ISSU DU MAGAZINE. C'est l'histoire d'un « petit » club de district en passe de devenir un poids lourd du football normand. Fréquentant la D2 départementale il y a encore deux ans, l'ASVH semble promis, au minimum, au Régional 1 d'ici une poignée de saisons ! Après avoir terminé l'exercice précédent invaincu en D1, la formation de la Côte Fleurie est repartie sur des bases identiques en R3 (9V-1N à la trêve de Noël). Derrière cette dynamique impressionnante, on retrouve un homme : Thierry Granturco (50 ans). Possédant de solides attaches familiales dans la région ; "ma femme, Marie-Christine, est villersoise. J'y habite depuis 30 ans. Mes gamins sont chez eux ici", cet avocat spécialisé dans le droit du sport arrive initialement pour simplement "donner un coup de main".
"Le club allait très mal. Il restait très peu d'argent dans les caisses. 19 joueurs nous avaient quittés pour Deauville. Il n'y avait plus qu'une équipe seniors et quelques jeunes au sein de l'école de foot. Il manquait de tout. Par exemple, on n'avait plus que sept ballons !". Quand il reprend officiellement les commandes en août 2016, celui qui exerce aux barreaux de Paris et de Bruxelles fait signer trois éléments largement au-dessus du lot pour ce niveau dont Anthony Boutamine qui a connu le CFA2 avec Hérouville. "Anthony nous a fait monter tout seul. Il armait son pied gauche…". Le premier étage de la fusée « Jaune et Verte » est posé. L'appétit venant en mangeant, l'ex-président du FC Rouen ne se limite pas à cette promotion en D1. "Durant cette première saison, j'ai dressé le constat qu'il y avait de la place pour un autre club sur notre territoire aux côtes de l'ASTD et de Dives-Cabourg".
Thierry Granturco actionnaire du FC Liège
Depuis 2012, Thierry Granturco est également le principal actionnaire du FC Liège. "C'est un club historique (avec notamment cinq titres de champion dont le premier de l'histoire du championnat belge en 1896, le dernier remontant à 1953) qui s'est cassé la gueule. Dans l'imaginaire des gens, il correspond un peu à Reims chez nous avec des participations en Coupe d'Europe", compare le dirigeant normand. "C'est un engagement lourd car on est sur du semi-professionnalisme (avec une promotion en D3 pour cette saison 2018-2019)". Aujourd'hui dans l'ombre de son voisin le Standard, le FC Liège ambitionne à moyen terme de renouer avec son prestigieux passé. Pour cela, il se donne les moyens de ses ambitions avec la construction d'un nouveau stade (d'une capacité de 8 000 spectateurs) sur ses fonds propres.
Et comme on est souvent plus forts à deux que tout seul, l'AS Villers fusionne en 2017 avec son voisin d'Houlgate, en grande difficulté à l'époque avec une relégation en D1. Deux entités qui se trouvaient déjà en entente chez les jeunes. L'ASVH est née. "A partir de là, j'ai décidé que je ne me contenterai pas de diriger le club mais que j'allais aussi le soutenir financièrement", explique Thierry Granturco. Via sa société d'investissement Dodécagone*, l'avocat s'engage à investir 100 000 € minimum par saison (150 000 € pour cet exercice 2018-2019) sous la forme d'un mécénat pendant cinq ans. Un contrat qui court jusqu'en 2023, "jusqu'à la fin des études en marketing de mon fils, Victor (20 ans), actuellement secrétaire général du club". "Un jour, j'aimerais qu'il en soit l'employé. Je l'ai dit au Conseil d'administration, vous pouvez vous demander si je vais lâcher le club mais vous savez que je ne lâcherai jamais mon gamin. C'est pourquoi mon engagement est ultra-ferme".
Avec cette manne financière considérable, Villers-Houlgate se développe à tous les niveaux : équipement pour toutes les catégories des féminines au futsal en passant par les vétérans (50 000 €), achat de deux mini-bus pour transporter les équipes de jeunes (50 000 €), recrutement de trois employés administratifs (90 000 € par an) sans oublier, bien entendu, l'investissement sportif. Pour construire une formation compétitive le plus vite possible, Thierry Granturco engage dans un premier temps celui qu'il considère comme "le meilleur entraîneur du territoire" : Erick Ledeux. Un technicien qui officiait à l'ASTD. "Pour l'attirer, on lui a proposé un CDI en s'alignant à l'euro près sur ce qu'il touchait auparavant. Et comme il passait de la R1 avec des ambitions d'aller au-dessus à la D1, on lui a promis qu'il aurait les moyens de bâtir une équipe pour monter chaque saison. Notre projet l'a convaincu".
La création d'une école des devoirs
Pour faire fonctionner son école des devoirs, Thierry Granturco a engagé deux professeurs des écoles. ©Mari-Madeleine Remoleur
"Comme on n'a pas de collège sur notre territoire, les gamins partaient à Dives et Deauville pour poursuivre leur scolarité et se licenciaient, logiquement, dans les clubs de ces villes". A partir de ce constat, Thierry Granturco a eu l'idée d'importer un concept qu'il avait déjà mis en place à Liège : l'école des devoirs. Le principe : des salariés et des éducateurs du club effectuent au volant de mini-bus un ramassage à la fin des cours dans différents établissements pour les ramener à Villers. "La Mairie nous a mis un super bâtiment à disposition pour les accueillir. Quand vous rentrez dedans, vous avez vraiment l'impression d'être dans une école. On l'a totalement équipée. C'est tout sauf une garderie", décrit le président de l'ASVH qui a engagé deux professeurs des écoles pour effectuer de l'aide aux devoirs.
"Avec ça, vous parlez aux parents. C'est toujours compliqué pour eux de récupérer leurs enfants à la sortie des classes puis de les conduire aux entraînement quelques heures plus tard". Et le succès est au rendez-vous puisque l'école affiche complet. "On s'était limités à 30 places (pour des jeunes âgés entre 9 et 15 ans) cette saison car on ne pouvait pas se douter des retours. On réfléchit déjà à la possibilité d'augmenter notre capacité d'accueil avec deux sections : la première pour les primaires, l'autre pour les secondaires". Bien sûr, tout cela a un coût. De l'ordre de 30 000 € à l'année (la Mairie de Villers alloue une subvention spécifique d'un montant de 4 500 €) sans compter l'achat de deux nouveaux mini-bus (l'ASVH en compte quatre en tout) pour une facture de 50 000 €.
Dans la limite des six mutés par exercice comme le stipule le règlement, le coach normand active son réseau en faisant son marché chez les concurrents aux alentours : Honfleur (Mamoudou Diallo), Dives (Léo Trégoat) mais surtout Deauville (Florian Chotin, Wilfried Faucon, Matthieu Thirouin…). Une politique de recrutement « local » qui porte parfaitement ses fruits comme en atteste le récent parcours en Coupe de France. Après avoir notamment eu la peau de l'ASPTT Caen (N3), Ouistreham (R2) et Mondeville (R1), les « Jaune et Vert » ont buté sur les professionnels du HAC (L2) au 8e tour, non sans leur avoir posé quelques difficultés (défaite 5-1 après ouvert le score par l'intermédiaire de Léo Trégoat et obtenu une balle de break, de la part de ce même Léo Trégoat dont le coup franc a heurté l'un des montant des cages havraises).
Alors que le Régional 2 lui tend les bras, l'ASVH voit déjà plus loin, beaucoup plus loin. "Quand on sera en R2, on s'équipera pour monter directement en R1. On veut tout de suite être un prétendant. On veut devenir le club du territoire. A terme et je pense très vite, on sera au niveau de l'ASTD et du SU Dives-Cabourg (tous les deux pensionnaires de R1 cette saison). Très vite, on veut aller plus haut qu'eux", annonce le président Thierry Granturco. La concurrence est prévenue.
*Avec l'argent de la vente de son cabinet d'avocats qui était implanté à Paris et à Bruxelles en 2009, Thierry Granturco a fondé Dodécagone, une société d'investissement basée également à Bruxelles en Belgique. Depuis, le président de l'ASVH est également retourné au barreau en intégrant un cabinet international.
AS Villers-Houlgate
Créée en 2017 (de la fusion des clubs de Villers et Houlgate).
Président : Thierry Granturco.
Entraîneur : Erick Ledeux.
Budget : 240 000 €.
357 licenciés dont 112 jeunes (de l'école de foot aux U18).
19 équipes dont 1 équipe seniors en R3 + des féminines, des vétérans et une section futsal.
Un grand club sur la Côte Fleurie, ce n'est pas encore pour demain
Si l'objectif de monter en National 3 paraît tout à fait raisonnable pour Villers-Houlgate au regard des moyens dont il dispose, le président Thierry Granturco nourrit des ambitions encore plus grandes. "Pour aller plus haut, je pense qu'il faut se rapprocher d'un des deux clubs de notre territoire : Dives ou Deauville. A partir de ce moment-là, on aura le droit de songer à la N2". Un souhait qui n'est pas près de se concrétiser. Fraîches au départ, les relations avec le SU Dives-Cabourg se sont réchauffées depuis. "Avec Dives, ça se passe très bien", assure Thierry Granturco. "Leurs dirigeants nous ont tendu la main pour la Coupe de France (le 8e tour entre l'ASVH et le HAC s'est déroulé au stade Heurtematte à Dives). Leur coach, Philippe Clément, a même fait une causerie à nos joueurs avant le match". De là, à évoquer une fusion, il existe un pas que Laurent Moineaux, son homologue du SUDC, se refuse de franchir. "Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Mais notre club renvoie à une ville ouvrière ne vivant pas avec les mêmes moyens que Villers. C'est une question d'identité. Perdre le nom de Dives-Cabourg est compliqué à faire avaler aux gens".
"Chez nous, Michel Prospero n'aurait pas la capacité pour être un dirigeant"
Si la porte reste légèrement entrouverte avec Dives, elle semble définitivement fermée du côté de Deauville. "On a beaucoup de mal à communiquer avec Monsieur Granturco. Ses démarches ont avant tout consisté à nous prendre un maximum de joueurs. Avec ce comportement, on ne peut pas discuter. On a le sentiment d'être déstabilisés", témoignait Michel Prospero, le président de l'ASDT dans les colonnes de Ouest-France daté du 7 décembre. La réponse du principal concerné ne s'est pas fait attendre. "Le jour où Michel Prospero sera vraiment président de club, je l'écouterai. Il n'est pas à la hauteur de sa tâche. Il est en train d'entraîner son club dans une situation critique. Aujourd'hui, s'il venait chez nous, ça serait un bénévole et non un dirigeant, il n'en a pas la capacité". Au moins, les choses sont claires !