"S'il continue à progresser comme ça, Paul Reulet sera le futur gardien du Stade Malherbe". Cette phrase, c'est Patrice Garande, l'ex-coach caennais, qui l'a prononcé à l'heure de dresser le bilan de l'exercice 2015-2016. Bien qu'il n'ait pas beaucoup eu l'opportunité de s'illustrer (une apparition, en Coupe de la Ligue), le portier a vécu toute cette saison, ponctuée d'une 7e place en Ligue 1 pour le SMC, en tant que doublure de Rémy Vercoutre. A seulement 22 ans à l'époque, plutôt prometteur. Mais pour celui qui débuté à InterOdon, les ennuis commencent l'été suivant. En stage à Carnac, il se fracture l'annulaire de la main gauche. Conséquence : pratiquement trois mois d'indisponibilité.
Malgré l'arrivée de Matthieu Dreyer durant sa convalescence, Paul Reulet renoue, néanmoins, avec son statut de n°2 à son retour. Mieux, fin novembre, ce pur produit du centre de formation de la maison « Rouge et Bleu » (qu'il a rejoint dès ses 9 ans) fête même son baptême du feu en L1. Touché à une cuisse contre Guingamp, Rémy Vercoutre doit céder sa place à un quart d'heure du terme. Se prolongeant de deux journées supplémentaires, l'intérim de son remplaçant ne va pas très bien se dérouler. Notamment face à Dijon où sa responsabilité est engagée sur le premier but adverse (3-3, 2 décembre 2016).
"Ce fut une période compliquée", ne cache pas l'intéressé. "Tu reçois des insultes sur les réseaux sociaux". Devancé, dès lors, par Matthieu Dreyer dans la hiérarchie des gardiens caennais, Paul Reulet retourne en réserve, presque à la case départ. "Eddy (Costil) m'a récupéré à la petite cuillère". Mais avec l'aide de son entraîneur spécifique, l'ultime rempart se relève petit à petit. "J'ai enchaîné sur six bons mois en CFA2". La saison d'après, il est prêté à Boulogne-sur-Mer, en N1, où il réalise un exercice plein (30 titularisations). "Avec le recul, ce passage difficile au Stade Malherbe m'a rendu plus fort. Dans une carrière, on traverse forcément des moments négatifs. Aujourd'hui, c'est derrière moi. Je me fais juste chambrer par mes potes".
Le soutien décisif d'Eddy Costil dans son parcours
Pourtant, le Normand n'est pas au bout de ses déconvenues. Il traverse deux saisons galères. En 2018-2019 : pour sa dernière année de contrat sous le maillot « Rouge et Bleu », il doit se contenter de deux matches avec la « B ». "Avec le groupe pro, il y avait déjà trois gardiens avec Brice (Samba), Erwin (Zelazny) et Thomas (Callens). C'était compliqué pour les rotations. De toute façon, j'avais demandé à m'entraîner avec la réserve. J'ai retrouvé Eddy. C'est quelqu'un qui a énormément compté dans mon parcours". Bien qu'il préfère ne pas s'épancher dessus, la fin de son aventure avec le Stade Malherbe lui laisse un goût amer. Surtout que les lendemains sont difficiles avec la découverte du chômage (en 2019-2020).
"J'ai eu quelques contacts. Rien de sérieux. Heureusement, j'avais ma famille sur Caen pour me soutenir. Ça m'a aidé à ne pas péter un câble", témoigne un Paul Reulet qui a beaucoup appris sur lui. "Etre sans club, faire une saison blanche, pousser la porte de Pôle emploi... ça m'a énormément fait grandir". Toutefois, il l'assure, il n'a jamais envisagé de raccrocher les gants. La preuve : il s'est entretenu quotidiennement dans la salle de sports de son coach personnalisé, Romain Morin, à Saint-Contest. "Il a voulu que je garde le rythme d'un pro avec une séance tous les jours à 10 heures".
Et le téléphone a (enfin) sonné. Alors que l'US Granville (N2) se trouvait à la recherche de gardiens pendant ce mercato, Johan Gallon, conseillé par Eddy Costil, décide de lui donner sa chance. "Je suis franchement heureux. Le plus important, c'est que je fasse de nouveau partie d'un club et que je rejoue. La vie d'un groupe m'a manqué. J'ai le couteau entre les dents". Et qui sait, à 26 ans, même s'il consent avoir "pris un peu de retard", son aventure chez les professionnels n'est peut-être pas terminée. Si la comparaison peut paraître disproportionnée, Paul Reulet peut se nourrir de l'exemple d'un autre gardien caennais qui n'a pas réussi à percer dans son club formateur ; ce qui ne l'a pas empêché d'effectuer une très belle carrière au demeurant. Un certain Benoît Costil.