Chaque mois, nous allons à la rencontre de l'un des espoirs du football normand (HAC, Stade Malherbe, QRM, US Avranches, FC Rouen...), qu'il soit un titulaire en puissance de l'équipe première, un joueur en quête de temps de jeu ou un jeune de la réserve à qui l'on prédit un bel avenir. On parle foot mais pas que...
Son parcours : De Sartilly au Havre en passant par Avranches
"Il y a un coup franc, on me décale la balle, je tire, barre rentrante"
Section sportive du collège de Brécey, pôle Espoirs de Ploufragan (Côtes-d’Armor), centre de formation du HAC… Depuis qu’il a commencé à taper dans un ballon rond dans sa Manche natale, Paul Argney réalise, jusqu’à présent, un parcours sans fausse note. Le gardien havrais peut remercier son frère aîné, Gabriel, actuellement licencié à l’AG Caen (N3). Sans son insistance, peut-être que les prémices d’une carrière en devenir n’auraient jamais vu le jour. "La première fois que je joue au foot, c’est au tournoi de Sartilly. Mon frère a absolument voulu que je complète une équipe. Au départ, je n’y étais pas spécialement favorable car je ne savais pas à quoi m’attendre puis j’ai fini par céder". A cette époque, ce n’est pas les gants aux mains que le « petit » Paul s’illustre mais bel et bien, le cuir entre les pieds. "Sur un match, le coach me fait entrer. Il y a un coup franc, on me décale la balle, je tire, barre rentrante", décrit ce lycéen en terminal STMG qui s’en souvient comme si c’était hier. "J’ai regardé mon père, il était choqué".
Depuis le tournoi de son tout premier club, Paul Argney - redescendu assez rapidement dans les cages - a parcouru un sacré bout de chemin. Repéré par les scouts « Ciel et Marine » alors qu’il évoluait à l’US Avranches, le portier a rejoint la cité Océane en 2021. Un joli coup pour le HAC au regard de la concurrence. Guingamp, Rennes, Caen, Lorient, Brest… La plupart des écuries professionnelles du Nord-Ouest s’étaient penchées sur son profil. "Mais Le Havre a été le premier à me proposer un contrat, Franck Sale (le responsable du recrutement à la formation à l’époque) est venu chez moi pour que je signe", raconte celui qui est désormais n°4 dans la hiérarchie des gardiens havrais derrière Arthur Desmas, Mathieu Gorgelin et Mohamed Koné.
Le Mondial U17 : battu en finale par l’Allemagne
"J’essaye de penser aux choses positives comme mon titre de meilleur gardien"
En l’espace de six mois, Paul Argney et ses coéquipiers de l’équipe de France ont buté sur la dernière marche, à l’Euro en juin puis au Mondial en décembre, à chaque fois battus aux tirs au but par l’Allemagne. D’où ce mélange de fierté et de frustration qui anime cette génération 2006 à l’heure de dresser le bilan de l’année 2023. "Arriver en finale, c’est exceptionnel. On a signé cinq clean sheet d’affilée (les Bleuets ont encaissé leur premier but en demi, contre le Mali), du jamais-vu pour une Coupe du Monde U17", lance le Havrais qui ne cache pas la difficulté de digérer sa déception. "Je vous avoue qu’avant de m’endormir, il y a beaucoup d’images qui me reviennent en tête, notamment les penalties. J’essaye de les évacuer, de penser aux choses positives comme mon titre de meilleur gardien du tournoi".
Car en Indonésie, cadre de cette compétition, l’ultime rempart tricolore qui avoue un faible pour l’école allemande à son poste (Manuel Neuer, Marc-André Ter Stegen) a brillé. Sa parade en quart, face à l’Ouzbékistan, sur une tête plongeante quasi à bout portant a marqué les esprits. "Je suis monté en puissance au fur et à mesure des matches". Toutefois, dès qu’il a un instant de libre, Paul Argney songe de nouveau à ce scénario défavorable du 2 décembre contre le voisin germanique. C’est pourquoi il va recontacter Fabien Bréard, le préparateur mental du centre de formation. "Le mental, c’est très important", souligne le natif de Granville. "Il y a quelque temps, ce préparateur m’a aidé. Il a mis des choses en place dans ma préparation d’avant-match. J’en ressens les bienfaits. Je ne dois plus penser à cette finale".
A la Cavée Verte ou au centre d'entraînement de Soquence, Paul Argney grandit au HAC notamment sous la direction de Ghislain Chauray, l'entraîneur spécifique au poste de gardien du centre de formation. ©Emmanuel Lelaidier
Sa spécialité : une sensibilité particulière pour les tirs au but
"Sur ma gourde, j’avais des indications sur la manière dont les Allemands tiraient"
Une tentative repoussée en finale de l’Euro début juin, une autre en 1/8e du Mondial contre le Sénégal et encore deux face à l’Allemagne… Si en Indonésie, les Bleuets ont confirmé que les tirs au but n’étaient vraiment pas une spécialité française*, Paul Argney s’est lui découvert un goût prononcé pour cet exercice. Mais ne croyez surtout pas qu’il s’agit uniquement de réussite. Derrière ce pourcentage d’arrêts impressionnant dans cette spécialité se cache un véritable travail de fond. Comme pour la finale de la Coupe du Monde U17… "Sur ma gourde, j’avais des indications sur la manière dont les principaux joueurs allemands tiraient. On avait analysé leurs pénos en sélection et en club", dévoile le Manchois qui a pu aussi s’appuyer sur les précieux conseils de son entraîneur spécifique : Pascal Rohn.
"Sur la première balle de match des Allemands, il m’a fait remarquer que (Paris) Brunner alternait entre la droite et la gauche sur ses tentatives. Pendant le match, il avait marqué sur penalty en frappant sur ma droite. Mon coach m’a donc dit : « Il va ouvrir son pied, il va tirer sur ta gauche »". En suivant ces recommandations, Paul Argney a accordé un sursis à la France. Bien sûr, comme dans toute séance de tirs au but, il existe une part de flair. "Le dernier frappeur allemand, il ne tire pas habituellement. Du coup, je ne l’ai pas sur ma gourde. Je pense qu’il va ouvrir. Finalement, il croise". Un choix que regrette aujourd’hui le portier normand. "Avec le recul, je me demande pourquoi je ne suis pas parti de l’autre côté. C’est un gaucher et souvent, il croise". Preuve peut-être que le Havrais est un futur grand, il n’est jamais satisfait.
*Battue en finale des Coupes du Monde 2006 et 2022 dans cet exercice si particulier, éliminée en 1/8e de finale de l'Euro 2020, l'équipe de France n'a plus remporté une séance de tirs au but dans une phase finale depuis le Mondial 1998 ! Les Bleues d'Hervé Renard se sont également inclinées en quart de finale de la dernière Coupe du Monde, contre l'Australie, aux tirs au but.
Sa particularité : une faculté à analyser ses performances
"Quand je commets une erreur, je sais le reconnaître"
Du haut de ses 17 ans, Paul Argney surprend par sa maturité. Le gardien possède d’ailleurs une capacité d’analyse de ses performances assez bluffante. "Je sais dire quand c’est bien et quand c’est mal. Quand je commets une erreur, je sais le reconnaître. En regardant mes matches avec mon coach au HAC (Ghislain Chauray), on est tout le temps en phase", lâche le principal intéressé pas totalement satisfait de sa prestation en finale du Mondial. "Sur l’action qui amène le premier but (à la suite d’un penalty après consultation de la VAR), la frappe est tendue, elle arrive vite, c’est compliqué de la garder. Comme l’attaquant allemand est dos au jeu (Noah Darvich), je ne m’attends pas forcément à ce qu’il enchaîne mais je ne dois pas la repousser dans l’axe".
L’ultime rempart de la France se livre au même exercice d’auto-critique sur la seconde réalisation germanique. "Je m’attends à ce que le joueur au premier poteau touche le ballon. Après, j’essaye de me remettre rapidement sur mes appuis. Darvich est tellement excentré que je ne me jette pas. Je pense qu’il va ajuster un petit ballon en retrait pour permettre à l’un de ses coéquipiers de finir sauf qu’il frappe instantanément. Je la touche mais elle termine quand même dans les filets".
Avec le HAC : Objectif Gambardella
"On a une carte à jouer. On a la génération pour"
Entre son retour d’Indonésie et sa reprise de l’entraînement avec le HAC, Paul Argney n’a coupé que… trois jours ! Il faut dire que le portier avait une échéance importante à préparer avec son club formateur avec l’entrée en lice en Coupe Gambardella. Grâce à un but d’entrée de Noam Obougou Jacquet, la relève « Ciel et Marine » a évité le piège meudonnais (1-0). "Ces ambiances parisiennes où on est taquiné, je sais que mes coéquipiers aiment ça", témoigne le vice-champion U17 dont le prochain tour lui a réservé un joli clin d’œil. En 1/32e de finale, les U18 de Jaïr Karam se rendront à l’US Avranches, l’ancien club de Paul Argney. Mais à l’heure de se présenter sur le pré manchois, les sentiments n’auront pas leur place. Surtout que cette coupe représente un objectif cette saison pour le centre de formation ; un trophée que le HAC n'a plus soulevé depuis 1989. "On veut écrire un nouveau chapitre de l’histoire du club. On a une carte à jouer. Je pense qu’on a la génération pour (ndlr : gagner)", estime le gardien havrais. "Maintenant, la Gambard, ça se joue sur un match".
Dans sa quête, les « Ciel et Marine » pourront compter sur leur ultime rempart, l’un de leurs principaux atouts. D’ailleurs, Paul Argney fait partie des rares éléments de cette génération 2006 à avoir déjà goûté au groupe de Luka Elsner. "J’ai fait la prépa avec lui cet été. J’ai même disputé mes premières minutes en pro à l’occasion d’un match amical en Slovénie". Depuis, le Granvillais de naissance se rend en moyenne une à deux fois par semaine pour essuyer les frappes de Mohamed Bayo, Nabil Alioui, Emmanuel Sabbi et consorts. Pour son plus grand plaisir.
> Coupe Gambardella. 1/32e de finale - US Avranches (Nat) / Le Havre AC (Nat), samedi 13 janvier à 15 heures au Stade René-Fenouillère.
Paul Argney
- Né le 23 mai 2006 (17 ans) à Granville (Manche).
- Droitier. 1,85 m pour 80 kg.
- Parcours : Jullouville-Sartilly (2013-2017), US Avranches (2017-2021), Havre AC (depuis 2021).
- International U18.
- Sous contrat stagiaire jusqu’en 2026.