Son enfance au Zimbabwe
"Toute ma jeunesse, je l'ai consacrée au foot"
Avec un père, Onias, entraîneur et trois frères, Prosper, Prince et Pardon, tous « pros » au pays, Tino Kadewere pouvait difficilement échapper à son destin de devenir footballeur professionnel. "C'est mon père et mes frères qui m'ont initié. J'allais voir tous leurs matches. Toute ma jeunesse, je l'ai consacrée au ballon. Il n'y avait rien d'autre. Dès qu'on avait un moment de libre, on jouait", se souvient l'avant-centre du HAC qui a intégré l'académie fondée par son papa, la High Field à Harare, à l'âge de 6 ans. Rapidement, les prédispositions du petit Tino sont remarquées. Par sa famille dans un premier temps puis par les plus grandes figures du football local.
"Quand j'avais 14 ans, Moses Chunga, une légende dans mon pays (international, il a notamment évolué en Belgique) qui m'avait repéré, a déclaré que je serais un jour l'un des plus grands joueurs zimbabwéens de l'histoire". D'ailleurs, c'est grâce à son talent ballon aux pieds que ce fan de l'ex-attaquant de l'AJ Auxerre et de Manchester City Benjani, un compatriote, décroche une bourse pour poursuivre sa scolarité dans un collège. Sur le plan sportif, si un essai dans l'un des clubs les plus prestigieux du pays se révèle infructueux, Tino Kadewere s'engage en 2015 pour deux ans avec Harare City (D1). Il n'y restera que six mois. Durant ce laps de temps, l'actuel n°11 des « Ciel et Marine » explose, inscrivant 12 buts en 15 sorties. Des statistiques qui lui ouvrent les portes de l'équipe nationale.
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Comme en millions d'euros, la somme que devrait rapporter la vente de Tino Kadewere au HAC ; Lyon l'ayant acheté contre une indemnité de 12 M€ + 2 M€ de bonus. Un chiffre auquel il faudra ajouter un pourcentage à la revente fixé à 15%. Pour rappel, Le Havre s'était attaché ses services à l'été 2018 pour 2,5 M€ ; soit le transfert le plus onéreux de l'histoire du club doyen. Conséquence, l'attaquant zimbabwéen pourrait devenir le joueur le plus cher de l'histoire de la Ligue 2. Un record qui appartient jusqu'à présent à Sébastien Frey. En 1998, le gardien avait été transféré à l'Inter Milan en provenance de l'AS Cannes pour 14 M€.
Sa découverte de l'Europe en Suède
"J'ai appris à jouer comme un homme"
Enfant, Tino Kadewere avait un rêve qu'il partageait avec son père : "Jouer en Europe". Un rêve qui se concrétise en juin 2015 avec un départ direction Djurgardens, en Suède. Peu de temps auparavant, le Zimbabwéen avait découvert la France à travers un essai de deux semaines à Sochaux. "J'avais eu également une proposition d'Ostende (en Belgique)", précise le principal concerné. Un choix qui peut surprendre au premier abord. "A Sochaux, c'était assez difficile de communiquer car très peu de personnes parlaient anglais alors qu'en Suède, tout le monde est bilingue", justifie-t-il. Il faut dire que l'Etat-major de Djurgardens a su aussi se montrer extrêmement convaincant. "A l'issue de mon essai, le directeur général me dit : « Tu ne repars pas au Zimbabwe. On a besoin de toi dès maintenant »". Une annonce qui décontenance quelque peu l'intéressé, surtout qu'il n'est venu avec des affaires que pour… une semaine ! "On m'a répondu que c'était plus simple comme ça, que le club s'occupait de tout, m'acheter tout ce qu'il faut".
Pour autant, l'acclimatation n'est pas si évidente. S'il figure régulièrement dans le groupe, Tino Kadewere n'apparaît jamais dans le onze de départ, se contentant d'entrées en jeu et ne trouvant que rarement le chemin des filets (trois buts en 20 apparitions). "Je jouais également tous les matches avec la réserve", précise celui qui a consenti à d'énormes sacrifices sur le plan personnel pour vivre son rêve. "Pendant mes six premiers mois, j'étais tout seul. Ma famille était restée au pays. Mon fils aîné, Keith, avait tout juste six mois quand je l'ai quitté. Je ne l'ai revu qu'à ses un an. C'est la première fois que je passais aussi plus de deux mois loin de ma maman (Mavis). Ce fut une période très dure". Si l'adaptation du futur havrais est un peu plus longue que prévue, les dirigeants suédois lèvent l'option d'achat dont ils disposent (le joueur était arrivé sous la forme d'un prêt). Ils ne le regretteront pas. Les trois années suivantes, Tino Kadewere s'impose comme un titulaire même si ses statistiques n'ont rien de comparables avec celles, d'aujourd'hui, sous le maillot « Ciel et Marine ». "Quand je suis arrivé, je jouais comme un enfant. En Suède, j'ai appris à jouer comme un homme", souligne l'attaquant qui a franchi de nombreux paliers dans ce club basé à Stockholm : techniquement, physiquement, collectivement...
La révélation au Havre
"Revenir avec Lyon en Ligue 1 la saison prochaine"
Bien que blessé (entorse du ligament latéral interne du genou gauche synonyme d'indisponibilité durant quatre mois, il n'a effectué sa première apparition en L2 que le 9 novembre), Tino Kadewere ne manque pas de sollicitations à l'été 2018. La Belgique encore, les Etats-Unis aussi mais c'est en France et plus précisément au HAC que le Zimbabwéen pose ses valises. "J'ai regardé l'histoire du club et j'ai vu tous ces grands noms qui en sont sortis*. Je me suis dit : « Pourquoi pas moi »". Afin de mettre tous les atouts de son côté et de faciliter son intégration, le néo-Havrais décide d'apprendre le français. "Pendant six semaines, un professeur m'a accompagné sept jours sur sept, 24 heures sur 24, du réveil au coucher", raconte-t-il. Et le résultat est bluffant même s'il préfère s'exprimer en anglais quand la fatigue se fait sentir ou qu'il veut être certain de bien faire transmettre son message.
Dans quelques mois, le meilleur goleador de Ligue 2 (20 réalisations) découvrira un nouvel univers à Lyon. "Je vais rejoindre un club qui dispute la Champions League. Il est quand même en 1/8e de finale (contre la Juventus Turin). Je suis très honoré d'avoir signer là-bas. Mais surtout, je suis heureux de rendre les Zimbabwéens fiers. Au pays, on a beaucoup parlé de mon transfert. Ils sont fiers qu'un de leurs joueurs évolue dans l'un des plus gros clubs d'Europe". Avant de changer de dimension en rejoignant l'OL, Tino Kadewere ambitionne de quitter Le Havre, une ville qui lui tient particulièrement à cœur où est né son deuxième fils, Khameel, sur une montée en Ligue 1. Contrairement à ce que prétendent certaines mauvaises langues sur les réseaux sociaux qui lui reprochent sa blessure au mois de février (touché à une cuisse contre Lens le 31 janvier, le Zimbabwéen a manqué les quatre journées suivantes). "Ça me ferait tellement plaisir de revenir ici (au Stade Océane) la saison prochaine, de jouer face au Havre, de revoir les gens qui ont contribué à ce que je suis aujourd'hui". A n'en pas douter, les supporters « Ciel et Marine » aussi.
*Steve Mandanda, Lassana Diarra, Paul Pogba, Riyad Marhez, Benjamin et Ferland Mendy pour ne citer que les plus connus.
Le Zimbabwe au cœur
Très attaché au Zimbabwe où vit encore une grande partie de sa famille, Tino Kadewere (ici, avec le drapeau de son pays en compagne de Jamal Thiaré) a repris l'académie fondée par son père, Onias, à Harare. ©Emmanuel Lelaidier
Si depuis qu'il a posé ses valises en Europe en 2015, il ne retourne au Zimbabwe que deux fois par an (pendant les fêtes de fin d'année et durant la coupure estivale), Tino Kadewere garde un lien très fort avec ses racines ; là où vit une grande partie de sa famille et sa maman, Mavis. Alors qu'il a perdu son père, Onias, quand il était encore très jeune, l'attaquant du Havre a repris son académie, la High Field à Harare, où il a tapé dans ses premiers ballons. "Je les aide à différents niveaux", précise celui qui rêve de disputer une Coupe de Monde ; ce qui constituerait une première pour « Les Guerriers » zimbabwéens.
Après avoir franchi le tour préliminaire des qualifications aux dépens de la Somalie en septembre 2019, Tino Kadewere et ses partenaires ont été reversés dans une poule avec le Ghana, l'Afrique du Sud et l'Ethiopie. Loin d'être gagné d'avance sachant que seul le premier compostera son ticket pour le barrage final (début des matches en septembre 2020).