"Je crois que c'était en Coupe de France (hésitant), je n'en suis pas sûr". Le dernier match auquel il a assisté dans une enceinte remonte à si loin que Gaëtan ne se souvient pratiquement plus lequel c'était. Pourtant, difficile de faire plus supporter des « Diables Rouges » que le créateur de la page FC Rouen News sur les réseaux sociaux. Comme tous ses homologues de France et de Navarre, cet amoureux du FCR est "privé de sa passion" depuis trois mois et demi et l'entrée en vigueur du deuxième confinement.
Une situation très mal vécue par les principaux intéressés. "On ressent un manque", ne cache pas Anaïs, jeune fan du Stade Malherbe. "C'est très énervant de regarder son propre stade à la TV, surtout quand on habite tout près". "Pour nous, le foot se vit au stade", ajoute Yann, porte-parole de la Fédération des supporters du HAC. Au Havre, ce sentiment est d'autant plus profond que les résultats de l'équipe de Paul Le Guen sont assez éloignés des attentes initiales. "C'est vrai qu'à la fin de certains matches à domicile, on se dit qu'on n'a pas raté grand-chose. Face à Rodez (J17. 1-1, le 22 décembre) et Valenciennes (J19. 0-2, le 8 janvier), on n'aurait pris aucun plaisir et on serait sortis déçus. Si on traversait une grosse saison sportive, la frustration serait plus importante. Il y aurait l'envie de profiter de la dernière ligne droite. On attend ça depuis tellement longtemps. Là, peut-être qu'on se mobilisera pour le maintien (sur un ton ironique)".
Les supporters ont aussi un rôle à tenir dans les stades
Car les « aficionados », que ce soit pour encourager leurs protégés ou pour les houspiller, ont aussi un rôle à tenir dans les enceintes sportives. "C'est vrai que certains nous disent que si on était présents à Océane, ça pourrait un peu secouer les joueurs. Là, ils se trouvent dans une espère de bulle. Après, ils n'ont pas le choix mais cette interaction entre eux et nous n'existe plus, dans les bons comme dans les mauvais moments", regrette Yann. Avec toutes les mesures érigées par le gouvernement pour lutter contre la pandémie de la Covid-19, difficile également de mettre en place des actions autour des rencontres ou des entraînements. "Face à Caen, on voulait accueillir le bus des joueurs mais avec le confinement, c'était impossible".
A Rouen, la punition est même double avec un FCR à l'arrêt forcé à l'exception de la parenthèse Coupe de France ; le N2 qu'il fréquente ne rentrant pas, pour le moment, dans la catégorie des championnats de haut niveau selon la classification du ministère des Sports. "C'est une sanction sportive, une sanction du cœur", peste Gaëtan. "Parfois, le week-end, on se dit qu'il y aurait dû avoir match. Du coup, avec mon fiston, ils nous arrivent de partager d'anciennes vidéos, notamment du parcours en Coupe de France de la saison dernière (où les hommes de David Giguel avaient atteint les 1/16e de finale) afin de revivre des émotions".
Toutefois, cela ne suffit pas à atténuer la colère froide du fondateur du FC Rouen News qui ne comprend pas pourquoi le N1, où évolue le voisin QRM, a, lui, eu le droit de continuer. "Pour moi, il y a zéro différence entre les deux divisions. Les joueurs s'entraînent tous les jours, ils sont sous contrat… Bien qu'on soit les premiers à défendre un football populaire, compte tenu du contexte avec la crise sanitaire, on aurait accepté que la saison se poursuive sans nous. Au moins, tout le monde aurait été logé à la même enseigne".
Privés de leur rituel avant et après le match
Au-delà des rencontres manquées de leur formation favorite, les supporters sont également amputés de leur rituel avant le coup d'envoi et après le coup de sifflet final. "Ce n'est pas seulement le match, c'est aussi le plaisir de se retrouver entre nous, de partager un moment ensemble, de se réunir dans notre bar… Aujourd'hui, tout ça est mis à côté", évoque, avec nostalgie, la Caennaise Anaïs. "Vous savez, le match, c'est un peu la soupape de décompression au terme d'une semaine de travail, une sorte d'exutoire", complète le Havrais Yann. "Et puis après une très mauvaise prestation de votre équipe, le fait de se réunir avec les gens de toutes les assos, de débriefer le match, de parler d'autres sujets, ça aide à avaler la pilule. Là, quand le résultat est mauvais, on est tout seul chez soi avec sa déception sans aucun moyen de l'évacuer".
Sans autorisation de se rendre dans les stades et avec l'arrivée en début de saison d'une nouvelle chaîne retransmettant 80% de la Ligue 2, il est devenu compliqué pour les fans caennais et havrais de suivre les performances de leur club… à moins de recourir à des solutions pirates. "Je ne suis abonné qu'à beIN Sports, quand les matches étaient sur Téléfoot (qui a arrêté d'émettre début février), soit je l'écoute à la radio ou alors je suis les fils d'actus sur Twitter", détaille le porte-parole de la Fédération des supporters du HAC. Avec le récent changement de diffuseur et le passage de la totalité de la Ligue 2 sur beIN Sports, Anaïs, elle, n'a pas hésité à souscrire son abonnement. Elle n'en restera pas moins particulièrement active sur les réseaux sociaux les soirs où le Stade Malherbe se produit. "Ça nous permet de continuer à échanger entre supporters, de garder le contact… Le tout avec une pointe d'humour".
Croient-ils à un retour dans les enceintes sportives d'ici le terme de cet exercice 2020-2021 ? "Oui… un peu", souffle Anaïs, adepte de la méthode Coué. "Peut-être d'ici la fin avril". Son homologue « Ciel et Marine » se montre nettement moins optimiste. "Je ne pense pas que ça sera la priorité du gouvernement surtout qu'on a eu la preuve qu'on pouvait organiser, tant bien que mal, des matches sans supporters". Certes, mais pour tous ceux qui ont assisté à des huis clos, ça n'a assurément pas la même saveur.