Avec plusieurs semaines de retard par rapport aux années précédentes (il était d'habitude communiqué courant mars), la DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion) a publié son rapport sur les comptes des clubs français pour l'exercice 2019-2020 ; celui qui a été arrêté définitivement à la mi-mars à cause de la crise sanitaire. Pour le Stade Malherbe, c'est au terme de cette saison qu'un changement d'actionnaires a eu lieu avec la prise de contrôle de Pierre-Antoine Capton et du fonds d'investissement américain Oaktree.
Avec un déficit de seulement 85 000 €, on pourrait croire à la première lecture de ce document que la situation financière du club caennais n'était pas aussi catastrophique qu'on a bien voulu la présenter (y compris dans nos colonnes). Sauf qu'en épluchant ce rapport, la réalité est bien complexe. D'ailleurs, les chiffres transmis par le gendarme financier du football français doivent s'analyser dans leur globalité, sans les dissocier les uns des autres au risque qu'ils n'aient aucun sens. Par ailleurs, pour comprendre la situation du SMC, il ne faut pas s'arrêter au 30 juin 2020, date de clôture des comptes, mais se projeter sur plusieurs saisons.
Tout d'abord, si les dirigeants de l'époque sont quasiment parvenus à équilibrer leur budget, ils le doivent à des revenus qu'on va qualifier d'exceptionnels à l'échelle de la Ligue 2, et qu'ils auraient été incapables de maintenir sur la durée :
> en tant qu'équipe tout juste reléguée de L1, le SMC a perçu 9,135 M€ de droits TV. Aucun autre pensionnaire de cette division n'a touché autant (la moyenne tournant autour des 5 M€),
> grâce à plusieurs ventes de ses dernières valeurs marchandes estampillées « Ligue 1 » durant le mercato 2019 (Brice Samba, Jonathan Gradit, Alexander Djiku, Fayçal Fajr, Enzo Crivelli, Casimir Ninga...), les « Rouge et Bleu » affichent une balance des transferts positive de presque 10 M€ (9,976).
Bien sûr, il convient de préciser que les ventes de joueurs ont toujours permis de compenser le déficit structurel (il s'agit du modèle économique de la plupart des clubs français). Mais pour transférer des joueurs, encore faut-il avoir des éléments qui possèdent une valeur marchande ; ce qui aurait rapidement posé un problème au Stade Malherbe.
> le document de la DNCG fait aussi état d'une ligne avec un résultat exceptionnel d' 1 M€. Sans que nous ne sachions à quoi elle correspond exactement, cette somme est loin d'être négligeable.
Le problème, c'est qu'en face de ses recettes, le Stade Malherbe présente des charges colossales, surtout en Ligue 2 :
> la principale d'entre elles concerne la masse salariale du personnel (dont les joueurs pèsent à hauteur de 90%) avec 15,188 M€, soit quasi autant que l'ensemble de ses recettes (15,347 M€) ! C'est la troisième plus élevée de deuxième division ; seuls Lens (19,7 M€) et Lorient (17 M€) en ont une supérieure. Il convient, toutefois, de relever que ces deux formations ont été promues en L1 à l'issue de cette saison,
> conséquence, avec ses autres charges qui se montent, tout de même, à 11,346 M€ (et dans lesquels le licenciement de Rui Almeida et de son staff, après seulement trois mois de mandat, doit peser une part non négligeable), le club normand affiche un déficit structurel (avant la balance des transferts) de 11,187 M€ !
Pour le Stade Malherbe, le problème n'a jamais été d'équilibrer son budget pour l'exercice 2019-2020, mais de réussir pareille performance pour les saisons suivantes. Avec un niveau de charges identique, ou presque (ce qui aurait été le cas compte tenu de son train de vie), mais des revenus à la baisse (en restant en L2, les droits TV auraient mécaniquement été réduits alors que la valeur de son effectif n'aurait cessé de diminuer), le SMC aurait continué de présenter un déficit structurel compris entre 10 et 15 M€. Sans transferts pour le compenser (malgré l'éclosion de plusieurs jeunes talentueux, on voit mal quel(s) joueur(s), la direction aurait pu vendre pour ce montant), les dirigeants auraient vite été confrontés à une impasse sur le plan économique.
Dans ce cas de figure, il n'existe pas 36 solutions. A moins de parier sur une remontée rapide en L1 (ce qui est extrêmement risqué comme on peut le constater actuellement), les actionnaires auraient été dans l'obligation de combler les pertes chaque année. Mais au Stade Malherbe, certains anciens dirigeants ne le souhaitaient pas quand d'autres ne le pouvaient pas. Ce n'est pas un hasard si depuis son arrivée, Oaktree a injecté 14 M€ dans les caisses caennaises ou qu'un plan social a débouché sur le départ de pratiquement 40% des administratifs en CDI.
Rapport DNCG saison 2019-20 (arrêtée par la crise sanitaire). Les chiffres à retenir pour @SMCaen :
➡️ budget déficitaire de 85 000 €
➡️ masse salariale de 15 M€ (la 3e + élevée de @Ligue2BKT) - autant que toutes les recettes
➡️ 11 M€ de déficit structurel (avant transferts) pic.twitter.com/UxbKdixlZE— Mathieu Billeaud (@MatBilleaud) July 7, 2021