Une marge d’erreur très faible
"A Amiens, ce qui m’avait interpellé, c’est que chaque point résulte d’un combat extrême". Avant le coup d’envoi du championnat, Luka Elsner était revenu avec nous sur sa précédente expérience en Ligue 1, à la tête du club picard, durant l’exercice 2019-2020*. Au regard du scénario de dimanche après-midi, sur la pelouse de La Mosson où ses joueurs ont obtenu le match nul à la dernière minute du temps réglementaire (2-2), le coach slovène a semble-t-il garder une vision assez juste de cette division. Une Ligue 1 où "la marge d’erreur est très faible". Dans l’Hérault, son équipe, sanctionnée à deux reprises, sur autant d’approximations défensives, l’a constaté à ses dépens.
Sur l’égalisation montpelliéraine, Issa Soumaré, après s’être replacé à contretemps sur un corner qu’il avait repoussé initialement, a fait preuve de naïveté en se jetant devant Téji Savanier qui n’en demandait pas tant pour ajuster son centre dans un fauteuil. Deux minutes plus tard, une perte de balle à 30 mètres des cages adverses à la suite d’une transmission de Daler Kuzyaev à destination de Nabil Alioui s’est transformée en passe décisive de « Kiki » Kouyaté. Pas certain que c’était l’intention première de l’international malien. Toujours est-il que mal positionnés, Yoann Salmier et Arouna Sanganté se sont fait surprendre par Akor Adams ; le capitaine « Ciel et Marine » ne parvenant pas à rattraper à la course l’attaquant nigérian.
"Même quand tu crois avoir un peu le contrôle, au final, tu ne l’as pas vraiment. Tous les mauvais placements, toutes les choses que tu laisses un peu au hasard, en Ligue 2, ça peut encore passer. En Ligue 1, si tu ne fais pas le boulot, tu es puni", prévient l’entraîneur havrais. "Au niveau de la concentration et de la rigueur, en Ligue 1, tu ne peux pas te permettre ce que tu fais parfois en Ligue 2", abonde Oualid El Hajjam, trois montées à son actif avec autant de clubs différents (Amiens, Troyes et le HAC). "Les adversaires en face sont plus tueurs. Quand il y a une petite erreur, elle est sanctionnée tout de suite", ajoute Arthur Desmas qui a connu la L1 avec Clermont pendant la saison 2021-2022 (15 matches).
*A l'issue d'une saison 2019-2020 tronquée par la crise de la Covid-19 et arrêté prématurément à dix journées de la fin, Amiens avait été relégué en Ligue 2.
Bien défendre ne suffit pas toujours
Arrière-garde la plus imperméable de deuxième division sur l’exercice précédent, et de loin avec seulement 19 buts encaissés, le HAC va devoir conserver cette solidité s’il veut exister dans l’élite du football français. "Avec Arouna qui a prolongé, Gautier (Lloris), Chris (Opéri, suspendu face au MHSC) et Oualid (El Hajjam), on a la chance d’avoir gardé notre base. Avec Yohan et Loïc (Négo) qui nous ont rejoints, on a tout ce qu’il faut pour performer", estime Arthur Desmas, le gardien normand. Toutefois, à la différence de l’étage inférieur, bien défendre ne suffit pas toujours pour préserver ses cages inviolées. "En Ligue 2, si tu fais correctement les choses, il est rare que tu sois mis en danger. Par contre, en Ligue 1, même quand tu fais tout bien, tu peux être sanctionné sur une action qui sort de nulle part, une action individuelle ou une action collective de grande classe", expose Luka Elsner.
Si le promu havrais risque de prendre un but à n’importe quel moment, c’est aussi parce que l’adversité est d’un tout autre calibre. "Il n’y a pas d’équipes qui arrivent sans compétences athlétiques, techniques, tactiques…", énumère l’ancien entraîneur du Standard de Liège. "Même si la Ligue 2 a énormément progressé ces dernières années, la Ligue 1 est beaucoup plus complète à tous les points de vue", rapporte Oualid El Hajjam. "Quand tu affrontes des grosses équipes qui disputent des Coupes d’Europe, tu n’as en face de toi que des joueurs qui sont au top de ce que demande le football aujourd’hui, des internationaux".
L’apprentissage de la Ligue 1, surtout quand on y lutte pour son maintien, requiert également une façon de jouer particulière. "Un peu comme contre Dijon (pour l’officialisation de l’accession lors de la 38e journée), il faut savoir livrer des matches pour les gagner et ne pas voir plus loin", annonce Luka Elsner qui a tiré des leçons de son passage à Amiens. "Il y a une certaine manière d’aborder les rencontres, notamment contre les concurrents directs, que je n’avais peut-être pas à l’époque et que j’ai maintenant. Il ne faut pas être naïf. A la fin, la priorité, c’est que les points soient engrangés". Cependant, le technicien slovène n’entend pas renier totalement l’identité du jeu qui a contribué à la force de son collectif la saison passée (54,6% de possession, le troisième plus important de L2) tout en ajoutant quelques cordes à son arc.
Diversifier sa force de frappe offensive
A commencer par ces fameuses phases de transitions offensives. "Il semble difficile de conserver en Ligue 1 le même taux de possession (à titre indicatif, 42% contre Montpellier). Il faut faire preuve de pragmatisme, sans nous sous-estimer. On doit comprendre ce que sera notre championnat. C’est pourquoi il faut envisager d’autres secteurs où on pourra s’exprimer. Et il est absolument inconcevable cette saison que notre football de transition soit faible", avertit le coach havrais pour qui la capacité d’adaptation de son équipe face à une problématique donnée sera essentielle. "Savoir vite réagir, vite corriger… C’est pour ça qu’on se prépare à régler un maximum de phases de jeu. On ratisse large pour être performant dans beaucoup de domaines".
Dans cette Ligue 1 réduite à 18 clubs avec deux relégations plus un barragiste, le HAC cherchera avant tout à conserver son rang. Pour atteindre cet objectif, Luka Elsner s’appuiera, entre autres, sur des hommes habitués à batailler pour leur survie en première division : Arthur Desmas, Yoann Salmier, Abdoulaye Touré et… Oualid El Hajjam. "Jouer le maintien, c’est une mentalité. Certains ne sont pas assez costauds pour affronter cette situation. Quand tu l’as déjà vécue, tu sais par quel type de moment tu vas passer, tu sais qu’il ne faut pas paniquer dans les périodes dures, tu sais quand il faut accélérer", indique le latéral droit qui va donc pouvoir distiller de précieux conseils à ses coéquipiers. Des conseils qu’ils préfèrent tenir secret. "Vu comment les places sont chères en Ligue 1, ils sont trop précieux. Je vais les garder bien au chaud".
> L1. J2 - Le Havre AC (7e - 1 point) / Brest (3e - 3 points), dimanche 20 août à 15 heures au Stade Océane.
Le HAC paré pour affronter son nouvel environnement
Comme lors du match de la montée contre Dijon, les Havrais vont devoir s'habituer à évoluer devant des stades plein, à domicile... comme à l'extérieur. © Damien Deslandes
Le Nouste Camp, René-Gaillard, Paul-Lignon hier… Le Parc des Princes, le Vélodrome, la Meinau demain. Habitué à évoluer devant des affluences confidentielles lors de ses déplacements en Ligue 2, le HAC s’apprête à changer radicalement de décor. "Jouer dans des grands stades, des stades qui affichent complet, c’est un rêve de gosse", témoigne Oualid El Hajjam qui a déjà gouté à ces ambiances. Ces ambiances pourraient inhiber ceux qui ne sont pas coutumiers du fait. Mais c'est tout le contraire à en croire les « Ciel et Marine ». "C’est boostant", affirme Arthur Desmas. "Quand le stade est plein, que ça chante, on a envie d’aller chercher ce petit truc en plus. On en a besoin".
Cette montée en Ligue 1 est également synonyme d’une plus grande médiatisation. Toutefois, cette multiplication des sollicitations ne semble pas perturber les joueurs de Luka Elsner. "Chez nous, ça reste mesuré", nuance le coach slovène. "Hormis une énorme surprise de notre part (en termes de classement), on ne sera pas tant exposé que ça. Et puis avec la culture d’humilité qui s’est installée chez nous, je pense que la pression ne sera pas trop forte à gérer". Son de cloche identique chez Oualid El Hajjam : "Quand tu n’es pas « une grosse équipe », que tu joues le maintien, tu es moins attendu, on te calcule un peu moins".