Dans un championnat pour le moins éprouvant avec cette place de lanterne rouge en D1 qui lui colle à la peau tel un chewing-gum à des baskets, c’est l’un des rares rayons de soleil de la section féminine du HAC. Alors que sa formation enchaîne les défaites (13 sur les 14 dernières journées pour un nul, série en cours), une individualité parvient à se détacher du lot. Pour sa deuxième saison en tant que professionnelle (seulement), la première dans l’élite, Constance Picaud se révèle être l’un des grands espoirs au poste de gardienne en France. Pourtant, à en croire la principale intéressée, ce n’était pas gagné d’avance.
Le rôle de Michel Courel dans sa progression
"Vous savez, je ne suis pas passée par un pôle espoirs. Je suis sortie de ma petite campagne. J’ai travaillé de mon côté, dans l’ombre. Quand j’ai signé au Havre (en 2019), je suis arrivée à l’état brut. Je n’avais pas de qualités techniques. Je savais me dépatouiller. En 18 mois, j’ai récupéré une partie de mon retard avec Michel Courel (son entraîneur spécifique chez les « Ciel et Marine »). Avec lui, j’ai changé du tout au tout. Sur tous les aspects du jeu, il m’a peaufiné. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui", lâche, avec la modestie qui la caractérise tant, la gardienne du HAC. Si on ne doute nullement de l’impact de Michel Courel sur sa progression, il convient, toutefois, de préciser que la native de Challans en Vendée, convoquée à plusieurs reprises en sélection quand elle était plus jeune (deux capes avec les U17), partait avec quelques prédispositions pour briller dans les cages.
A commencer par sa taille, 1,81 m, extrêmement rare dans le football féminin, y compris au plus haut niveau. "Ça ne fait pas tout", interrompt-elle immédiatement. "Si on mesure 1,80 m-1,85 m mais qu’on n'est pas coordonnées, qu’on ne sait pas se servir de ses mains ni de ses pieds, autant choisir une petite". Avant de poursuivre : "Si on se dit juste : « Je suis grande, je vais tout attraper dans les airs », ça ne va pas fonctionner. Il y a plein d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte comme la lecture de la trajectoire. D’ailleurs, alors que j’ai toujours été grande, depuis mon plus jeune âge, le jeu aérien n’était pas mon point fort au départ".
Depuis, les choses ont bien évolué. A tel point que ses adversaires modifient leur manière de jouer. "Contre Montpellier (J16. défaite 4-1 le 13 mars), j’ai capté 70-80% des ballons aériens en première période. En deuxième mi-temps, il n’y a plus eu de centres. On s’aperçoit que les équipes travaillent à la vidéo car on en a de moins en moins", analyse-t-elle. "Même si je ne réussis pas toutes mes sorties, j’estime qu’une gardienne ne doit pas rester sur sa ligne". Au-delà de son rôle d’ultime rempart, Constance Picaud se voit avant tout comme une joueuse. "Je dois être à la hauteur de mes coéquipières. Pour moi, une gardienne doit déjà savoir courir. C’est pourquoi j’adore les tests VMA", explique cette férue de tous les sports (basket, hand, tennis…).
Avec les Bleues, Constance Picaud a découvert un nouvel univers, sur le terrain comme en dehors. ©Emmanuel Lelaidier
En fin de contrat avec le HAC en cas de relégation
Autant d’atouts qui n’ont pas échappé à Corinne Diacre, la sélectionneuse de l’équipe de France, qui l’a appelée pour les deux derniers rassemblements, dont celui du mois de mars. Depuis que la Lyonnaise Sarah Bouhaddi s’est mise en retrait des Bleues l’été dernier, le staff tricolore procède à une revue d’effectif sur ce poste. D’ailleurs, en février, elles étaient exceptionnellement quatre à être présentes. "Comme toutes les gardiennes de D1, je suis observée. Il y a une forte concurrence avec des filles d’expérience", souligne celle qui a savouré chaque seconde de son premier stage. "C’était génial, super intéressant et enrichissant…". Ces 12 jours en « Bleue » lui ont permis de mesurer le chemin qui la séparait du très haut niveau international.
"Par rapport à ce que je connais en club, j’ai senti un énorme palier d’écart. J’en ai discuté avec Gilles Fouache (l’entraîneur des gardiennes des Tricolores, originaire également du Havre), ce n’est pas spécifique au HAC. L’équipe de France, c’est au-dessus de tout : athlétiquement, techniquement, tactiquement… Même sur les bases du football comme les contrôles-passes, je me suis rendu compte que j’avais énormément de travail", lance la néo-internationale qui s’est assise sur le banc lors de la double confrontation face à la Suisse. Outre l’aspect sportif, Constance Picaud a aussi été impressionnée par la dimension prise par les Bleues. "Quand on est parties à l’aéroport en bus, on a été escortées par les gendarmes. Ils viraient tout le monde sur notre route, on passait les feux rouges, les stops… Peut-être que pour d’autres, c’est banal, mais pour moi, c’était une première".
Que de chemin parcouru pour la Vendéenne dont les parents n’étaient pas spécialement emballés, au départ, pour l’inscrire au football. "Pour eux, c’était surtout un sport masculin". Evoluant en mixité jusqu’à l’âge de 15 ans dans son premier club de Beauvoir-sur-Mer, Constance Picaud a attendu de rejoindre les U19 nationaux de La Roche-sur-Yon, en 2013, pour se fixer définitivement dans les cages. "J’ai pendant longtemps joué attaquante. Et même à La Roche, j’avais très peu de spécifiques. J’étais considérée comme toutes les autres joueuses. Et quand il y avait besoin d’une gardienne, j’enfilais les gants". Aujourd’hui, on se demande bien jusqu’où elle peut grimper alors qu’elle sera en fin de contrat à l’issue de cette saison si le HAC ne se maintient pas en D1*. "Chaque chose en son temps. J’écoute. On fera un choix plus tard". Quelque chose nous dit que son profil, sa marge de progression et sa personnalité ne devraient pas laisser insensibles de nombreuses écuries.
*En fin de contrat à la fin de cette saison 2020-2021, Constance Picaud dispose d’une option automatique d’un an en cas de maintien du HAC.
Avec les Bleues, Constance Picaud va retrouver « son » Stade Océane. ©Emmanuel Lelaidier
En signant au HAC, un changement de vie de A à Z
Si elle avait déjà évolué durant trois saisons et demie en D2 sous les couleurs de La Roche-sur-Yon (où elle a débuté à l’âge de 17 ans), Constance Picaud a dû attendre de s’engager avec le HAC, à l’été 2019, pour devenir professionnelle. "A La Roche, j’ai toujours travaillé à côté du football, quasiment dès ma sortie du lycée et l’obtention de mon bac scientifique. Ma dernière année en Vendée, je cumulais même deux emplois. Et en parallèle, j’étais pompier volontaire". Autant dire que la gardienne du HAC avait un emploi du temps assez chargé. "Sans compter les entraînements, je bossais 45 heures par semaine".
En arrivant au Havre et en se concentrant à 100% au football, le changement de vie a été radical. "Ça m’a fait bizarre. D’ailleurs, je voulais continuer à travailler à côté mais on m’a tout de suite calmé. On m’a expliqué que si je souhaitais faire une carrière, je ne pouvais plus avoir le même rythme qu’avant". Depuis, la jeune femme a trouvé un nouvel équilibre. "Ça me permet de passer plus de temps avec ma compagne, Océane, qui m’a suivie au Havre".