Quand ils vont débarquer à Basly (prononcez « BA-LI ») dans dix jours, les joueurs de l'AS Cherbourg (N3) vont certainement se demander où ils viennent d'atterrir. Le tirage au sort du 3e tour de la Coupe de France leur a en effet réservé une entrée en lice chez l'une des curiosités de ce début de saison en Normandie, comme seule la compétition centenaire peut en générer. L'Association Football Basly vient en effet, à son échelle, de réaliser un véritable exploit en passant deux tours de coupe alors que la peinture de ses vestiaires sèche encore. Littéralement. "Il n'y avait plus de club à Basly depuis quatre ans", note le nouveau président Sébastien Lair. "Mon fils Adrien, étudiant en STAPS et joueur de football, s'est fait opérer trois fois du genou et s'est donc tourné vers le coaching. Avec quatre ou cinq copains, ils ont réfléchi, ils ont cherché autour d'eux et ont trouvé Basly. Un dimanche midi, alors qu'on était en train de manger, il m'a dit : « Papa, on refait le club de Basly et tu es président ! » Et banco, on y va. Me voilà nommé à l'unanimité (rires) !"
Après plusieurs semaines de gestation, l'AFB a vu le jour le 5 mai très exactement. "Adrien s'est occupé de toutes les démarches administratives auprès de la ligue", poursuit le président. "Le premier entraînement a eu lieu à la mi-mai avec dix joueurs pour commencer". Inconcevable alors de s'imaginer défier un pensionnaire de National 3 seulement quatre mois plus tard, et pourtant... "Grâce au bouche-à-oreille et aux copains, on est 25 désormais donc c'est plutôt sympa !"
À ses débuts, l'AF Basly n'avait rien. "Même pas des ballons, même pas des chasubles", témoigne Sébastien Lair. Son développement, le club calvadosien le doit à l'aide que d'autres structures et acteurs lui ont apporté. "Rivasport, à travers Olivier Desclos qui était l'éducateur d'Adrien, nous a donné ballons et chasubles pour commencer les entraînements", détaille le président qui a rapidement dû mettre en marche son propre réseau. "On a démarché des partenaires aussi et de fil en aiguille, on a récupéré des sous et beaucoup de gens nous suivent par rapport à ça. Le District nous a offerts des équipements, vu qu'on est moins de 100 licenciés. On essaie de faire au mieux pour les joueurs avec nos moyens". Ancien dirigeant de La Maladrerie pendant près de cinq ans, Sébastien Lair n'avait toutefois aucune expérience de président de structure. "Le président de la MOS Thierry Deslandes m'a aidé sur beaucoup de points administratifs, l'ancien entraîneur de Basly a aussi proposé de nous aider, les gens étaient très enclins à nous dépanner".
Une histoire d'écharpes, de machine TPE et de bière
Médecin généraliste sur le littoral, Sébastien Lair a aussi dû trouver, parfois, quelques astuces pour développer rapidement l'AF Basly. "Lorsque le côté matériel a été réglé, on s'est penché sur les vestiaires qui n'avaient pas vu de joueurs depuis quatre ans. On a donc passé les vacances d'été à poncer, à peindre, à faire du carrelage... On est parti d'une feuille blanche. J'ai un patient qui est peintre qui m'a proposé de me donner de la peinture au lieu de me faire un chèque. C'est comme ça qu'on a eu de quoi repeindre les murs et la main courante". Rebâti de A à Z, le nouveau club de Basly s'est aussi retrouvé contraint de trouver des bénévoles, essentiels à la vie d'une telle structure. "Les copines des joueurs sont venues pour tenir la buvette, on a aussi lancé une cagnotte en ligne". L'idée globale de tout ce projet : s'amuser entre copains et, si possible, gagner, ce que l'AFB a su faire à chacune de ses trois sorties officielles de la saison (deux succès en Coupe de France, un en championnat).
Théoriquement, les règles en vigueur sont telles que Basly aurait dû se trouver un terrain de repli pour accueillir Cherbourg, ses installations n'étant pas aux normes. Mais, cerise sur le gâteau d'un début de saison irréel, le club s'est vu accorder une dérogation de la part de la Ligue de Normandie. "C'est du bonheur", se réjouit le président. "Par contre, notre vestiaire fait 17 m2 et ne compte que quatre douches. Notre terrain est plein de bosses aussi. Ça risque de leur faire tout drôle aux gens de Cherbourg (rires) !"
Vainqueurs 2-0 d'Audrieu (D1) au tour précédent, les Basliens ont déjà accompli un exploit mais avec l'AS Cherbourg, ce devrait être une autre paire de manche. À écart de divisions rapporté, c'est d'ailleurs un peu comme si l'OM (L1) se déplaçait à Courseulles (R3). "On a peut-être quelque chose comme 5% de chances de passer mais on va essayer de jouer le coup à fond", glisse Sébastien Lair. Une chose est certaine, la percée médiatique du « Petit Poucet » normand est saisissante et le club compte surfer sur la vague. "On risque d'attirer du monde, on le sait, donc on va tâcher de gagner un peu de sous. On va essayer de faire des écharpes, des tee-shirts aussi. Par rapport au tour précédent, on va aussi tâcher d'avoir une machine TPE pour les cartes bancaires". Et alors que les joueurs déjà ont déjà, à coup sûr, ce duel improbable qui circule incessamment dans leurs méninges, le président, lui, a d'autres problèmes à résoudre. "Contre Audrieu, 60 litres de bière ont été bus alors on se demande bien combien il nous en faudra pour Cherbourg..." Sacrée équation que voilà !
Une histoire de copains et de famille
Si l'essentiel de l'équipe de l'AF Basly est avant tout composé d'une bande de copains parmi lesquels des handballeurs qui n'avaient même jamais pratiqué le football, la colonne vertébrale de la formation de Départemental 4 repose avant tout sur la complicité et l'énergie de la famille Lair. Alors que le père Sébastien fait un président efficace qui a su crédibiliser le projet auprès des instances et des collectivités, le premier fils Adrien est à l'origine de cette aventure et ses qualités de coaching ont déjà apporté des résultats. En plus, le jeune homme de 21 ans est même allé dépanner dans les cages lors du premier match de championnat le week-end passé. Enfin, le deuxième fils Valentin, 18 ans, est quant à lui venu garnir l'effectif sur le terrain.
Aurélien RENAULT