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Pour l'US Bolbec, la magie de la Coupe de France ne fut qu'une lointaine illusion

Les sourires sur les visages des joueurs de l'US Bolbec après leur qualification contre La Mos ont laissé place à la déception sur ceux de leurs dirigeants devant les difficultés rencontrées pour organiser ce 8e tour. ©Damien Deslandes

Les sourires sur les visages des joueurs de l'US Bolbec après leur qualification contre La Mos ont laissé place à la déception sur ceux de leurs dirigeants devant les difficultés rencontrées pour organiser ce 8e tour. ©Damien Deslandes

De l'euphorie de la qualification pour le 8e tour de la Coupe de France, une première dans l'histoire de ce pensionnaire de R1, au calvaire de l'organisation de l'affiche contre le Stade Malherbe. Voilà comment on pourrait résumer les deux semaines qui viennent de s'écouler du côté de l'US Bolbec. Quand son équipe a composté son billet sur le terrain de La Mos (R1), dimanche 17 novembre, Kevin Beaufils était loin de penser qu'il serait embarqué dans une machine à laver administrative à la sauce football. "Je savais qu'il y avait du boulot mais pas à ce point", n'en revient toujours pas le président du petit Poucet normand. "Franchement, c'est usant". En guise d'amuse-bouche, il a déjà fallu pour les dirigeants seinomarins digérer le cahier des charges, d'environ 80 pages, envoyé par la FFF ! Mais ce n'est rien par rapport à ce qui les attendait...

Derrière, ils se sont mis en quête d'une enceinte capable de recevoir une telle rencontre, leur Stade Thomas-Teltow, n'étant pas homologué à ce niveau face à un adversaire de Ligue 2. C'est à partir de cet instant-là que les ennuis ont véritablement commencé. Le Stade Océane déjà occupé par le HAC à cette date, la location de d'Ornano trop onéreuse avec un devis de 84 000 € transmis par le SMC (hors frais liés à la mobilisation des forces de l'ordre), le Stade Municipal d'Yvetot où le club local a exigé un pourcentage sur la billetterie... "On a essuyé refus sur refus", déplore, encore aujourd'hui, Kevin Beaufils.

"C'est juste qu'on ne voit pas le foot de la même façon. Ça doit être synonyme de solidarité"

Durant cette période, l'US Bolbec, nullement accompagnée par la Fédération française (ce qui pourrait, d'ailleurs, devenir un axe de réflexion de la nouvelle équipe dirigeante de la Ligue de Normandie, autour du président Romain Féret), s'est sentie isolée, démunie, dépassé par la (mauvaise) tournure des événements. "Personne ne nous a vraiment aidés", pointe le président des « Noir et Blanc », pas rancunier pour autant. "C'est juste qu'on ne voit pas le foot de la même façon. Pour nous, le foot doit être synonyme de solidarité et d'entraide entre les petits clubs. Quand on l'a emporté à La Maladrerie, on a laissé notre part de la billetterie (qui lui revenait comme le stipule le règlement de la Coupe de France). Comme on touchait la prime de qualification (d'un montant de 12 000 €), ça m'a paru logique".

A la Préfecture, le sentiment que les dés étaient pipés d'avance

Pourtant, alors que le ciel bolbécais s'assombrissait un peu plus à chaque jour le rapprochant de son 8e tour, le club seinomarin a cru à une éclaircie. "Quand on a trouvé la solution à Pavilly (avec le Stade Lucien-Lecuyer), on a repris espoir", raconte Kevin Beaufils. "On a mis en place la billetterie, on a procédé aux premières ventes (environ 400 billets avaient déjà été vendus). Tout se déroulait bien..." Jusqu'à cette fameuse réunion de sécurité, mardi après-midi, à la préfecture de Rouen ; une institution qui semble avoir pris connaissance du dossier à la dernière minute, le match ne devant pas au départ se disputer dans sa juridiction. "Quand je me suis levé le matin, j'avais un mauvais pressentiment. Je ne la sentais pas du tout cette réunion". Ça n'a pas loupé !

"Dès les premières paroles de la sous-préfète, je me suis dit : « C'est mort, on ne jouera pas à Pavilly »"

En présence, entre autres, des forces de l'ordre (gendarmerie, police), de la Division nationale de la lutte contre le hooliganisme, d'élus locaux, les représentants de l'USB ont rapidement eu le sentiment que les dés étaient pipés d'avance, bien que la préfecture ait démenti cette impression. "Dès les premières paroles prononcées par la sous-préfète, je me suis dit : « C'est mort, on ne jouera pas à Pavilly »". Le président bolbécais avait vu juste. La raison ? La sécurité de la manifestation n'était pas garantie aux yeux des services de l'Etat à cause du risque d'affrontements entre des personnes se revendiquant comme des ultras du SM Caen, du FC Rouen et du HAC.

Il est vrai qu'il y a un an et demi, en mars 2023, une bagarre a éclaté en pleine rue, à proximité de d'Ornano, en marge de la rencontre de N2 entre la réserve du Stade Malherbe et le FCR. De combien d'individus parle-t-on ? Quelques dizaines, une centaine tout au plus. On a du mal à imaginer qu'ils soient plus nombreux. On l'espère surtout. "On a eu beau lui expliquer qu'on n'avait rien à voir avec tout ça, qu'on n'était que l'US Bolbec, rien n'a changé. A un moment au cours de la réunion, l'hypothèse de repousser le match a été soulevée. On a alors proposé de le délocaliser à Océane, qui aurait été libre du coup mais ça a été refusé. On a bien compris que Bolbec - Caen ne se jouerait jamais en Seine-Maritime".

Des interrogation sur l'avenir de la Coupe de France

Conséquence, à trois jours de la date de la confrontation sportive, son ordre a été inversé. Celle-ci a été fixée à d'Ornano à la charge du SMC. Si certains des partenaires du capitaine Mathieu Leroux trouveront du positif à retenir d'évoluer dans une enceinte de 20 000 places ; ce qui ne se produit pas toutes les saisons pour un footballeur amateur, dans le camp du petit Poucet, la pilule est, tout de même, particulièrement difficile à avaler. "Pendant dix jours, on s'est investi, on s'est donné à fond, on a mis beaucoup de notre énergie pour organiser ce match et en l'espace d'un instant, on nous coupe dans notre élan, on nous dit que ce n'est plus possible", s'attriste Kevin Beaufils qui a du mal à masquer son immense déception.

Au point de regretter de s'être qualifié ? "Pas du tout même si j'ai traversé des périodes où je me suis dit qu'il aurait mieux fallu ne pas passer. Mais pour notre club, ce 8e tour doit rester une fête. On n'a jamais vécu un tel événement. Peut-être que ça sera la seule fois d'ailleurs". Le huis clos, étudié à un moment par des dirigeants malherbistes craignant de ne pouvoir accueillir du public dans le laps de temps imparti, n'ayant pas été privilégié, le scénario cauchemardesque a, toutefois, été évité. Parents, amis, proches... Ils seront donc plusieurs centaines, ce samedi, à traverser le pont de Normandie pour soutenir leurs « Noir et Blanc ». Une bien maigre consolation. 

"Des regrets de s'être qualifié ? Pas du tout même si j'ai traversé des périodes où je me suis dit qu'il aurait mieux fallu ne pas passer"

A travers l'exemple de l'US Bolbec, on peut d'ailleurs s'interroger sur l'avenir de la Coupe de France. Entre le cahier des charges complètement démentiel imposé par la Fédération, les mesures de sécurité dictées par les services de l'Etat, toujours plus nombreuses, pour parer à l'augmentation de la violence en lien avec le football, et le manque d'infrastructures, notamment dans notre région, pour recevoir ce type de manifestation, on est en droit de se demander si les clubs amateurs ont toujours leur place dans cette coupe de tous les possibles, comme aime à la surnommer la FFF, quand vient l'heure de cohabiter avec le monde « pro » ? Que se passera-t-il demain si les protégés de Lokman Cakmak et Benoît Ghiskier signent l'exploit aux dépens du SMC et héritent du PSG, de Lyon ou de Marseille en 1/32e de finale ? Dans quel stade joueront-ils ? La préfecture assumera-t-elle, cette fois-ci, d'assurer la sécurité d'un match sur son territoire avec certains « supporters » bien plus virulents que leurs homologues normands ? Autant de questions dont on aimerait bien avoir les réponses.

> Coupe de France. 8e tour - SM Caen (L2) / US Bolbec (R1), samedi 30 novembre à 13 H 30 au Stade Michel-d'Ornano.

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