préfère peut-être des profils plus athlétiques, plus complets, qui mettent moins en péril l’équilibre de l’équipe", déplore Laurie Cance. "Pour moi, le n°10 a un rôle important sur le terrain. C’est celui qui apporte sa patte technique, son intelligence de jeu. Il peut débloquer des situations complexes". De Ronaldinho à Messi, en passant par Zidane, celle qui porte le n°5 chez les « Ciel et Marine » s’est inspirée des plus grands pour faire évoluer son jeu. Tout en conservant une notion primordiale à ses yeux : l’instinct. "Etre n°10, ça ne s’apprend pas. Parfois, je vois des choses dans ma tête que certains ne perçoivent pas. Jouer à l’instinct, c’est ça qui me plaît ! Je pense que c’est inné". Positionnée un cran plus bas depuis le début de la saison, l'ex-Ruthénoise s’affaire aux tâches défensives sans rechigner. "Tout donner pour l’équipe, ça fait partie de mon ADN. C’est différent mais je m’adapte, tant que les victoires sont là, je prends du plaisir".
Un après-carrière déjà bien réfléchi
"J'avais à coeur d'avoir une stabilité professionnelle avant de vivre du football"
Depuis son arrivée au HAC, le rythme de vie de Laurie Cance a littéralement changé. "C’est la première fois que je ne vis que du football ! A Rodez, j’avais un travail à côté. C’était tout le temps la course. C’est une sensation étrange d’avoir du temps pour soi", admet-elle le sourire aux lèvres. Dans son « ancienne vie », la milieu de terrain avait pris la décision de travailler pour vivre convenablement mais aussi et surtout pour s’assurer une après-carrière plus stable. "C’était important pour moi d’avoir un double projet. J’ai obtenu un Bac ST2S puis une licence STAPS. Une fois mes diplômes en poche, j’ai reçu une offre d’emploi en CDI à la mairie de Rodez. Pendant six ans, j’étais donc, en parallèle de ma carrière de footballeuse, animatrice dans une maison de quartier".
Un poste dans lequel la néo-Havraise s’est épanouie et qu’elle pourra reprendre si elle le souhaite puisqu’elle s’est mise en disponibilité le temps de son aventure normande. "J’avais à cœur d’obtenir une stabilité professionnelle avant de vivre totalement du football. Peut être que dans un ou deux ans, ça me manquera mais pour le moment, je savoure". Cette mordue de foot, fan du Paris Saint-Germain depuis sa plus tendre enfance, ne ferme toutefois pas la porte à une reconversion dans le ballon rond. "Je me plaisais bien dans mon travail mais une fois que ma carrière sera terminée, je pense que le terrain me manquera. Je me vois bien intégrer une cellule de recrutement afin de dénicher des talents". Et il y a fort à parier qu’elle aura du flair pour repérer les futurs n°10 de demain.
> D1F. J10 - Le Havre AC (7e - 11 points) / Paris SG (3e - 18 points), dimanche 10 décembre à 21 heures au Stade Océane.
Romane ENGUEHARD
Laurie Cance
- Née le 11 mai 1995 (28 ans) à Decazeville (Aveyron).
- Milieu offensive. 1,58 m.
- Parcours : Rodez (jusqu'en 2023, D1-D2), Le Havre AC (2023-..., D1).
- Internationale française U16-U19 (huit sélections).
- Sous contrat jusqu'en 2025.