Foot Normand

Romane Enguehard : "Le coach veut que je transmette mon état d’esprit de guerrière"

Expulsée pour la première fois de sa carrière, lors de la dernière journée, à Dijon, Romane Enguehard assistera des tribunes du Stade Océane à la rencontre contre Reims. ©Emmanuel Lelaidier

Avec un effectif rajeuni et un entraîneur, Maxime Di Liberto, promu en interne sur son banc, la section féminine du HAC attaque sa troisième saison consécutive en D1 où il sera avant tout question de se maintenir. Alors que d’habitude, on part à la découverte de l’une des joueuses de l’effectif havrais à travers la plume de l’une de leur coéquipière, Romane Enguehard, ce mois-ci, on a décidé de consacrer notre portrait à la nouvelle capitaine des « Ciel et Marine ».

Son passé en équipe de France jeunes

"J’avais appris les paroles de La Marseillaise petite, pour rigoler avec ma cousine"

Ce n’est pas la première fois que notre rédaction se penche sur la trajectoire de Romane Enguehard. Si elle a été sollicitée par nos soins pour évoquer l’actualité de la section féminine du HAC, cette jeune joueuse a déjà fait l’objet d’un article dans nos colonnes dès 2016 ! Cette année-là, l’équipe de France U17 dirigée par une certaine Sandrine Soubeyrand, qui a depuis pris la tête des filles du Paris FC, a participé au tour élite de l’Euro en Basse-Normandie. Des matches de qualification que la latérale a disputé quasi à la maison, elle, la native de Coutances, dans la Manche. "Cette compétition aurait pu se tenir partout en Europe mais le hasard fait que ça se joue juste à côté de chez moi", n’en revient toujours pas, aujourd’hui, la principale intéressée qui a eu le privilège de porter le maillot Bleu devant sa famille.

Des capes sous les couleurs tricolores, Romane Enguehard en dénombre 12, des U16 jusqu’aux U20. "La première ? C’était en Roumanie", rembobine la Havraise qui a aussi pris part à un championnat d’Europe U19, en Suisse. "C’est ma coach au pôle Espoirs (à Rennes), Sonia Haziraji, qui m’a prévenu à la fin d’un entraînement". Un rendez-vous pour lequel la n°14 des « Ciel et Marine » était parfaitement prête à l’image d’une Marseillaise dont elle connaissait déjà les paroles. "Je les avais appris petite, pour rigoler avec ma cousine". Une convocation attendue également avec impatience. La raison ? La précocité de son parcours scolaire puisqu’elle comptait un an d’avance au lycée. "Quand je suis entrée au pôle (Espoirs à Rennes), je me trouvais en cours avec la génération 1998. Je voyais toutes les filles de ma classe partir en sélection et moi, je restais toute seule dans ma classe (il n’y a pas d’équipe nationale pour les U15)". Une frustration, heureusement, rapidement évacuée.

Le brassard de capitaine autour du bras

"Un signe de confiance de la part du club et du coach"

Du haut de ses 25 bougies, qu’elle a soufflées cet été, Romane Enguehard ferait presque figure « d’ancienne » au sein de l’effectif de Maxime Di Liberto ; un technicien normand qui a aligné un onze de départ en ouverture du championnat avec une moyenne d’âge inférieure à 22 ans ! Alors qu’elle attaque sa quatrième saison sous le maillot « Ciel et Marine », la défenseure a déjà vécu son lot d’émotions avec une montée en D1 en 2022, suivie de deux maintiens. Depuis le coup d’envoi de cet exercice 2024-2025, elle a encore pris plus de galon dans le vestiaire havrais.

Et pour cause, Laëtitia Philippe actuellement en congé maternité, l’emblématique Deja Davis partie rejoindre le Paris FC pendant le mercato, Maxime Di Liberto lui a confié le brassard. "C’est un signe de confiance de la part du club et du coach", se félicite la nouvelle capitaine du HAC. "Il veut que je transmette mon état d’esprit de guerrière. C’est vrai que je suis toujours en train d’encourager mes coéquipières. Sur le terrain, j’ai la hargne". Bien sûr, Romane Enguehard n'est pas l’unique leader de ce groupe. "Le coach s’appuie sur un noyau d’une demi-douzaine de filles dont Christy Gavory (la vice-capitaine). Il y a aussi Silke Demeyere, Laurie Cance, Héloïse Mansuy". Autant de joueuses qui doivent guider la jeune troupe havraise vers le maintien.

Romane Enguehard compte 12 sélections en équipe de France jeunes, des U16 aux U20. Elle a notamment pris part au tour Elite qualificatif pour l'Euro U17 en Basse-Normandie, en 2016. Un tournoi quasiment disputé à la maison pour la native de Coutances, dans la Manche. ©Roland Le Meur

Un témoin de l’évolution du football féminin

"Oualid (El Hajjam) a été choqué quand je lui ai expliqué que j’achetais mes chaussures de foot"

Alors qu’elle compte le plus d’années d’ancienneté sous les couleurs « Ciel et Marine » parmi l’effectif actuel, Romane Enguehard a pu constater l’évolution de la structuration de la section féminine. "Au HAC, on a beaucoup de chance d’avoir Vincent Volpe (le propriétaire du club doyen). Il est tout le temps à fond derrière nous. On sent que c’est sincère. Laure Lepailleur (la manager générale) est aussi un atout. Elle maîtrise tous les paramètres liés à l’environnement du foot féminin", estime la native de Coutances. Bien entendu, tout est loin d’être parfait et de nombreux points restent à améliorer. D’ailleurs, malgré tous les efforts réalisés par les dirigeants havrais pour placer « leurs » filles dans les meilleures conditions, la latérale a souvent mesuré, au cours de sa carrière, la différence de traitement entre le football féminin et son homologue masculin. "Depuis que j’ai commencé, il y a eu plein de situations où j’ai eu l’impression qu’on n’était pas considérées". Ce constat dur traduit le sentiment d’une majorité des joueuses.

Certains exemples, ô combien simples, sont particulièrement concrets. "Pour le HAC, on s’est rendus dans un collège avec Oualid El Hajjam. Les enfants nous ont posé des questions et à un moment, ils nous ont demandé si on avait des sponsors. Oualid a répondu oui avant de se tourner vers moi et de me dire : « J’imagine que toi aussi Romane ». Il a été choqué quand je lui ai expliqué que j’achetais mes chaussures de foot. « Comment c’est possible, c’est ton métier », m’a-t-il lancé. « Nous, on reçoit des cartons tous les mois avec des crampons »". Toutefois, quelques-unes de ses coéquipières disposent de contrat avec des équipementiers à l’image de Mélinda Mendy et Chancelle Effa Effa, toutes les deux internationales en équipe de France U20. "C’est la preuve que les choses changent car quand j’étais en sélection, aucune joueuse n’était sponsorisée". La création au mois d’avril de la Ligue de football professionnel, spécifiquement dédiée à la pratique féminine, doit constituer une étape supplémentaire même si des avancées sociales tardent à se concrétiser. La convention collective garantissant un certain nombre de droits aux footballeuses (signature d’un contrat professionnel, obtention de congés parentaux, gestion des droits à l’image…) n’a toujours pas été signée.

Une future journaliste

"J’écrivais des petits articles, j’avais l’impression d’avoir mon propre journal"

Une fois qu’elle aura raccroché les crampons ; ce qui ne devrait pas se produire avant plusieurs années au regard de son âge, Romane Enguehard possède une voie toute tracée pour sa reconversion : le journalisme. "C’est un métier qui m’attire depuis que je suis toute petite. C’est dans ce domaine que je me vois travailler plus tard", confirme la latérale gauche du HAC. Aussi loin qu’elle s’en rappelle, la n°14 des « Ciel et Marine » a toujours suivi l’actualité sportive. "Quand j’étais plus jeune, Je me souviens que je lisais déjà L’Equipe, que je regardais Roland-Garros, les Jeux Olympiques et toutes les compétitions. Et quand je n’étais pas devant la TV, je pratiquais : le foot, le tennis, le basket… Je m’intéressais à toutes les disciplines". Un amour pour le sport plus que jamais d’actualité qui lui vaut parfois de se faire taquiner par ses coéquipières. "Les filles en rigolent. Dès qu’elles cherchent une info, elles me demandent : « Romane, tu dois être au courant »". Même les repas de famille n’y échappent pas. "Ça m’est arrivé de prendre mon téléphone pour regarder du biathlon".

Cette passion l’a donc conduite vers le journalisme, dès son plus jeune âge. "J’écrivais des petits articles, j’avais l’impression d’avoir mon propre journal". Durant ses études de Staps, c’est une véritable rédaction qu’elle a intégrée à travers un stage chez Ouest-France. "J’ai aussi eu l’occasion de commenter des matches de Coupe de Bretagne pour TV Rennes. C’est un exercice différent". Et depuis la saison dernière, Romane Enguehard nous brosse chaque mois, sur notre site, le portrait de l’une de ses partenaires avec une plume extrêmement prometteuse. "A chaque fois que je fais quelque chose en lien avec le journalisme, je m’éclate". On a déjà hâte de lire le prochain.

> D1F. J7 - Le Havre AC (10e - 3 points) / Reims (12e - 0 point), vendredi 8 novembre au Stade Océane à 19 heures.

Romane Enguehard

  • Née le 5 juillet 1999 (25 ans) à Coutances, dans la Manche.
  • Défenseure.
  • Parcours : La Roche-sur-Yon ESO (2014-2016, U19 ans nationales), Saint-Malo (2016-2021, D2), Le Havre AC (depuis 2021, D2-D1).
  • Internationale en équipe de France jeunes (12 sélections des U16 aux U20).
  • Sous contrat jusqu'en 2025.
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