Après 15 mois (octobre 2019) sans le moindre match dans les jambes, vous avez enfin refoulé les pelouses en compétition. Quelles ont été vos premières sensations ?
"Plutôt bonnes. Bien sûr, je n'étais pas dans une condition optimale, loin d'être à 100%. Mais je le savais après autant de mois sans jouer. Depuis mon arrivée au Havre, j'ai bien bossé avec Olive (Rodriguez, le préparateur physique), les kinés, tout le monde… Avant mon premier match, je n'ai pas ressenti d'appréhension particulière. Ça faisait trois mois que j'étais déjà dans l'équipe, que je m'entraînais avec elle. Blessé, pas blessé, qualifié, pas qualifié, âgé, pas âgé… Quand on est dedans, on ne calcule même plus. Je veux juste profiter et aider l'équipe. D'ailleurs, je ne serai vraiment satisfait que quand je réaliserai des performances abouties qui lui permettront d'obtenir des résultats".
A quoi a ressemblé votre quotidien pendant les trois mois (octobre-novembre-décembre) qui ont séparé votre signature au HAC de vos débuts en Ligue 2 ?
"J'ai effectué certains déplacements avec l'équipe (Sochaux, Ajaccio, Toulouse…) afin de la soutenir et de découvrir l'ambiance. Comme le coach l'a dit (Paul Le Guen), j'ai également été amené à dépanner sur des oppositions internes, sur différents postes, en défense centrale quand il y en avait besoin. En parallèle des entraînements avec le groupe, j'ai effectué des séances personnalisées, des exercices complémentaires comme les escaliers. Bon, ce n'était pas le meilleur moment pour moi mais c'est forcé d'en passer par là. Je dois bien reconnaître qu'Olive m'en a fait voir de toutes les couleurs. C'est la personne que je déteste le plus au club (éclat de rire). Quand tu as un prépa physique qui montre l'exemple, qui fait les efforts avec toi alors qu'il n'est pas obligé, comment veux-tu râler ?".
Durant cette période, vous n'étiez pas rémunéré…
"On a trouvé un arrangement. Le club a fait un effort, il était normal que je fasse un geste aussi. Comme je n'étais pas qualifié, Le Havre aurait très bien pu me laisser tomber, engager un autre joueur mais il a fait preuve de classe. Le coach a joué un rôle important. Il m'a dit qu'il m'attendrait jusqu'en janvier, qu'il ne recruterait personne. Ce discours a renforcé ma frustration de ne pas pouvoir intégrer l'équipe. Surtout qu'entre les blessures et le corona qui ont touché Jamal (Thiaré) et le petit Godwin (Bentil), l'attaque a été décimée".
Vous sentez-vous redevable vis-à-vis du Havre ?
"Le club a cru en moi. Le coach sait que je suis avec lui à 100%. Peut-être que je ne serai pas le meilleur sur le terrain, peut-être que je vais rater des passes mais dans l'engagement, la tactique, les replis défensifs, je vais m'investir totalement. Je veux rendre la confiance qu'on m'a donnée".
Avec vos débuts retardés de trois mois, ressentez-vous une attente particulière autour de vous ?
"L'attente, elle existe. C'est certain. C'est toujours comme ça quand on recrute un attaquant. Toute cette attention autour de moi, ce n'est pas quelque chose que j'apprécie forcément. Maintenant, s'il faut la prendre, je le ferai sans problème. Si ça permet de libérer les autres joueurs, mettez toute l'attention sur moi. Ce qui prime, c'est l'intérêt de l'équipe".
Avez-vous été soulagé quand vous avez (enfin) appris votre qualification ?
"Même pas. J'espérais l'être avant. J'étais un peu dégoûté. C'était vraiment le dernier délai. Si la Fédé avait voulu me libérer avant, elle aurait pu. On a essayé de les appeler, on est passés par d'autres gens en Egypte. J'ai demandé à mon ancien chauffeur de se rendre à la Fédération. Le jour où il y est allé, la personne s'occupant de mon dossier était en vacances ! D'où tu pars en congé à l'ouverture du mercato ? Des catastrophes, des catastrophes… Pour Amiens, je savais qu'on ne dépendait plus de l'Egypte à moins que la Fédération là-bas me bloque*. Mais pourquoi attendre sept jours pour le faire ? Ça aurait été bidon. Aujourd'hui, avec mes partenaires, on en rigole. Chaque semaine, je leur disais, je vais peut-être pouvoir jouer samedi. A un moment, la FIFA devait me donner une réponse fin novembre. Du coup, dès Ajaccio (J14. 1-1, le 7 décembre), je pensais jouer".
Avez-vous définitivement tourné cette page égyptienne ?
"Ce n'est pas encore fini car je suis encore en procès contre le club (le Zamalek) pour des salaires non versés. Mais bon, depuis que je suis au Havre, ça va mieux. Quand je n'avais pas le foot, de mon départ de là-bas en janvier jusqu'à ma signature ici, je n'avais que ça dans la tête. C'est tellement malsain que tu es obligé d'y penser".
Quel est l'objet du litige qui vous oppose aux dirigeants du Zamalek ?
"C'est un énorme micmac. Pour résumer, ils me reprochent de ne plus être allé aux entraînements. Sauf que c'est eux qui m'ont autorisé à aller préparer mon opération en France. Et quand je suis parti, ils ont monté un dossier dans mon dos. Entre-temps, je les ai attaqués pour le non-paiement de salaires".
Comme vous venez de le mentionner, ce fut une période d'autant plus compliquée à vivre pour vous que vous vous êtes fait opérer d'un genou…
"Pour la première fois de ma vie, je me blesse et je me retrouve à faire une rééducation tout seul, en période de confinement. Déjà que quand un club t'accompagne, ce n'est pas facile, mais là, je n'en parle même pas. Il faut la trouver la motivation pour aller faire un footing en forêt. Parfois, je me suis même demandé à quoi ça servait de continuer. Ce fut juste une pensée qui m'a traversé vite fait l'esprit. Quand j'ai vu le sourire de mon fils pendant qu'il était en train de me copier quand je faisais des séances d'abdos-gainage dans mon jardin, ça m'a redonné de la force".
*A l'ouverture du mercato d'hiver, le 2 janvier, la Fédération égyptienne disposait de sept jours pour délivrer le certificat international de transfert. Passé ce délai, Khalib Boutaïb a été automatiquement libéré par les instances internationales.
> L2. J26 - Le Havre (10e - 33 points) / Dunkerque (16e - 26 points), samedi 20 février à 19 heures au Stade Océane.