Lorsqu’ils ont entamé l’exercice en cours, beaucoup de présidents de clubs normands se montraient confiants à l’idée de vivre une saison 2021-2022 plus sereine que sa devancière. Malheureusement, en plus de les contraindre sportivement à une saison blanche, la situation sanitaire les a également forcés à renoncer à leurs traditionnels tournois printaniers et estivaux impliquant des jeunes footballeurs venus de la région et d’ailleurs. Les 10 000 Crampons à Saint-Lô, le tournoi de Pâques d’Ezy-sur-Eure, le tournoi Yves-Lefèvre de Coutances, pour ne citer qu’eux : tous ont dû se résoudre à l’abandon pur et simple. "Honnêtement, je ne pensais pas que ça durerait aussi longtemps", confie le président de l’ESM Gonfreville-l’Orcher Emmanuel Leroux. "Après le premier confinement, on ne croyait pas qu’on revivrait ça, on était optimistes, on pensait vraiment qu’on organiserait notre tournoi international à la Pentecôte mais finalement, non".
Des rentrées d'argent en moins pour les clubs
C’est lors d’un récent Conseil d’administration que le club gonfrevillais a entériné sa décision après avoir un temps espéré voir se dérouler en ce mois de mai son Challenge Marcel-Le Mignot qui accueille d’ordinaire des équipes U16 venues de l’Hexagone mais aussi de l’étranger comme par exemple les Danois du FC Midtjylland, vainqueurs en 2019. D’autres clubs plus modestes avaient quant à eux dû se résoudre à jeter l’éponge plus en amont. "Parce qu’on convoque nos équipes dès le mois d’octobre, on n’a pas pu se lancer cette année non plus après avoir déjà dû annuler la saison dernière", regrette ainsi Olivier Guyomard, secrétaire du club d’Ezy-sur-Eure qui réunit lors de son traditionnel tournoi de Pâques plus de 600 jeunes, organisant de fait l’une des manifestations les plus réputées du département.
Et fatalement, qu’ils figurent ou non dans les comptes prévisionnels des clubs, les rendez-vous qui ne se déroulent pas sont autant de deniers sur lesquels les dirigeants doivent s’asseoir. "C’est 80 000 € de recettes dont on doit se passer et donc 40 000 € de bénéfices en moins pour le club", calcule Thibault Deslandes, président du FC Saint-Lô, organisateur des 10 000 Crampons, un tournoi qui réunit chaque année "un gros millier de jeunes de diverses catégories, des U7 aux U13". Ce manque à gagner ne se résume d’ailleurs pas qu’à des questions budgétaires. "Ce sont des pertes nettes financières, oui, mais ce sont aussi des pertes en convivialité pour le club, ce sont des événements importants pour fédérer tout le monde", ajoute Thibault Deslandes. "Là, il ne se passe rien du tout malheureusement".
Déjà victime d’une annulation la saison dernière, un coup dur alors certes moins prévisible, le club saint-lois avait fait le pari de décaler son événement du printemps à la fin de l’été. Un pari perdu à l’arrivée. "On avait imaginé un report en septembre avant de réaliser que ça ne pourrait pas se faire", relate le président saint-lois. "Cette année, on ne s’est pas aventuré là-dedans, on a directement annulé. On a tous conscience qu’il va avant tout falloir relancer la machine, relancer l’intégralité du club avant de penser à organiser à nouveau de tels événements".
Des rendez-vous maintenus pour la fin de l'été
Du côté de l’Olympique Pavillais, on a longtemps eu l’espoir de maintenir à flot le tournoi Pascal-Acard avant de se résoudre également à un abandon. "Je travaillais sur cet événement depuis l’automne", détaille le coordinateur sportif du club Grégory Meunier. "On essaie toujours d’y croire, on repousse toujours au maximum la décision fatidique. Ici, on s’était laissé jusqu’à début mai pour voir comment ça évoluerait (le tournoi était programmé le jeudi de l’Ascension, le 13 mai), il n’y a pas eu de surprise au final". Alors que les annulations touchent bien sûr les enfants, privés de joutes toujours marquantes pour un jeune footballeur, elles rendent aussi caduques de longues semaines de travail pour les clubs.
"On essaie notamment d’ouvrir à d’autres équipes de la région, j’avais réussi à faire venir des formations de la région parisienne et j’avais l’accord d’une équipe algérienne ainsi que d’une équipe sénégalaise, c’est dommage", regrette Grégory Meunier, simple bénévole à l’OP, rappelons-le. Ceux qui s’en sortent le mieux au final, ce sont les clubs qui ont échappé aux périodes critiques. C’est notamment le cas du Pacy-Ménilles RC qui a connu un succès populaire raisonnable avec sa Macron Cup U15, les 28 et 29 août 2020.
L’organisateur et entraîneur de l’équipe première Franck Paillette se souvient : "On avait décidé de maintenir le tournoi quoi qu’il arrive. On aurait pu s’adapter s’il avait fallu annuler mais on a eu de la chance. Nous étions en jauge réduite en termes de spectateurs, pas plus de 300. Les équipes ont juste dû s’adapter pour leurs repas. Une seule équipe touchée par le Covid, Le Havre, n’avait pu participer. À l’arrivée, on n’a pas eu un vrai apport financier mais ce qui nous intéressait, c’était de faire un événement qui redynamise le tissu associatif. Il n’y a pas que l’argent. On a besoin de monde et de partenaires". Et cette année encore, le club eurois donne rendez-vous fin août, promettant au passage "un plateau très relevé". Comme son homologue de Pacy, le président gonfrevillais Emmanuel Leroux va s’attaquer "aux répercussions des annulations d’événements pour son équipe de bénévoles". Car oui, le football amateur a besoin d’argent mais il a surtout besoin de sauver ceux sans qui il ne serait rien : ses bénévoles les plus dévoués.
Aurélien RENAULT