Foot Normand

Au SU Dives-Cabourg, Philippe Clément et Julien Le Pen ne peuvent plus se passer l'un de l'autre

Julien Le Pen et Philippe Clément réunis dans le bureau du second au Stade Heurtematte. ©Damien Deslandes

Ce samedi, le SU Dives-Cabourg disputera le deuxième 1/32e de finale de la Coupe de France de son histoire, 25 ans après le premier. A cette occasion, la rédaction de FOOT NORMAND consacre une semaine spéciale au club de la Côte Fleurie. Ce jeudi, quatrième volet de cette série de reportages avec un éclairage sur l'association entre l'historique Philippe Clément et son bras droit Julien Le Pen à la tête du SUDC.

En novembre, Philippe Clément et Julien Le Pen ont fêté leurs noces de cuir à la tête du SU Dives-Cabourg. Une collaboration plutôt couronnée de succès à l’image de cette qualification en 1/32e de finale de la Coupe de France, la deuxième dans l’histoire du club de la Côte Fleurie, 25 ans après cette affiche contre Lille, à Venoix. Comme un clin d’œil du destin, elle a commencé face à l’AG Caen, l’ancienne « écurie » de Julien Le Pen où il est resté, ni plus ni moins, que 16 années ! Si le résultat n’avait été au rendez-vous ce jour-là (défaite 3-0), les deux techniciens ne se sont plus quittés depuis… ou presque. "La semaine suivante, je tombe malade ; ce qui ne s’était jamais produit en 28 ans de présence sur le banc. C’est Julien qui prend l’équipe", rembobine Philippe Clément. "On arrache le 2-2 à la 92’ contre la réserve d’Avranches avec une égalisation de Flo Suzanne (l’actuel capitaine). Ça donne immédiatement du crédit à notre duo et au coaching de Julien. Dès le début, je me suis senti en totale confiance".

Comment et pourquoi l’emblématique entraîneur du SUDC a-t-il eu l’idée de faire appel aux services de son confrère normand ? Tout part de la saison précédente. Tandis que son histoire d’amour avec l’Avant-Garde vacille, avec une mise à pied début 2022*, Julien Le Pen reçoit un coup de téléphone. A l’autre bout du fil, Philippe Clément. "Avec Vincent Laigneau (le coach de l’US Alençon), ce sont les seuls qui m’ont vraiment tendu la main. Philippe m’a proposé de venir travailler avec lui, notamment dans le cadre de mon diplôme", rapporte celui qui passait à l’époque son DES, indispensable pour exercer en N3. "A ce moment-là, avec Julien, on ne se connaît qu’en tant qu’adversaire. Mais j’ai trouvé injuste la manière dont il a été remercié alors qu’il a conduit ce club à ce niveau", exprime Philippe Clément. Finalement, Julien Le Pen avait été réintégré et le technicien avait terminé le championnat avec l’AGC. 

"Après la rupture avec Matthieu (Chevreau), je m'aperçois rapidement qu'il faut que je sois accompagné"

Philippe Clément

Toutefois, cette association ne fut que partie remise. Quelques mois plus tard, la séparation avec Matthieu Chevreau, arrivé l’été précédent, actée, Philippe Clément se met en quête d’un nouveau bras droit. "Après la rupture avec Matthieu (désormais à Mondeville, en R2), j’ai repris tout seul pendant deux-trois semaines mais je m’aperçois rapidement qu’il faut que je sois accompagné. Au bout de 28 ans, ça devient pesant de tout faire tout seul. Surtout que ce n’est pas comme si je n’étais qu’entraîneur, je m’occupe aussi des partenariats, de la relation avec les mairies… Avant, je n’avais jamais ressenti ce besoin. C’est Guillaume Marie (actuellement membre du staff d’Antoine Kombouaré, au FC Nantes), un ami d’enfance de La Butte de Caen, avec qui j’ai travaillé auparavant, qui m’a donné cette envie". Le boss du SU Dives-Cabourg se tourne alors naturellement vers Julien Le Pen, à la recherche d’un projet depuis son départ définitif, cette fois-ci, de l’AG Caen. "Même si cette pause m’a permis d’offrir du temps à ma famille, très vite, le foot, la compétition, l’adrénaline du match m’ont manqué", lâche-t-il.

Photos, posters, articles de presse... Dans son bureau du Stade Heurtematte, Philippe Clément a compilé 30 ans de souvenirs à la tête du SU Dives-Cabourg. ©Damien Deslandes

Une première rencontre au Lazzaro, à Colombelles

Les deux hommes se rencontrent, pour la première fois, au restaurant Le Lazzaro, à Colombelles. Autour d’un café, le « match » opère instantanément. "Après dix minutes, j’ai su que c’était Julien qu’il me fallait à mes côtés. J’avais trouvé mon associé", raconte Philippe Clément séduit, entre autres, par l’expérience de sa future moitié. "Julien a été n°1. Il sait ce que ça comporte comme poids et comme pression. On ne s’en rend pas toujours compte mais quand l’équipe perd, l’entraîneur est souvent seul". Au SUDC, Julien Le Pen découvre un club façonné par les valeurs de son confrère. "Notre slogan, « Ici, ce n’est pas ailleurs » résume bien l’atmosphère particulière qui s’y dégage. Philippe en est à l’origine. J’ai rarement vu un coach autant s’investir pour ses joueurs : les aider pour postuler un boulot, les accompagner dans leur recherche d’appartement, les conseiller pour acheter une voiture…" Sur la Côte Fleurie, Philippe Clément est bien plus qu’un simple technicien. "Philippe est au courant de tout ce qu’il se passe, de A à Z, y compris sur les finances. Dans son cerveau, ça tourne H24. Il me fait penser à quelque chose que j’avais lu sur Arsène Wenger comme quoi il comptait le nombre de fourchettes au self, à Arsenal".

"Ce que je ne voulais pas, c'est être un poseur de coupelles. Mais avec Philippe, je suis écouté. On est sur un pied d'égalité"

Julien Le Pen

Dans ce staff divais à deux coachs, composé également de Benjamin Briand, le préparateur physique, et Anthony Isabel, le responsable des gardiens, Philippe Clément et Julien Le Pen se sont parfaitement partagé les missions à l’image de l’organisation des entraînements. "Dans la construction et l’animation des séances, dans la précision des consignes, Julien est un coach de haut niveau", met en avant l’aîné de ce couple (53 ans) qui, du coup, a volontairement endossé un costume d’observateur la semaine, un peu dans le style d’un manager à l’anglaise. "Ce rôle me convient bien car avec ce recul, ça me permet d’identifier tous les comportements des joueurs ; ce que tu n’as absolument pas le temps de faire quand tu animes. Je le sais, ce fut mon quotidien durant des années. Là, tu peux prendre un garçon à part et échanger avec lui".

Chez Philippe Clément comme chez Julien Le Pen, il n’est pas question de hiérarchie. "Je le répète, il n’y a pas de n°1 ou d’adjoint entre nous. De toute façon, j’ai horreur de commander. N’appréciant pas qu’on me le fasse, je n’aime pas l’imposer aux autres. Bien sûr, il en faut bien un qui décide. Mais nos choix sont souvent le fruit de nombreuses discussions. C’est un vrai travail en binôme", souligne Philippe Clément. "On bosse tous les deux sur l’adversaire, on communique beaucoup et on décide ensemble. Si l’un de nous deux doit trancher, il le fait", confirme Julien Le Pen. "L’ego d’être n°1, je m’en fiche. Ce que je ne voulais pas, c’est être un poseur de coupelles. Mais avec Philippe, je suis écouté. On est sur un pied d’égalité".

S'il a été sollicité par d'autres équipes, Julien Le Pen n'envisage pas de quitter le SU Dives-Cabourg, parfaitement conscient de tout ce qui lui apporte ce club. ©Damien Deslandes

Management des hommes, causeries et vidéo

Si le mariage entre ces deux techniciens fonctionne aussi bien, c’est avant tout parce qu’ils sont complémentaires, chacun se nourrissant des compétences de l’autre. "Comment emmener les joueurs avec soi ? Comment les amener à se surpasser ? Mon évolution en tant qu’entraîneur, elle se situe-là. Philippe, c’est l’expert en la matière. Les gars sortent de chacune de ses causeries avec le couteau entre les dents", témoigne, plein d’admiration, Julien Le Pen. "Philippe m’apprend également beaucoup sur le management des hommes. J’ai fait des choses dans le passé comme exclure un joueur que je ne recommencerai plus aujourd’hui. J’avais tendance à fixer des règles dans la vie du groupe un peu trop strictes. J’ai constaté que la manière dont Philippe gère ce type de cas peut être plus favorable au groupe. Il a cette capacité à accorder une deuxième chance aux garçons, même ceux qui lui ont mis un peu à l’envers".

En parlant de qualités humaines, c’est la première chose qui ressort dans les propos de Philippe Clément quand on lui demande d’évoquer son bras droit. "Julien, c’est quelqu’un foncièrement de bon et pour moi, c’est primordial. Dans notre métier, il faut de la bienveillance, de la gentillesse, de l’empathie…" Bien entendu, l’apport footballistique de l’ancien coach de l’AG Caen est aussi indéniable. "Julien a un pouvoir d’adaptation important. Et dans le milieu amateur, c’est capital. Quand il y a un problème, il parvient à le résoudre très vite. Il n’y a jamais de panique. C’est son vécu qui parle. Il a quand même fait 16 ans en tant que n°1 à l’Avant-Garde", n’oublie pas le technicien au presque 1 000 matches à la tête du SUDC. Depuis qu’il a posé ses valises sur la Côte Fleurie, Julien Le Pen a également considérablement développé l’analyse vidéo. "C’est quelque chose que je maîtrise moins", ne cache pas Philippe Clément pour autant pleinement convaincu de l’utilité de cet outil. "La vidéo permet de gagner du temps. Ça équivaut à une quatrième séance hebdomadaire".

"J'aurais du mal à bosser sans Julien. Il me manquerait énormément, pas seulement l'entraîneur mais l'homme"

Philippe Clément

Le lien qui unit les deux techniciens est tellement fort qu’aujourd’hui, aucun des deux ne s’imagine travailler sans l’autre. "J’aurais du mal à bosser sans Julien. Il me manquerait énormément, pas seulement l’entraîneur, mais l’homme", reconnaît le coach emblématique du SU Dives-Cabourg. "Je pense que j’ai apporté un second souffle à Philippe", confie Julien Le Pen. "Si au début, il s’imaginait s’associer avec quelqu’un qui prendrait sa suite, aujourd’hui, son idée est de continuer avec moi. Personnellement, quand je suis arrivé, si j’aurais pu penser un jour lui succéder, maintenant, ce n’est plus cas. Je ne me vois pas à Dives sans lui". "On dit que personne n’est irremplaçable mais certaines le sont plus que d’autres", embraye l’emblématique technicien. Bonne nouvelle pour lui, son binôme n’envisage absolument pas de quitter « son » club : "On m’a un peu sollicité mais j’ai aussitôt fermé la porte. Je n’ai aucun intérêt à aller voir ailleurs. J’aurais beaucoup de mal à retrouver ce qu’on me donne ici. Ça dépasse largement la question du sportif. Il y a mon équilibre de vie (lire encadré ci-dessous), l’attachement que je porte au club, à Philippe, à sa famille, à Laurent (Glaize, le vice-président), aux bénévoles…" "Maintenant, il doit juste rester aussi longtemps que moi", lance, avec un large sourire, Philippe Clément. Rendez-vous est pris alors dans 28 ans !

> Coupe de France. 1/32e de finale - SU Dives-Cabourg (N3) / Saint-Denis FC (R1 Réunion), samedi 21 décembre à 15 H 30 au Stade Heurtematte.

*Mis à pied début janvier après une lourde défaite face à Vire (6-1), avec l'ensemble de son staff, Julien Le Pen avait repris les rênes de l'Avant-Garde, après un intérim d'un mois et demi assuré par Félix Legras, à l'époque responsable de la réserve. Alors qu'il devait au départ former un binôme avec Stéphane Bernard, Julien Le Pen avait fini la saison seul aux commandes ; l'ex-n°2 de Pascal Dupraz au Stade Malherbe ayant quitté le navire caennais au bout d'une semaine pour prendre la direction de Rumilly-Vallières (N2).

A Form'EOL, Julien Le Pen travaille avec la femme de Philippe Clément, Virginie

Dans la famille Clément, Julien Le Pen ne travaille pas uniquement avec l'entraîneur du SU Dives-Cabourg. Depuis le mois d'avril 2023, le technicien a rejoint Form'EOL, un organisme de formation qui a des antennes à Caen, au Havre, à Rouen et bientôt à Rennes et à Paris, créée par Virginie Clément, qui n'est d'autre que la femme de Philippe, et Géraldine Setzer, la sœur de Virginie. "On est en partenariat avec le CFA Caen Training. On dispense notamment deux diplômes d'apprentissage : l'un dans l'animation sportive et socioculturelle (le CPJEPS AAVQ) et le deuxième en tant que responsable de petite et moyenne structure (RPMS)", indique le directeur pédagogique de cette entité où l'on retrouve également Laurent Glaize comme directeur administratif. "Ça me permet de ne pas dépendre que du foot. En plus, je m'éclate. On lance beaucoup de choses. Je n'ai pas forcément l'impression d'aller au boulot", confie Julien Le Pen. "Je prends autant de plaisir à me trouver sur les terrains avec Philippe que dans les bureaux de Fom'Eol".

Quitter la version mobile