Avant la Data, le réseau de Mathieu Bodmer
Data. En évoquant le mercato du HAC, ce terme revient systématiquement chez les supporters, journalistes et observateurs des « Ciel et Marine ». Il faut dire qu’avec la présence de Julien Momont, responsable de toute la partie analyse et spécialiste de la question, dans le staff de Mathieu Bodmer, il en a été énormément question lors de l’intronisation de la nouvelle équipe dirigeante. Et quand on parle de Data, le grand public s’attend à voir débarquer un milieu croate évoluant en D2 danoise, censé devenir une future pépite. On vous l’accorde, on caricature un peu le trait… Mais quand les fans havrais ont découvert l’identité des premières recrues du club doyen, on a senti comme une pointe de déception.
"Il s’est raconté énormément de choses autour de la Data mais je peux vous assurer qu’on va en mettre beaucoup de procédures en place", lance le directeur sportif du HAC. "Mais quand tu arrives le 20 juin, avec une reprise quatre jours plus tard, tu es obligé d’effectuer un mercato « d’urgence ». Il faut aller vite. Et dans ces conditions, tu fais fonctionner ton réseau (ainsi que celui du recruteur Mohamed El Kharraze)". Exemple : Gautier Lloris, Oualid El Hajjam ou encore Quentin Cornette, dans le cadre de sa prolongation, ils partagent tous le point commun d’être d’anciens coéquipiers de Mathieu Bodmer (à Nice pour le premier cité, à Amiens pour les deux autrs).
"Avec ces joueurs, on a passé du temps ensemble dans le vestiaire. Forcément, quand tu les contactes, la relation est différente par rapport à un autre dirigeant qui ne les connaîtrait pas". Surtout que le nouveau patron sportif des « Ciel et Marine » a dû composer, comme son prédécesseur, Paul Le Guen, avec des moyens financiers limités. "Pour tous les joueurs qui sont arrivés, ça nous a coûté 0 €. Pourtant, la plupart étaient sous contrat. Il a fallu réaliser un petit tour de magie pour qu’ils signent chez nous". Des éléments qui se sont tous engagés pour deux années avec une troisième en option en cas de montée en Ligue 1 à l’exception de Yann Kitala (trois ans) et Zakario Diallo (une année + une deuxième en option).
La Data, un outil pour faire (aussi) signer des joueurs
Même si Mathieu Bodmer a pioché abondamment dans son réseau, la Data n’a, bien entendu, pas été absente du recrutement havrais. "Elle a souvent confirmé nos choix initiaux", souligne le directeur sportif du HAC. "Sur Arthur Desmas, on a analysé toute sa saison de Ligue 2 quand il est monté avec Clermont (en 2021) : ses clean sheet, avec quelle défense il jouait, dans quel style de jeu ?", énumère-t-il. Pourtant, son exercice précédent, en L1, fut plus compliqué avec 15 titularisations et un statut de n°1 perdu au profit d’Ouparine Djoco. "Il peut y avoir une question de mental, de concurrence, de différence de jeu entre les deux championnats mais nous, ce qu’on a retenu, c’est qu’il avait été déjà performant en Ligue 2 et qu’il est capable de le reproduire. Et puis, comme je l’ai expliqué à mon président, s’il avait fait 35 matches en Ligue 1 la saison passée, il ne serait pas chez nous". Il est vrai que durant ce mercato, le HAC a attiré beaucoup d'éléments cherchant à relancer leur carrière.
Pour en revenir à cette fameuse Data, elle ne sert pas uniquement à repérer de potentielles futures recrues mais également à les convaincre de les signer. "Avec chaque joueur que l’on souhaite engager, on organise une visio en présence du coach (Luka Elsner). A chaque fois, il y a une présentation du joueur en question réalisée par Julien (Momont)", explique Mathieu Bodmer. Une présentation, aux yeux du DS Havrais, décisive pour obtenir l’accord de l’élément ciblé. "On lui montre comment on veut jouer, quels sont ses points forts, ses points faibles, comment on va le développer pour qu’il franchisse des paliers. Le joueur n’y est pas insensible. Par exemple, j’avais adoré la présentation sur Yann Kitala. Je pense que ça a compté dans son choix. Il était presque étonné qu’on le connaisse aussi bien. On a étudié une trentaine de ses matches".
Comme toutes les recrues du HAC, Yann Kitala a eu droit à un entretien visio où tout son jeu a été décortiqué avant de signer en faveur du club doyen. ©Damien Deslandes
"J’espère que Saël continuera sa progression chez nous, qu’on constituera une rampe de lancement pour sa future carrière"
Après avoir sécurisé de nombreux joueurs issus de La Cavée Verte (Mohamed Koné, Simon Ebonog, Elysée Logbo…), le HAC va devoir se pencher de très près sur le cas de Saël Kumbedi Nséké (17 ans). "C’est vrai que sa situation est un peu compliquée car il est sous simple contrat aspirant (jusqu’en juin 2023)", reconnaît Mathieu Bodmer. Surtout le statut du latéral droit a changé depuis le sacre de l’équipe de France à l’Euro U17, début juin. Une compétition au cours de laquelle il s’est signalé en claquant un doublé en finale.
"Il joue à un poste qui est très recherché. Quand vous regardez les différentes équipes de France, des jeunes jusqu’aux A, il n’y en a pas toujours un". Néanmoins, le directeur sportif se veut confiant sur la suite de ce dossier. "On a une bonne relation avec lui, sa famille, ses conseillers… On va essayer de trouver un terrain d’entente qui satisfasse tout le monde, dans l’intérêt de la progression du garçon, que le joueur soit valorisé à sa juste valeur".
Fernand Mayembo, un départ qui passe mal
Difficile de résister aux sirènes de la Ligue 1. Le HAC en a fait l’expérience avec Fernand Mayembo. Malgré une dernière saison perturbée par les pépins physiques, l’international congolais (26 ans) était devenu depuis deux ans le patron de la défense havraise. Des performances qui ont attiré l’attention de l’AC Ajaccio, promu en première division. "Féfé a été franc avec nous depuis le début. Il nous a expliqué que ça n’avait rien à voir avec nous mais qu’il voulait partir pour découvrir la Ligue 1 ainsi que pour des raisons personnelles", rapporte Mathieu Bodmer.
Des raisons qui s’entendent parfaitement. Pourtant, ce départ est difficile à digérer pour les supporters « Ciel et Marine ». Tout d’abord, en raison de la destination de leur ex-défenseur ; l’ACA étant devenu à leurs yeux « l’ennemi » du club doyen depuis ce triste barrage, un soir de mai 2018. Ensuite, à cause de la faiblesse de l’indemnité de transfert : 300 000 € selon L’Equipe. Il faut dire que Fernand Mayembo avait quasiment été acheté le triple il y a quatre ans à Grenoble (800 000 €). Par ailleurs, le solide arrière central disposait encore de deux années de contrat avec le HAC.
"Par rapport au départ de Féfé (dont le montant n’a pas été confirmé), déjà, il y a d’éventuels bonus qui pourraient s’ajouter. Ensuite, il faut prendre compte que Féfé a souvent été blessé ces dernières saisons. C’est à prendre en compte dans les négociations. Et puis, il était arrivé en 2016, son transfert de l’époque est amorti", estime le DS des « Ciel et Marine ». Une vente que le dirigeant havrais estimait nécessaire pour faire avancer le recrutement. "La situation était bloquée depuis un mois. Il fallait trouver une solution. Ce départ va nous permettre de faire signer deux joueurs". Le premier, Zakaria Diallo, son remplaçant numérique, et le second, ce milieu de terrain étranger, censé apporter de l’impact physique. Il devrait s’engager dans les prochains jours. Par contre, le directeur sportif du club doyen a prévenu que des renforts supplémentaires sont conditionnés à des départs.
Quel avenir pour Amir Richardson et Abdoullah Ba ?
Alors qu’Isaak Touré a été vendu, à un an du terme de son contrat, à Marseille contre 6 M€, auxquels s’ajoutent d’éventuels bonus (une somme qui a contribué à équilibrer les comptes de l’exercice 2021-2022), deux autres espoirs du HAC pourraient faire leurs valises durant ce mercato, Abdoullah Ba et Amir Richardson, respectivement liés à leur club formateur jusqu’en 2023 et 2024. "Je ne doute pas qu’à un moment, on aura des coups de fil car ce sont des garçons talentueux, mais moi, je souhaite garder les deux", ne cache pas Mathieu Bodmer. "Maintenant, est-ce que ça sera possible ? Ça va dépendre des offres, de la volonté des joueurs*".
A l’image de nombreuses « écuries » en France, surtout en deuxième division, Le Havre est partagé entre l’intérêt économique et l’enjeu sportif. "Il ne faut pas se tromper dans le timing, pour nous comme pour eux. Il faut qu’ils partent quand ils sont prêts. Est-ce que parfois, ce n’est pas mieux de faire une saison supplémentaire en Ligue 2, afin de mieux exploser derrière", souligne le directeur sportif. Reste à savoir si les principaux intéressés sont d’accord avec cet avis.
*Nos confrères de Paris-Normandie ont rappelé l’intérêt de Reims pour Amir Richardson qui pourrait se matérialiser par un transfert suivi d’un prêt dans la foulée dans son club formateur.
Selon Paris-Normandie, Amir Richardson pourrait être transféré à Reims (L1) puis prêté dans la foulée au HAC. ©Damien Deslandes
Le mercato du HAC
> Arrivées : Arthur Desmas (Clermont, L1), Gautier Lloris (Auxerre, L2, l), Oualid El Hajjam (Troyes, L1), Djamal Moussadek (Le Mans, N1), Christopher Opéri (La Gantoise, BEL), Yann Kitala (Sochaux, L2), Zakaria Diallo, Yassine Kechta (pc*), Elysée Logbo (pc), Mohamed Koné (pc), Simon Ebonog (pc).
*premier contrat professionnel.
> Départs : Yahia Fofana (Angers, L1, fc), Himad Abdelli (Angers, L1, fc), Alexandre Bonnet (Quevilly-Rouen, L2, fc), Jean-Pascal Fontaine (JS Saint-Pierre, La Réunion, fc), Pierre Gibaud (Versailles, N1, fc), Ayman Ben Mohamed (fc), Fernand Mayembo (AC Ajaccio, L1), Isaak Touré (Marseille, L1), Thierno Baldé (Paris SG, L1, rp), Ismaël Boura (Lens, L1, rp), Matthis Abline (Rennes, L1, rp).