Si vous ne deviez nous donner qu'un seul terme pour qualifier cette première partie de saison ?
"Le plaisir. Je pense que ce mot à un sens assez important. Le plaisir du quotidien, à l’entraînement avec les garçons qu’on voit progresser individuellement. Il y a également le plaisir de gagner les matches et d’une certaine manière. Et enfin le plaisir de voir les supporters enjoués et de plus en plus nombreux".
A titre personnel, vous aussi vous prenez du plaisir à diriger cette formation havraise ?
"Oui, je ressens un fort épanouissement personnel. Je me suis enrichi sur de nombreux aspects : la préparation athlétique, le jeu, la tactique… J’ai un groupe qui a soif de contenus, qui posent des questions, qui a envie d’avancer… Les joueurs appliquent ce qu’on met en place avec le staff. Il y a un véritable échange. J’ai cette sensation que personne ne triche. Si parfois, il peut y avoir des erreurs, c’est toujours avec de bonnes intentions au départ".
Revenons sur le soutien de votre public. Au-delà du classement du HAC, ce lien qui s’est renoué avec les fans « Ciel et Marine » est certainement la plus belle victoire de la nouvelle direction…
"Probablement. Rendre les supporters heureux était l’un de nos objectifs. En termes de ferveur, tout le monde a conscience du potentiel de notre environnement, de la ville, des Havrais qui s’investissent pour leur club. Il y a de nouveau une effervescence. On le voit aussi à l’extérieur où on est de plus en plus suivi. Je crois que les gens ressentent cette volonté des joueurs de tout donner sur le terrain, d’aller au bout de leurs efforts. Cette notion d’abnégation étant très ancrée dans l’histoire de la ville et du club, nos supporters s’y retrouvent. Ils s’identifient de nouveau à leur équipe. C’est une bataille qu’on doit continuer à mener".
Dans une saison, il y a toujours des matches clés. De l’extérieur, on a l’impression que vos succès aux dépens de Saint-Etienne (J4. 6-0, le 20 août) et de Caen (J7. 2-1, le 2 septembre) appartiennent à cette catégorie…
"Sur le match à Sainté, certainement. On sortait de deux points en trois journées et des doutes étaient apparus, plus dans l’environnement extérieur qu’en interne. Ne serait-ce qu’au niveau comptable, notre victoire à Saint-Etienne nous met dans une position plus favorable, nous enlève un peu de pression. Elle nous met sur de bons rails. Au-delà du résultat et avant les expulsions chez notre adversaire*, on avait surtout fourni un contenu très satisfaisant. C’est pour toutes ces raisons que c’est un match référence. Après, il y a eu beaucoup de moments importants dans cette première partie de saison, des victoires à l’extérieur, certes moins médiatisées, comme à Niort, à Laval en retournant la situation…
*Les « Verts » avaient fini ce match à huit après les cartons rouges d’Anthony Briançon (31’), de Matthieu Cafaro (36’) et Etienne Green (66’).
Vous évoquez la progression de vos joueurs. Entre votre prise de fonction, fin juin, et aujourd’hui, considérez-vous que votre équipe est totalement différente ?
"Il y a beaucoup de garçons qui ont glané leur première titularisation en Ligue 2 et qui ont vite démontré leurs qualités ; des qualités que même nous, parfois, ne nous soupçonnions pas. On a été exigeants en termes d’horaires et d’investissement. Clairement, à mi-saison, on en récolte les fruits. Les joueurs savent ce qu’ils doivent faire, il existe des connexions entre eux. Je trouve que notre équipe a également progressé en termes de mentalité, on dégage plus de confiance. Bien entendu, on a encore une marge de progression. C’est à nous de continuer et d’accentuer toutes ces valeurs pour être encore récompensés en fin de saison".
Après 15 journées, votre équipe a signé un record de points pour le HAC (32), avec l’attaque la plus prolifique (24 réalisations, à égalité avec Sochaux et Metz), la défense la plus imperméable (seulement six buts encaissés)… Vous êtes invaincu depuis 13 matches en championnat. Lequel de ces chiffres est le plus significatif ?
"Ce que je retiens en premier, c’est la possession (56,1%) et le nombre de passes réussies (405 par match en moyenne). Je ne l’envisageais pas à ce point. C’est une agréable surprise. Ça en dit beaucoup sur la qualité technique de nos garçons et sur la qualité de la structure mise en place. Cela demande beaucoup d’investissement et de concentration durant la semaine sur les aspects techniques. Cette possession nous aide dans tous les secteurs de jeu : l’efficacité défensive, notre capacité à produire des situations offensives, notre pécule points…"
Par son positionnement dans le calendrier, l'opération comptable réalisée et le contenu de la prestation havraise, Luka Elsner estime que le succès à Saint-Etienne (6-0) constitue un match référence. Plus que la victoire dans le « derby », pardon la confrontation régionale, contre Caen (2-1). ©Damien Deslandes
Vous faites référence à la qualité technique de vos joueurs. Est-ce que vous consacrez énormément de temps dans la semaine à travailler les basiques : le contrôle, la passe, l’orientation du corps…
"Le travail sur les fondamentaux est assez important. Plusieurs fois par semaine, des séquences 100% techniques sont programmées dans nos séances où toutes les surfaces du pied sont sollicitées. Les garçons ont compris qu’il était important de travailler les bases. Là où je sens qu’on a débloqué certaines choses, c’est que les garçons ont compris que notre positionnement sur le terrain influence fortement notre capacité à garder le ballon. Si tu n’as pas les bonnes positions, tu as beau avoir une bonne technique, tu seras toujours dans un état d’anxiété par rapport au temps que tu as à disposition".
Avez-vous identifié un domaine en particulier dans lequel votre collectif doit progresser ?
"Plusieurs. On doit être plus efficace sur les attaques rapides, dans les 10-15 secondes après la récupération du ballon. Aujourd'hui, on amène plus souvent les ballons aux abords de la surface mais on ne finit toujours pas. On doit mieux terminer les situations qu'on se procure. J’ai presque l’impression qu'on est meilleur quand notre adversaire est bien organisé, qu’il défend bien que quand il est déséquilibré, que les espaces s’ouvrent. On doit aussi mieux utiliser notre attaquant, que nos milieux relayeurs marquent plus, qu'ils soient plus présents dans la surface de réparation adverse... Vous voyez, il y a encore beaucoup de choses à bosser et c'est tant mieux".
Forcément, à partir du 26 décembre et la reprise de la Ligue 2, le défi pour le HAC sera de confirmer et de perdurer…
"Absolument. Tout le monde doit continuer à tirer dans le même sens. Il va falloir être encore plus exigeant en haussant notre niveau de jeu car les autres équipes le feront. Il faut attaquer cette deuxième partie de saison avec de la confiance. On va dépendre de la qualité de notre travail, de la solidarité de notre groupe, du maintien de cet état d’esprit familial. On va aussi dépendre de la capacité de notre groupe à se vider les têtes pendant cette période de coupure. Il faut qu'on revienne avec le plein d'énergie et de motivation pour les six mois de compétition qui nous attendent. Maintenant, on n'a pas de pression à avoir. Gardons cette notion de plaisir qui doit rester au cœur de nos objectifs".
Avec votre statut de leader à la trêve « Coupe du Monde », on commence à parler d’une éventuelle accession en Ligue 1 du côté du HAC. Votre rôle en tant que coach, c’est aussi de protéger votre groupe par rapport à cet engouement qui ne fait que croître chez les supporters « Ciel et Marine »…
"Il n’y a aucun souci par rapport à l’engouement lié à la qualité de nos prestations et aux efforts des garçons. Maintenant, dans notre quotidien au centre d’entraînement, personne, à aucun moment, n’évoque la montée. Ce n’est pas un jeu caché. Nous ne sommes qu’à la 15e journée. C’est beaucoup trop tôt de parler de ça. A ce jour, la montée ne constitue pas un objectif. Si nous sommes toujours dans cette position à la 30e journée, on en reparlera. La priorité, aujourd’hui, c’est le contenu et notre progression".
Qu’attendez-vous du mercato qui s’ouvrira officiellement ses portes le 1er janvier ?
"J’attends qu’on se renforce dans certains secteurs car on manque de quantité. En cas de blessure ou de suspension, on n’a pas beaucoup de solutions sur notre ligne arrière. Depuis que Zak Diallo est parti (à la demande du joueur, son contrat a été rompu fin octobre), nos choix sont limités. On ne tiendra pas six mois comme ça. Maintenant, l’objectif principal, c’est de garder l’harmonie, l’osmose et la cohésion entre les joueurs. Toutes les décisions qu’on va prendre en lien avec le mercato seront prises en prenant en compte cette notion. Beaucoup de joueurs ont gagné du crédit à nos yeux. Pour venir renforcer notre équipe, il faudra apporter de la qualité".
A l'image de Yassine Kechta et Josué Casimir depuis le début de la saison, peut-on s'attendre à voir d'autres jeunes exploser avec votre équipe dans la seconde partie de championnat ?
"Si vous parlez des jeunes, il faut aussi évoquer Elies (Mahmoud), Ylan (Gomes), Salifou Soumah même si lui a encore besoin de temps pour travailler, surtout pour comprendre nos schémas défensifs. Mais offensivement, il peut nous apporter quelque chose. Je pense que sur la deuxième partie de saison, Check Diakité (qui s'est engagé le dernier jour du mercato, cet été) va mieux s'exprimer. Après, avec Mathieu (Bodmer, le directeur sportif) et le reste du staff, on suit de très près tout ce qu'il se passe à la Cavée (le centre de formation). Un garçon comme Simon Ebonog a vocation à pointer le bout de son nez. D'ici six mois, des nouvelles têtes apparaîtront avec nous. Ils auront leur chance en compétition mais on n'est pas sur du très court terme. Il y a plein de potentiel chez nos jeunes mais pour nous donner un coup de main, le niveau est assez élevé".
Possession, passes réussies, frappes concédées... Les chiffres clés de la première partie de saison du HAC
Avec six buts inscrits à la suite d'un corner, le HAC est l'équipe de Ligue 2 la plus efficace offensivement sur cette phase de jeu. ©Damien Deslandes
Comme évoqué dans l'entretien avec Luka Elsner, le HAC affiche la meilleur possession des 20 pensionnaires de Ligue 2 (56,1%). Une possession contribuant à la solidité défensive du club doyen. C'est tout simplement l'équipe qui concède le moins de frappes par match (5,7). D'autres chiffres illustrent la philosophie prônée par le technicien slovène. En se fiant à l'indice PPDA* (8,1 pour le HAC), on peut en tirer comme conclusion que ce sont les « Ciel et Marine » qui pressent le plus haut sur le terrain. Le Havre est aussi la formation tentant et réussissant le plus de passes par match (405). Preuve de la qualité technique des partenaires de Victor Lekhal : ils ne perdent que 91 ballons par match. Seul le Stade Malherbe fait aussi bien dans ce domaine.
Avec en moyenne 16,4 ballons touchés dans la surface de réparation adverse, le HAC pointe également en deuxième position dans ce classement spécifique. Créditée de l'attaque la plus prolifique de L2 (24 buts inscrits, à égalité avec Sochaux et Metz), la troupe de Luka Elsner se montre particulièrement performante sur corner avec déjà six réalisations à la suite de cette phase de jeu. En deuxième division, personne ne fait mieux.
*Nombre de passes permises par action défensive.