Pour sa première participation à un 6e tour de Coupe de France, Val-de-Reuil fantasmait autre chose que ce qui se dessine ce week-end. Face à l'Avant-Garde caennaise (N3), dimanche (13 heures), il ne restera au pensionnaire de Régional 2 que les duels qui feront rage sur son terrain d'honneur. Autour, le parc des sports qui ne demandait qu'à vibrer, comme contre Bolbec (R2) au tour précédent, restera désespérément vide. "On aurait pu tabler sur 600-700 spectateurs", observe Daniel Portier, président du club depuis une décennie. "La Coupe de France, c'est censé être une récompense, une fête mais tout est terni par la Covid". Il y a dix jours à peine, le club de l'Eure n'imaginait d'ailleurs même pas que la « Vieille Dame » repointerait le bout de son nez alors que le coronavirus reste virulent dans le pays. Et pour un club de R2, le lourd cahier des charges imposé par la FFF s'apparente à un match avant l'heure. "Il fallait vraiment une très grande organisation", abonde le président Portier. "On a toutefois la chance d'avoir l'appui de la municipalité et du maire Marc-Antoine Jamet".
Rachid Balaiouaj, l'entraîneur
Outre cet appui de leur ville, les joueurs peuvent compter sur la volonté de leur président de leur offrir un match qu'ils ont largement mérité de disputer en s'extrayant des tours précédents. La détermination de cet ancien chef d'entreprise, aujourd'hui retraité, est sans faille. "Je suis à la fois le président et le référent Covid, je mets mon nez partout car je veux que ça soit nickel", clame celui qui fut aussi à la tête des clubs de Louviers et de Pacy. "Les rendez-vous sont pris, on passera les tests PCR jeudi dans un cabinet d'infirmiers avec les éducateurs". C'est en effet la tolérance zéro, d'un point de vue sanitaire, qui est prônée par les instances.
Côté purement football, les Rolivalois ne s'avouent pas vaincus d'avance contre le leader du championnat de N3 mais s'avancent forcément moins sereins qu'ils auraient pu l'être. "Vu les circonstances, nos chances de faire l'exploit se réduisent à vue d'œil", regrette Rachid Belaiouaj, le coach de l'équipe première. Si les séances avec contacts viennent heureusement de reprendre, les Eurois regrettent de ne pas être logés à la même enseigne que leur adversaire caennais, autorisé pour sa part à s'entraîner après 18 heures par le préfet du Calvados. "J'ai eu plusieurs fois le président de la Ligue et celui du district", explique Daniel Portier. "On a cherché à avoir des dérogations pour s'entraîner le soir mais tout a été refusé donc on est obligés de trouver des créneaux dans l'après-midi. Il faut s'arranger quand les garçons ne travaillent pas". Rachid Belaiouaj n'a, lui, pas hésité à piocher dans ses jours de congés pour diriger des séances improvisées. "Si je demande des sacrifices à mes joueurs, je dois être capable d'en faire moi aussi", glisse le technicien de 40 ans.
Tenir au moins une mi-temps contre l'AG Caen
Dans ces circonstances si spéciales, Val-de-Reuil a au moins l'avantage de bénéficier d'un duo de coaches. Rani El Koulfa, ancien partenaire de Rachid Belaiouaj sur les terrains, est aujourd'hui assis à ses côtés sur le banc eurois. "Rani travaille souvent de nuit, il arrive à se rendre disponible ces derniers temps pour les séances l'après-midi. La difficulté pour nous deux, c'est d'avoir les joueurs aussi". Le club du bord de Seine ne peut pas compter sur un groupe au complet, la nouvelle soudaine de la reprise ayant pris de nombreux joueurs au dépourvu. "En soirée, j'aurais assurément 95% de mon effectif mais là, ce n'est pas le cas", peste Rachid Belaiouaj qui voit au final dans ce tour de Coupe de France s'opposer plusieurs sentiments depuis quelques jours. "D'une part, on est clairement contents de reprendre un contexte de compétition. Un 6e tour, ce n'est pas tous les jours. Mais dans cette situation, c'est lourd. Normalement, on doit faire la fête avec les supporters mais on nous impose des conditions pour lesquelles on sait déjà que l'effectif ne sera pas prêt à 100%".
Daniel Portier, le président
À quoi s'attendre alors sur le terrain dimanche après-midi ? A cette question, l'entraîneur répond sans détour : "Ils ont fait ce qu'il fallait pour qu'on ait des joueurs blessés et qu'on ait des matches pourris, désolé pour le terme !" S'ils comptent multiplier les efforts pendant tout le reste de la semaine, les Rolivalois s'attendent à souffrir plus que de raison contre l'AG Caen. "Tout va dépendre de l'intensité pendant le match mais si les Caennais jouent comme ils en ont l'habitude, j'ai envie de dire que si on tient physiquement pendant une mi-temps, ce sera bien".
Alors qu'on promet l'enfer ce week-end aux petits clubs et que certains en France ont déjà décidé de jeter l'éponge, Val-de-Reuil a donc choisi de se battre sur tous les fronts. "Déclarer forfait, ça ne m'a jamais effleuré l'esprit", concède le président Daniel Portier. "On n'y va pas la fleur au fusil mais on va mettre le bleu de chauffe. Tous les garçons sont extrêmement motivés et vous pouvez être sûrs qu'ils feront tout pour gagner". "Même si c'est difficile, je reste de nature optimiste et il est certain que je dirai à mes gars qu'ils sont prêts", ajoute Rachid Belaiouaj. S'il reste encore à passer l'écueil des résultats des tests PCR qui pourraient, hélas, tout remettre en question d'ici à dimanche, l'histoire du FCVR et de la Coupe de France 2020-2021 restera articulée autour de la dévotion des dirigeants et des éducateurs envers leurs joueurs. Une histoire qui sera belle quelle que soit l'issue. Le mot de la fin est d'ailleurs pour Daniel Portier : "Je tiens à mes joueurs, je les aime. Quand on est président, il faut s'en occuper. C'est la même chose qu'un chef d'entreprise envers ses employés. En plus, ils nous font plaisir avec ce qu'ils réussissent. Dans un club, il faut s'investir, se donner tous les moyens pour réussir et c'est ce qu'on fait. Si on ne passe pas, au moins, on n'aura pas de regrets".
> Coupe de France. 6e tour - FC Val-de-Reuil (R2) / AG Caen (N3), dimanche 31 janvier à 13 heures au Parc des Sports de Val-de-Reuil.
Aurélien RENAULT