Il a eu beau chercher dans sa mémoire en mêlant ses parcours de joueur et d'entraîneur, le coach de l'Olympique Pavillais Emmanuel Hutteau n'avait jamais senti souffler sur lui autant de vents contraires avant un tour de Coupe de France. "Vivre autant de contraintes dans un si court délai ? Franchement, je n'ai jamais vu ça. Mon état d'esprit au final, c'est que j'en rigole". Lors du tirage au sort du 6e tour, le mercredi 21 octobre dernier, le hasard avait offert le plus gros poisson de la mare à Pavilly en mettant Quevilly-Rouen sur sa route. Alors qu'il aurait déjà été difficile d'écarter Andrew Jung et sa bande si l'échéance avait eu lieu comme prévu le 31 octobre, la reprogrammation du duel trois mois plus tard jour pour jour ne laisse que peu d'espoir. Si l'on n'ira pas écrire que les pensionnaires de Régional 1 s'avancent vaincus, ceux-ci tentent de rester lucides sur la situation. "La période de Noël est passée", ironise même Emmanuel Hutteau. "J'ai l'habitude de croire un peu au Père Noël mais là je n'y crois plus du tout !"
Comme l'ensemble du monde amateur, Pavilly est tombé des nues à l'annonce de la reprise express de la plus vieille des compétitions de football en France. Le duel face à l'une des têtes de gondole du football normand constituait à l'automne une aubaine pour le président Xavier Lefrançois et l'entourage du club. C'était en effet l'assurance de remplir généreusement le Stade Lucien-Lécuyer. Sans recettes à venir, huis clos oblige, le club a finalement dû troquer sa billetterie par une cagnotte en ligne dans l'espoir d'accompagner davantage ses dépenses liées à la Coupe. Loin d'être idéal.
Revenu au club en début de saison après une première expérience de 2005 à 2009, Emmanuel Hutteau s'attendait bien sûr à une saison étrange mais clairement pas à ce qu'il expérimente depuis une dizaine de jours. "J'ai deux sentiments, le premier c'est qu'on donnera tout pour donner une belle image du sport amateur, ça passe par un état d'esprit conquérant et volontaire, beaucoup de courage aussi. Sur un deuxième point, nous souhaitons mettre un coup de projecteur sur notre club et malgré les contraintes qui nous attendent face à l'ogre quevillais, on s'est dit qu'on avait une vraie chance par rapport aux autres clubs amateurs contraints à l'arrêt par les conditions actuelles". S'ils en sont là aujourd'hui, les Pavillais le doivent bien évidemment au parcours qu'ils ont réussi jusqu'alors. Si les déficits dont ils souffriront contre QRM seront bien évidemment multiples et surtout réels, les footballeurs de Régional 1 devront retrouver 90' durant les valeurs qui leur avaient permis de sortir l'un après l'autre Pitres (R3), Fauville (R3), l'ES Plateau Foucarmont Realcamp (R3) puis Pont-Audemer (R3).
Une chance de qualification très limitée
Si le club bâti au nord-ouest de Rouen n'avait pas les nerfs solides, il aurait eu toutes les occasions du monde de jeter l'éponge depuis l'annonce de la reprise. De nombreux obstacles ne cessent en effet de faire trembler l'institution pavillaise. Au peu de séances d'entraînement disponibles avant le match est en effet venue s'ajouter l'impossibilité d'obtenir une dérogation pour des sessions après 18 heures, et ce, malgré la tentative du député de la Seine-Maritime Gérard Leseul d'en obtenir une. "Au début, j'étais plus dans l'optique de faire forfait", reconnaît, aujourd'hui, Emmanuel Hutteau. "Et puis j'ai lancé sur le groupe WhatsApp de l'équipe l'idée de s'entraîner à 6 h 30, parce qu'on n'a pas le choix. Je pensais que les gars bouderaient cette idée mais ils ont toute de suite sauté sur cette opportunité sans ronchonner". La détermination de son groupe est ce qui a fait dire à l'ancien joueur du Red Star à son président que ses joueurs iraient bel et bien au combat contre QRM. Et telle une énième plaie égyptienne qui s'abat avec fracas, même la neige tombée en abondance le week-end dernier n'est pas venue stopper le jeune collectif pavillais, admirable de volonté.
sera basé sur la volonté
de très bien défendre et en nombre"
Alors qu'il devra défier une formation quevillaise clairement plus forte qu'elle ne l'était en octobre, l'OP devra aussi se passer des services de son capitaine Abdel Morchid, suspendu. Reste-t-il seulement une chance de se qualifier aux Pavillais ? "On a une culture football mon adjoint Romain Boulanger et moi, on va présenter au mieux notre adversaire à nos joueurs", assure Emmanuel Hutteau. "J'ai connecté mon réseau pour avoir certains briefs sur Quevilly de la part de certains clubs de National. On va aussi mettre l'accent sur notre état d'esprit. Bien évidemment, notre jeu sera basé sur la volonté de très bien défendre et en nombre". Les quelques coups, eux, seront somme toute joués sur des transitions rapides.
Alors qu'il se remémore la difficulté qu'il avait souvent eue lors de sa carrière de joueur à défier des adversaires de division inférieure, le natif de Blois espère qu'il aura cette fois le rôle d'enquiquineur auprès de QRM. Mais si le sport garde bien sûr une part d'incertitude, il reste tout de même peu de chances de voir le club qui avait notamment participé aux 1/32e de finale de la Coupe de France en 1989-1990* s'inviter au 7e tour de l'épreuve cette année. Qu'à cela ne tienne, cette saison plus qu'aucune autre, ce n'est pas vraiment la qualification qui sera en jeu pour Alexandre Boulanger, Gauthier Kong et les autres. Du moins pas aux yeux de leur coach. Quart de finaliste en son temps avec le RC Lens et le FC Bourges, Emmanuel Hutteau préfère retenir "l'expérience extraordinaire" qu'il est finalement en train de vivre. "Quand votre groupe adhère, ça change tout. Cette période va me servir à découvrir mon groupe plus profondément encore et ça c'est une grande richesse pour un entraîneur".
> Coupe de France. 6e tour - Olympique Pavillais (R1) / Quevilly-Rouen (N1), dimanche 31 janvier à 14 heures au Stade Lucien-Lécuyer.
*La meilleure performance de l'histoire de l'OP en Coupe de France reste ce 1/32e de finale disputé en 1989/1999 à Dieppe contre Louhans-Cuiseaux, club alors en D2 tandis que les Normands évoluaient pour leur part au 5e échelon national. Cette saison-là, les Pavillais s'étaient inclinés sur le score de 1-0 après avoir éliminé Challans (DH) au tour précédent (0-2).
Aurélien RENAULT