Avec un effectif rajeuni et un entraîneur, Maxime Di Liberto, promu en interne sur son banc, la section féminine du HAC attaque sa troisième saison consécutive en D1 où il sera avant tout question de se maintenir. Pour connaître un peu mieux les joueuses de l’effectif havrais, nous partirons chaque mois à la découverte de l’une d’entre elle à travers la plume de leur coéquipière : Romane Enguehard.
Des débuts en mixité riche en apprentissage
"J'avais trouvé un bon équilibre en jouant parfois avec les garçons et d'autres fois avec les filles"
Issue d’une famille férue de football, c’est tout naturellement qu’Emmy Lefèvre est rapidement tombée, elle aussi, dans la marmite du ballon rond. "Mon grand frère, Noah, jouait en club, à l’ES Portaise (à Port-en-Bessin). Un jour, je suis allée le voir à l’entraînement et il n’y avait pas assez de joueurs. Son coach m’a alors proposé de tester". Cet essai s’est avéré concluant. "J’ai aussitôt pris une licence et je n’ai pas loupé une seule séance", se souvient la native de Bayeux. Pendant quatre saisons, elle s’éclate avec ses copains sous les ordres de Cyril Vicquelin. "C’était un petit club mais je n'en garde que des bons souvenirs. Mon plus beau ? Ça reste le Tournoi Jean-Pingeon U9 (organisé par le SM Caen). Il y avait plein de grosses équipes et on avait terminé 17e sur 56. On avait gagné la finale de la consolante. C’était fou pour le club !"
A l’aube de son 10e anniversaire, ses parents lui proposent de rejoindre une structure féminine. Emmy Lefèvre jette rapidement son dévolu sur l’Avant-Garde. "Ce n’était pas trop loin de la maison et surtout, c’est un club qui se débrouillait bien chez les filles comme chez les garçons". Un détail important pour la jeune joueuse et son entourage. Durant cinq saisons, la Havraise alterne entre les équipes masculines et féminines du club caennais. "J’ai eu ce privilège de jouer en mixité sans que cela ne pose de problème. Mes coéquipières, mes coéquipiers, les coachs (dont Benoit Sauveur et Pierre Tanguy, lire encadré ci-dessous)… Ils m’ont tous très bien accompagné quand je passais d’une équipe à une autre. Cela m’a permis d’apprendre plein de choses. J’avais trouvé un bon équilibre en jouant parfois avec les garçons et d'autres fois avec les filles", résume la jeune adolescente.
Emmy Lefèvre
- Emmy Lefèvre
- Née le 23 novembre 2008 à Bayeux (Calvados).
- Milieu de terrain.
- Parcours : ES Portaise (2014-2018), AG Caen (2018-2023), HAC (depuis 2023, U19 nationales-D1).
- Internationale U17 (4 sélections).
Des échelons gravis à toute vitesse avec le HAC
"J'étais la plus jeune du groupe U19 la saison dernière"
Repérée par le HAC à l'occasion des Interligues U15, Emmy Lefèvre était pistée, à l’intersaison 2023, par de nombreux clubs huppés. Mais son choix fut, semble-t-il aisé. "Maxime Di Liberto (alors coach des U19 féminines des « Ciel et Marine » et, désormais, à la tête de l'équipe « pro ») et Laure Lepailleur (manager de la section féminine du club doyen) ont pris contact avec mon club, l’AG Caen, puis avec mes parents. J’ai fait des essais au HAC et à Malherbe mais le projet havrais m’a paru plus ambitieux avec l’opportunité d’atteindre un jour l’équipe première et l’Arkema Première Ligue". Un objectif qu’elle se fixe à moyen voire long terme mais qui ne met finalement que très peu de temps à se réaliser. En effet, après une année à peaufiner ses gammes exclusivement auprès de l’équipe U19, la jeune Normande est convoquée par Maxime Di Liberto pour participer à la préparation estivale avec les « pros ».
"Il m’a appelé trois jours avant la reprise, j’étais très surprise car ce n’était pas prévu. J’étais la plus jeune du groupe U19 la saison dernière. Lors de l’entretien de fin de saison, on ne l’avait pas du tout évoqué. Mais j’ai accepté sans hésiter". Sérieuse, appliquée et à l’écoute des moindres conseils, la n°37 des « Ciel et Marine » réalise une excellente préparation, glanant de nombreuses minutes lors des matches amicaux. A tel point que pour le coup d'envoi du championnat, face au FC Nantes, mi-septembre, le coach havrais n’hésite pas à lui accorder sa confiance en la titularisant d’entrée ! "J’étais un peu stressée car tout est allé très vite mais j’étais tellement contente. Depuis que je suis petite, mon but, c’est de devenir professionnelle. Alors je me dis qu’il faut profiter de ces opportunités pour s’en rapprocher…" Du haut de ses 15 ans et 302 jours, Emmy Lefèvre devient, ce jour-là, la deuxième plus jeune joueuse à porter le maillot du club doyen en première division derrière la Bézote Mélinda Mendy (15 ans et 263 jours). Prometteur.
Ses premiers pas en équipe de France U17
"Je venais de connaître mon premier match en pro, je ne voyais pas ce qui pouvait être plus beau"
La jeune lycéenne, scolarisée en classe de Première, se rappellera longtemps de ce mois de septembre. Un mois rempli de surprises. Car quelques jours après ce baptême du feu en Arkema Premiere Ligue, Emmy Lefèvre reçoit un coup de téléphone inattendu de Maxime Di Liberto. "J’étais en train de manger au CRJS (établissement accueillant les jeunes pensionnaires du centre de formation havrais). Il me dit qu’il a une bonne nouvelle. Je venais de connaître mon premier match en pro, j’étais dans le groupe pour le deuxième face au Paris FC, je ne voyais pas ce qui pouvait être plus beau…" Et pourtant, la Havraise n’allait pas être déçue ! A la suite d'une blessure d’une joueuse initialement convoquée, l'ex-Caennaise est convoquée pour la première fois de sa jeune carrière en équipe de France U17. Direction les Pays-Bas pour une confrontation amicale contre la sélection batave.
"Ça fait vraiment bizarre de porter ce maillot bleu, de chanter la Marseillaise… J’ai mis du temps à réaliser. Mais quel plaisir !" Mais lors de ce rassemblement, elle se blesse légèrement à un pied ; ce qui l’empêche de prendre part à la totalité des entraînements. Emmy Lefèvre participe tout de même à la rencontre face aux Néerlandaises (0-0, défaite à l'issue de la séance des tirs au but). 30' lui suffisent pour exposer son potentiel aux yeux du sélectionneur, Mickaël Ferreira. Depuis, ce technicien décide de lui renouveler sa confiance à chaque fenêtre internationale. Son objectif est maintenant très clair. "Je veux continuer à progresser, prendre toute l’expérience possible. Et collectivement, j’aimerais qu’on se qualifie pour l’Euro U17 qui aura lieu aux Îles Féroé en mai 2025". Pour cela, les « Bleuettes » devront franchir un nouveau tour de qualifications au mois de mars. Si elle continue sur sa lancée, voir le nom d’Emmy Lefèvre figurer sur la liste ne relèvera, cette fois, plus d’une surprise mais d’une simple évidence.
> D1F. J9 - Le Havre AC (11e - 3 points) / Lyon (1er - 22 points), samedi 23 novembre à 17 heures au Stade Océane.
La fierté de l'Avant-Garde et de ses anciens éducateurs
Durant ses cinq saisons à l'Avant-Garde, Emmy Lefèvre a remporté de nombreux trophées dont une Coupe du Calvados U15 avec les garçons et une Coupe de Normandie U16 avec les filles. ©Emmanuel Lelaidier.
A l'Avant-Garde, quand on évoque Emmy Lefèvre, les yeux de ses anciens éducateurs brillent encore. "C'est une chance d'avoir pu la coacher", se félicite Pierre Tanguy qui l'a entraîné en U14 et en U15 quand elle évoluait en mixité avec les garçons. Responsable du pôle féminin du club caennais, Benoît Sauveur se rappelle la première fois où il a découvert ce petit phénomène. "On l'avait repéré sur un plateau. On lui a proposé de venir faire une séance avec nos filles. Au départ, elle n'était pas spécialement partante. Elle a nous a finalement rejoint pour un tournoi U9 à la MMArena. Le cadre était vraiment sympa. Je crois que ça a contribué à sa venue chez nous".
Sous les couleurs de l'AGC, celle qui a évolué aussi bien avec les équipes féminines qu'en mixité a rapidement montré qu'elle était une joueuse à part, remportant au passage plusieurs trophées : une Coupe du Calvados U15 avec les garçons, une Coupe due Normandie U16 avec les filles, différents championnats de futsal sans oublier "un tournoi en Espagne où elle avait été tout simplement monstrueuse", dixit Benoît Sauveur. "Malgré son petit gabarit, elle affrontait des garçons qui avaient un ou deux ans de plus en U13. Et elle était largement au niveau. A ce moment-là, elle était attaquante et elle marquait plein de buts", souligne Benoît Sauveur qui fut son coach des U12 aux U15 au sien du pôle féminin. "Elle est parvenue à s'intégrer pleinement au milieu des garçons. Elle a imposé le respect par sa qualité", ajoute Pierre Tanguy qui se souvient d'une jeune fille "qui jonglait mieux que tout le monde" !
Son état d'esprit mis en avant
Quand le HAC l'a sollicité, ses éducateurs à l'Avant-Garde n'ont pas été surpris. "Emmy coche beaucoup de cases pour jouer au haut niveau : tactiquement, dans la compréhension du jeu", énumère Benoît Sauveur. Comme son collègue éducateur, Pierre Tanguy ne tarit pas d'éloges quand il s'agit d'évoquer leur ex-protégée. "Comme j'avais des besoins à ce poste, je l'ai fait jouer un peu derrière. Elle a tout : lecture du jeu, jeu long, anticipation... En plus, elle tire très bien les coups de pied arrêtés, pied droit comme du gauche !" Mais ce que ses anciens entraîneurs retiennent avant tout, c'est son état d'esprit. "Emmy est toujours de bonne humeur, disponible pour les autres, à l'écoute de ses partenaires. Elle a vrai un tempérament de leader", pointe Benoît Sauveur. Un point de vue partagé par Pierre Tanguy : "Même quand elle jouait avec les garçons, c'est elle qui prenait le plus la parole sur le terrain".
C'est peu dire que les deux éducateurs de l'AGC ont été envahis d'un sentiment de fierté quand Emmy Lefèvre a figuré dans le onze de départ de Maxime Di Liberto lors de la 1re journée de D1. "J'ai été totalement subjugué", lance Pierre Tanguy. "Quand on a su qu'elle était dans le groupe, on a organisé un voyage à la dernière minute au Havre. On a fait une voiture avec plusieurs de ses anciennes coéquipières", raconte Benoît Sauveur. "On espérait la voir gratter quelques minutes alors quand on a appris, sur le trajet du Stade Océane, qu'elle était titulaire... C'est fou mais je ne suis pas spécialement surpris".