Ce samedi soir, les équipes premières de Quevilly-Rouen et du FC Rouen vont croiser le fer pour la toute première fois depuis le rapprochement des deux clubs en 2015. Un rapprochement abandonné depuis. À l'échelle nationale, un tel affrontement entre deux formations d'une même métropole est un cas isolé du 8e tour de Coupe de France et c'est peu dire qu'il fait couler beaucoup d'encre dans la région rouennaise. "Sportivement, on n'a pas grand chose à perdre", lance Mathieu Gudefin, vice-président des Culs Rouges, collectif qui regroupe les amoureux du FCR. "On est le petit entre guillemets, mais en termes d'image, c'est un match important. Il faut le gagner !" Le pensionnaire de National 2 privé de championnat depuis octobre sera en effet au défi d'une formation quevillaise qui truste les sommets du National depuis des mois et qui s'avance clairement en favorite. En coupe, toutefois, les cartes sont souvent rebattues et le contexte particulier du match ainsi que la volonté de QRM de faire tourner son équipe pourraient resserrer les écarts.
David Giguel, coach du FCR
Le contexte justement est impossible à éluder tant il est à part. Comme deux ex-époux, le FCR et QRM cherchent à refaire leur vie depuis leur divorce prononcé en 2018. "Chacun vit sa vie, le FC Rouen a pris ses distances il y a trois ans, ça a été leur choix", explique Michel Mallet, le président quevillais. "Ils mènent leur chemin, on mène le nôtre". Sauf que les relations cordiales d'antan ont laissé place à une forme d'aigreur que l'on retrouve principalement chez les supporters rouennais. "Historiquement, la rivalité Rouen - Quevilly n'existe qu'au niveau des gamins", glisse Mathieu Gudefin. "Mais ils ont voulu nous absorber, prendre nos couleurs, prendre notre stade. On va rencontrer les gens qui ont voulu nous tuer".
L'heure n'est pas à relancer des débats déjà joués où chaque camp a déjà avancé ses arguments. Car si la proximité de la rencontre ravive forcément bien des tumultes, l'agitation entre les deux clubs a régressé depuis trois ans. "Je pense que les choses se sont apaisées", précise d'ailleurs Michel Mallet. Aujourd'hui, le point de dissension se situe surtout au 48 avenue des Canadiens où le Stade Robert-Diochon accueille les matchs à domicile des deux équipes premières. "On va jouer contre un club qui est proche, qui joue sur nos installations", tacle encore l'entraîneur des « Diables Rouges » David Giguel avant de dédramatiser l'événement. "Ce sera un match spécial mais sans être un derby car le vrai derby reste Rouen - Le Havre". Lors d'un divorce, il n'est pas rare que le partage des biens communs ne fasse pas que des heureux. "Il n'y a plus aucun lien juridique entre les deux entités, il n'y a qu'une cohabitation", expose Mathieu Gudefin même si le cas Diochon n'est peut-être finalement pas ce qui frustre le plus les supporters rouennais. "Si aujourd'hui, au lieu de s'appeler QRM, ils s'appelaient US Quevilly, jouaient en jaune et noir et utilisaient notre stade, je pense que ça irait".
Des enjeux différents pour les clubs dans cette coupe
Si l'on tente de comprendre, le rapprochement raté entre les deux clubs a aussi été l'occasion pour les fans invétérés du FCR d'exprimer leur grande frustration. Une frustration à l'égard de l'entité Quevilly (on l'a bien compris), mais aussi certainement à l'égard d'un destin qui les a brutalement éloignés de la lumière du monde professionnel et cloués sur une voie sinueuse et incertaine. "J'ai envie que les joueurs montrent à tout le monde qu'ils existent et qu'ils méritent plus de considération que ce qu'on a pu leur donner et, à travers eux, ce qu'on peut donner au FC Rouen", clame David Giguel. "Comme on a pu le montrer l'année dernière, on travaille bien et on remet le club sur de bons rails. On souhaite que cette rencontre puisse montrer à tout le monde que le FC Rouen existe et représente lui aussi Rouen et la Métropole". Dans cette saison au dénouement toujours incertain, le FC Rouen apparaît très loin de la remontée en National alors qu'il était tout proche de l'obtenir il y a un an. Privé de National 2, le FCR aura indéniablement plus à prouver sportivement que QRM ce samedi soir.
Bruno Irles, Coach de QRM
Match à part ou non, l'entraîneur de QRM Bruno Irles fera de nouveau tourner ce week-end malgré la défaite surprise en championnat concédée, mardi soir, contre Villefranche (0-1). La toute jeune rivalité entre les deux clubs de la métropole rouennaise, l'ancien Monégasque en reste d'ailleurs très éloigné. "Je la ressens parfois chez les anciens ou chez des supporters mais dans mon travail, il n’y a aucun impact", reconnaît-il. "Le FC Rouen, je lui souhaite le meilleur. Il ne m’a rien fait. C’est vrai qu’on partage ce stade. Chacun fait sa route. Pour la Métropole, avoir deux clubs, c’est parfait. Je sais que cette rivalité existe mais il n’y a pas d’impact sur notre quotidien".
S'il n'a pas encore eu l'occasion de croiser son confrère de QRM depuis sa nomination l'été dernier, preuve de la distance qui existe entre les deux clubs, David Giguel ne partage clairement pas sa vision de la Coupe de France et le fait savoir. "QRM est une très belle équipe, c'est indéniable. Ils roulent sur le National. Quand Bruno Irles parle de match d'entraînement, c'est peut-être de la langue de bois pour ôter de la pression à son groupe. Mais dire qu'on utilise la Coupe de France comme d'une répétition, c'est d'une part manquer de respect à une épreuve considérée par tous comme l'une des plus grosses, et manquer de respect aux clubs qu'il affronte". Si Bruno Irles argumentera pour sa part, certainement à raison aussi, que l'objectif vital et prioritaire demeure logiquement les retrouvailles de QRM avec la Ligue 2 en fin de saison, force est d'observer que le match a commencé bien avant l'heure. Restent alors bien des incertitudes. Car quand Frédéric Beigbeder a écrit que « L’amour dure trois ans », il n'a pas précisé en revanche combien de temps durait l'amertume de la séparation. Dans la métropole rouennaise comme ailleurs, peut-être finira-t-elle par faire son temps.
> Coupe de France. 8e tour - Quevilly-Rouen (N1) / FC Rouen (N2), samedi 13 février à 19 heures au stade Robert-Diochon.
À Quevilly-Rouen Métropole, le championnat prime
Si médiatiquement et dans leurs déclarations, les acteurs de Quevilly-Rouen semblent moins préoccupés par le duel du week-end que leurs homologues rouennais, c'est assurément car le quotidien des deux clubs n'est clairement pas le même. Privé de championnat, le FCR ne peut pour l'heure concentrer toutes ses forces que sur la Coupe. À QRM, c'est une autre histoire. "Ce match contre Rouen est un match si possible à gagner", explique le président Michel Mallet. "L'ambition en Coupe de France se construit au fil des matchs. Ça reste une bonne opportunité de maintenir le groupe concerné par les compétitions qu'on dispute. L'idée est de rester très concerné sur le championnat car c'est d'abord ça et avant tout qui nous intéresse vu notre bon début de saison".
Au bout de la saison se trouve potentiellement la possibilité pour Quevilly-Rouen de conserver un statut professionnel qui expire dans six mois et qui pourrait maintenir à flot les ambitions actuelles du club. Sur cette question, Michel Mallet ne fait pas de plan sur la comète. "Retrouvera-t-on la Ligue 2 demain ? Sera-t-on toujours en Ligue 2 ou en National dans 5 ans ? Je ne saurais pas le dire, tout va tellement vite dans le football. Il faut être très prudent mais aussi très pragmatique et très sérieux".
Aurélien RENAULT