Quatre mois après son dernier match à la tête des « Rouge et Bleu » contre le PSG (0-0), synonyme d'un quatrième maintien consécutif en Ligue 1, c'est un Patrice Garande détendu, délesté de quelques kilos et toujours aussi passionné par le football que nous avons retrouvé. "Avant, je me rendais à l'entraînement en voiturette. Aujourd'hui, je fais du vélo et des abdos tous les jours. Quand j'étais en activité, je n'arrivais pas à me dégager une ou deux heures pour faire du sport. Je prends aussi des cours d'anglais. Je travaille le corps et la tête". Autant d'activités pour occuper ses journées en attendant d'exercer de nouveau son métier d'entraîneur. Car, ne vous y trompez pas, à 57 ans, l'heure n'est pas à la retraite pour l'ex-coach du Stade Malherbe. "Ça me démange". Alors qu'il est à la recherche d'un projet, le technicien est revenu sur son aventure avec le club normand en s'arrêtant longuement sur la saison dernière.
Votre aventure avec le club normand a pris fin le 30 juin. Comment avez-vous vécu ces premières semaines loin du Stade Malherbe ?
"Pour moi, ça s'est arrêté le 20 mai, après le match contre Paris (au lendemain de la 38e et dernière journée de championnat). Comme je me trouvais en fin de contrat, j'ai été décisionnaire et maître de mon destin. C'est moi qui ai décidé d'arrêter avec le Stade. Et c'est moi qui l'ai annoncé. Quand tu vis des saisons comme celles que j'ai vécues à Malherbe, c'est éprouvant psychologiquement et physiquement. C'est pourquoi au début, ça m'a fait beaucoup de bien. J'ai pu faire ce que je n'avais jamais fait auparavant : partir en vacances pendant plusieurs semaines, notamment avec ma famille. Mais derrière, très vite, un manque s'installe. Je l'avoue, c'est quand même difficile à vivre. Depuis mon départ, je ne suis pas retourné une seule fois au club. Je ne passe même plus devant d'Ornano. C'est trop frais. J'ai traversé des périodes compliquées, notamment au moment de la reprise de l'entraînement (début juillet). Habitant sur Caen en plus… C'est pourquoi à ce moment-là, je suis parti. Je ne voulais pas être sur place. Mais à mon retour, ce sentiment de manque est devenu de plus en plus grand. Du jour au lendemain, tu passes de 50 coups de téléphone quotidien à rien. C'est le plus gros choc".
Depuis un an et demi, vos rapports avec une partie du public s'étaient détériorés. Votre nom était quasiment systématiquement sifflé à chaque match à d'Ornano…
"Les supporters, je les ai toujours aidés et défendus ; y compris dans les moments où ils n'étaient pas trop défendables. Qu'ils me sifflent ou qu'ils crient « Garande démission », c'est leur droit. De toute façon, ils peuvent, avec mes problèmes auditifs, je n'entends rien (sourire). Après dans ma communication, j'ai toujours été honnête avec eux. Je ne leur ai jamais vendu des objectifs qu'on ne pouvait pas assumer. Et puis une fracture est intervenue. Il s'est passé quelque chose à la sortie du stade que je n'admettrai jamais*. Au passage, on ne peut pas dire que j'ai été énormément soutenu par le club dans cette histoire. Mais je peux vous assurer qu'à chaque fois que je vais en ville, je n'ai jamais trouvé un mec qui s'est mal comporté avec moi. Tout le monde a toujours été adorable. Maintenant, quand vous êtes présent depuis longtemps, c'est aussi normal que les gens en aient marre de voir votre tronche. C'est pourquoi, il faut que chaque saison, le club avance. Pour moi, changement de direction ou pas, le Stade Malherbe se trouve à la croisée des chemins. Il doit changer de braquet, avoir une meilleure équipe, donc de meilleurs joueurs grâce à un budget en augmentation autour des 40-42 M€. Jean-François (Fortin) en était bien conscient".
Concernant le recrutement, on a l'impression que vous ne jouiez plus la même partition avec Xavier Gravelaine, le directeur général…
"C'est exact lors de la dernière intersaison (à l'été 2017). Je souhaitais un joueur qui prenne la profondeur et qui centre. Car quand vous avez un avant-centre comme Ivan Santini, il faut l'approvisionner. Je voulais (Przemyslaw) Frankowski (international espoir polonais qui évolue dans son pays, au Jagiellonia Bialystok). On m'a répondu non. Je n'ai pas peur de dire non plus que Stef Peeters, je ne l'avais jamais vu avant son recrutement. On me l'a imposé. Ça fait partie de mes regrets. Sur le mercato, j'aurais peut-être dû mettre en garde publiquement. Après quand vous vous exprimez de cette manière, vous vous mettez en opposition par rapport à l'institution. Et moi, je suis quelqu'un de respectueux de la hiérarchie. Je me suis exprimé en interne. Il y a eu beaucoup de discussions. On m'a donné plein d'arguments qui étaient recevables. Et que j'ai reçus. Pour le modèle économique du club, on m'a expliqué qu'il fallait qu'on recrute de jeunes joueurs pour réaliser des plus-values derrière. Je voulais bien être en phase avec ce projet. Mais est-ce qu'on en avait les moyens ? Car il ne faut pas oublier que l'objectif était de se maintenir. Pour ça, il faut une base qui tienne la route. Si l'on prend le cas de Jan Repas, quand il arrive, c'est un gamin. Il a 20 ans, il n'est jamais sorti de son pays (la Slovénie), il ne parle pas un mot de Français et c'est notre recrue n°1. Celui qui est censé remplacer Yann Karamoh. Jan comme le petit Timo (Stavitski), je considère que ce sont des très bons joueurs. Sauf qu'ils n'étaient pas prêts tout de suite pour être performants en Ligue 1. Pendant ce temps-là, on avait des manques dans les couloirs".
*A la sortie d'une défaite à d'Ornano contre Lille (0-1), le 18 février 2017, Patrice Garande avait eu une virulente altercation verbale avec Christophe Vaucelle, dit « Olaf ». Le président du MNK avait affirmé au coach que "le groupe ne croyait plus en lui". Une déclaration qui avait mis hors de lui Patrice Garande. Dans l'énervement, l'entraîneur avait traité le capo des supporters caennais de "bouffon".
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