"La certitude, c’est que la politique du club dans les prochaines années se tournera de plus en plus vers l’ADN normand et le centre de formation". Dans le dernier entretien qu’il a accordé à nos confrères d’Ouest-France, Pierre-Antoine Capton a martelé l’importance de la formation dans son projet pour le Stade Malherbe. Mais quelle réalité se cache derrière derrière les mots du (futur) propriétaire du club caennais ? Dans un contexte de rigueur budgétaire, comment se porte le centre du SMC aujourd’hui ? « Normandisation », développement de la post-formation, moyens financiers et humains accordés… Tout au long de la semaine, la rédaction de FOOT NORMAND consacre une série d’articles sur le centre de formation des « Rouge et Bleu ».
Des signaux d’alerte à ne pas négliger
La scène remonte à l’été 2023. Alors que l’entraînement de l’un des groupes de jeunes du Stade Malherbe vient de se terminer, un éducateur range le matériel. Mais au lieu de le stocker dans un local du club, il l’entrepose dans son véhicule personnel. Et pour cause, il lui appartient, acheté avec ses propres deniers ! "Si je ne l’emmène pas, on ne peut pas assurer la même qualité de séance", nous confie-t-il. Il y a quelques semaines, à la fin du match des U17 nationaux contre QRM, les spectateurs présents à Venoix ont pu constater qu’un seul des deux camps avait doté ses joueurs de GPS et ils n’évoluaient pas en « Rouge et Bleu ». Autre exemple : durant la confrontation des U19 face à Lens à la mi-avril. Tandis qu’un préparateur physique s’occupait de l’échauffement des Artésiens, leurs homologues Caennais ont dû se débrouiller. Difficile de procéder différemment, ce jour-là, Matthieu Ballon était l’unique technicien détaché auprès de cette équipe.
Conséquence, notamment, du départ imprévu de Sébastien Bannier, début avril. Depuis, ils ne sont plus que six éducateurs « sportifs » pour quatre catégories (U16, U17, U19 et la réserve)(1) même s’il convient de signaler que Stéphane Pilard, responsable de la pré-formation élite (et donc en charge des U15), dépanne en cette fin de saison à la tête des U17. A titre de comparaison, sur l’exercice 2018-2019, le dernier en Ligue 1 à date pour le SMC, ils étaient quasiment le double. A l’époque, le club normand disposait peut-être d’un staff abondant pour sa formation. Aujourd’hui, on peut affirmer, sans trop risquer de se tromper qu’il est en sous-effectif. De même, l’efficacité de la cellule de recrutement du centre repose sur une poignée d’hommes : cinq dont deux seulement à plein temps (Djibi Diao et Jean-Louis Mendes). Il s’agit là d’un sujet central dans l’optique de l’accompagnement et du développement des jeunes à potentiel dans les meilleures conditions.
(1)Romain Leroux et Matthieu Ballon (respectivement coach de la « B » et des U19), Sébastien Maté et Adrien Gateau (entraîneurs des gardiens), Julien Lecoq (préparateur athlétique), Julien Savigny (coach des U16 et préparateur athlétique).
Depuis le départ imprévu de Sébastien Bannier, début avril, ils ne sont plus que six éducateurs pour s'occuper de quatre catégories : U16, U17, U19 et réserve. ©Damien Deslandes
La mise en place d’un micro-lycée pour une demi-douzaine d’élèves de Terminale
Bien entendu, il n’y a rien de choquant à ce que le Stade Malherbe réduise la voilure en matière de formation. Le club caennais enchaîne une cinquième saison consécutive en Ligue 2 et affiche, selon le rapport de la DNCG pour l’exercice 2022-2023, un déficit structurel supérieur à 9 M€ (avant la balance des transferts). Sachant que la priorité de l’Etat-major des « Rouge et Bleu » demeure, à juste titre, une remontée à l’étage supérieur. On peut, néanmoins, relever un décalage entre certains aspects de la réalité du terrain et le discours des dirigeants-actionnaires qui ont toujours déclaré placer la formation au cœur de leurs préoccupations footballistiques sans que cela ne se traduise forcément par des actes derrière.
Toutefois, il serait infondé d’affirmer que rien n’est entrepris au centre du SMC. Cette saison, un Team manager, en la personne de Quentin Bialylew, a été engagé, après avoir terminé ses études en alternance au club. Il s’occupe, entre autres, l’organisation des déplacements, des U14 aux féminines (transport, restauration), la gestion administrative, l’accueil des joueurs à l’essai… Comme le stipule le cahier des charges de la DTN, un médecin, le docteur Quentin Bouchereau, a également été affecté. Surtout, le Stade Malherbe a mis en place un micro-lycée en interne à destination d’une demi-douzaine d’élèves de Terminale : Tidiam Gomis, Djulys Gomis, Léo Le Milliner, Tristan Rozier, Noha Lapisse-Pouchard, Tom Lepenant... Considérés comme des jeunes à potentiel, ils bénéficient, en parallèle des cours à distance assurés par le CNED, de l’apport de professeurs privés qui viennent leur dispenser des leçons au sein même de la structure normande. Un emploi du temps scolaire à la carte qui leur permet de s’entraîner avec le groupe « pro » ou celui de la réserve.
La formation, un investissement qui rapporte
Qu’on ne s’y méprenne pas, le Stade Malherbe attribue, à son échelle, déjà beaucoup de moyens pour sa jeunesse. Selon certaines sources, le budget du centre avoisinerait les 4 M€ (en se basant sur un rapport de la DTN, la moyenne des centres de catégorie 1(2) est de 3,7 M€ même si les écarts peuvent être abyssaux d’une structure à une autre ; celui de l’OGC Nice est compris entre 8 et 9 M€) ; ce qui signifierait que le SMC consacre environ un quart du total de ses recettes, hors transferts, à la formation. Néanmoins, on ne sait pas ce qu’englobe ce chiffre qu’il nous a été, par ailleurs, impossible de confirmer.
De toute façon, il faut percevoir cette somme éventuelle non comme une dépense mais un investissement. La DTN considère qu’un centre est « rentable » à partir du moment où un club vend entre 20 et 25 M€ de joueurs provenant de sa formation sur une période de cinq ans. Avec Yann Karamoh (6,5 M€ à l’Inter Milan), Frédéric Guilbert (5 M€ à Aston Villa), Alexis Beka Beka (6 M€ au Lokomotiv Moscou), Kelian Nsona (500 000 € au Hertha Berlin) et Johann Lepenant (4,25 M€ à Lyon) depuis 2018(3) sachant que Tidiam Gomis et Norman Bassette pourraient suivre prochainement, les « Rouge et Bleu » sont dans les clous.
(2)La Direction technique nationale classifie les centres de formation en trois catégories : Prestige (Auxerre, Lyon, Marseille, Monaco, Paris SG, Reims, Rennes), 1 (Amiens, Angers, Bordeaux, Brest, SM Caen, Dijon, Guingamp, Le Havre AC, Lens, Lille, Lorient, Metz, Montpellier, Nantes, Nice, Niort, Paris FC, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse, Troyes) et 2 (AC Ajaccio, Châteauroux, Clermont, Nancy, Sochaux, Valenciennes).
(3)Les montants indiqués proviennent du site Transfermarkt et ne comprennent pas toujours les différents bonus négociés dans le cadre d’un transfert (ex : Johann Lepenant aurait rapporté, au total, 6,5 M€ au SM Caen) ni les indemnités liées aux mécanismes de solidarité instaurées par la FIFA (0,25% de l’indemnité par année passée par un jeune dans un club entre 12 et 15 ans, 0,5% entre 16 et 23 ans).
Le transfert de Johann Lepenant à Lyon, à l'été 2022, aurait rapporté 6,5 M€ au Stade Malherbe en intégrant les différents bonus. ©Damien Deslandes
La question centrale du directeur du centre
Afin de répondre au cahier des charges de la FFF qui impose trois titulaires du diplôme du Formateur dans un centre de catégorie 1 (Matthieu Ballon le possède déjà, Romain Leroux est en train de le passer), un nouveau technicien va rejoindre la structure malherbiste cet été. Si ce recrutement est obligatoire, il reste une zone d’ombre importante concernant l’organigramme de la formation caennaise : l’identité de son directeur. Depuis la promotion de Nicolas Seube aux commandes des « pros », fin novembre, ce poste est occupé par Matthieu Ballon. Pour cette mission spécifique, il dispose d’un contrat prenant fin le 1er juillet.
Deux options sont sur la table : soit prolonger l’historique entraîneur des U17 ou nommer l’éducateur qui va arriver de l’extérieur. Une chose est sûre, pour que le fonctionnement du centre soit optimum, mieux vaut que l’entraîneur des « pros », celui de la réserve et le directeur de la formation soient sur la même longueur d’onde. Des exemples récents ont montré que c’était loin d’être toujours le cas. Ce dossier ne pourrait se décanter qu’une fois les nouveaux actionnaires qui accompagneront Pierre-Antoine Capton d’ici quelques semaines seront annoncés. Si ce scénario se confirme, espérons pour le centre du SMC que cette officialisation interviendra le plus tôt possible. La saison prochaine doit marquer le début d’un nouveau cycle pour la formation des « Rouge et Bleu ». Et au-delà des moyens financiers et humains, qui en découlent, la structure caennaise, si elle veut continuer à sortir des Brahim Traoré, Noé Lebreton et autre Tidiam Gomis, a surtout besoin de visibilité dans les plus brefs délais puis de stabilité dans un second temps.
Educateur historique du Stade Malherbe, Matthieu Ballon est l'une des deux options pour diriger le centre de formation la saison prochaine ; un poste qu'il occupe déjà depuis la nomination de Nicolas Seube chez les « pros ». ©Damien Deslandes
A LIRE EGALEMENT :
► A MALHERBE, LES RÉSULTATS DES JEUNES NE DISENT PAS TOUTE LA VÉRITÉ
► QUEL SONT LES JEUNES MALHERBISTES À SURVEILLER ?
► EN (BASSE) NORMANDIE, LA FORMATION DU STADE MALHERBE NE PEUT PAS FAIRE BEAUCOUP MIEUX
► LA POST-FORMATION : LA POLITIQUE DE LA DEUXIÈME CHANCE À MALHERBE