C’est un débat qui enflamme les discussions des amoureux du Stade Malherbe depuis le début de la saison. Qui de Rémy Riou ou de Sullivan Péan doit garder les cages caennaises ? Aux yeux de nombreux supporters « Rouge et Bleu », l’ex-Nantais (34 ans) est un titulaire jugé illégitime. Son expulsion, la saison dernière, contre Dunkerque, à un moment charnière de la course au maintien, n’a pas été pardonnée par certains. En son absence, sa jeune doublure (22 ans) a assuré un intérim remarquable durant les quatre dernières journées, contribuant largement au sauvetage du SMC. Il suffit de se souvenir de sa prestation face à Clermont en clôture du championnat.
Depuis cet épisode, les performances de Rémy Riou sont scrutées de près par les observateurs. Dans l’émission Allô Malherbe, sur France Bleu, il ne se passe pas un lundi sans qu’un auditeur n’évoque la situation du gardien formé à Lyon. C’est en même devenu un running gag. Pourtant, dans l’esprit de Stéphane Moulin, qui lui fait confiance depuis le coup d’envoi cet exercice 2021-2022, ce débat n’a pas lieu d’être. "Rémy fait sa saison", jugeait le coach normand dans une conférence de presse, début février. Lors du même rendez-vous devant les médias, Rémy Riou n’a pas paru perturbé par ces critiques.
"Je vais avoir 20 ans de carrière et j’étais déjà jugé au centre de formation. Je suis jugé tous les jours. Il faut savoir en faire abstraction. La vérité, c’est sur le terrain". Justement, que nous dit le terrain ? Ou tout du moins les statistiques qui en résultent ? Le n°1 du club caennais empêche-t-il plus de buts qu’il n’en cause ? Dans un passé pas si lointain, on utilisait le taux d’arrêt pour juger de la performance d’un gardien par rapport à un autre. Mais cet outil ne semble pas judicieux. En fonction de la distance, de l’angle, de la situation de jeu, tous les tirs ne se valent pas. Ils n’ont pas le même degré de dangerosité. C’est pourquoi l’emploi des expected goals* paraît plus pertinent. Ils permettent de mesurer la probabilité de marquer sur une frappe à partir d’une position, du type de passe, des événements précédents… Le tout, en se basant sur des statistiques historiques. Ainsi, on sait si un portier encaisse plus de buts que de raison.
*Nombre de buts attendus par match au regard du nombre et de la qualité des occasions obtenues.
Selon les expected goals, Rémy Riou 19e gardien de L2 sur 23
Selon les expected goals, Rémy Riou possède en moyenne un écart défavorable de 0,145 but encaissé par match.
Après 31 journées, et en se basant sur ces expected goals, Rémy Riou n’est pas spécialement bien classé. Et pour cause, il avait été récupéré 35 fois le ballon au fond de ses filets pour seulement 30,34 buts attendus, soit un écart défavorable de 4,66 buts (0,145 par match). Parmi les 23 gardiens de Ligue 2 ayant disputés plus de 900’, il se classe 19e.
"Je fais beaucoup d’arrêts cette saison, un peu trop à mon goût. J’aimerais être encore plus décisif. Je suis sur le bon chemin", estimait le principal intéressé avant le déplacement à Nancy, début février. En se basant sur les statistiques, on peut affirmer que :
> oui, Rémy Riou réalise de nombreux arrêts : 2,68/match, le huitième total le plus élevé de L2,
> non, il n’est pas assez décisif car il encaisse trop de buts si l’on se fie aux expected goals
Des affirmations à contextualiser en fonction de la dangerosité des tirs subis.
La matrice ci-dessous permet de juger le degré d’exposition d’un gardien. S’il se situe dans le cadran supérieur droit du graphique, il est très exposé ; c’est-à-dire qu’il subit de nombreux tirs cadrés, très dangereux (par la proximité, la nature de l’action). C’est le cas de Nathan Trott, le portier de Nancy et de la pire défense de Ligue 2. Mais aussi de Per Kristian Bråtveit, l’ultime rempart nîmois. Toutefois, malgré le fait qu’il soit très exposé, le Norvégien a déjà évité 5,08 buts selon les expected goals (voir le premier graphique).
En étant positionné dans le cadran inférieur droit de la matrice, Rémy Riou subit, lui, un nombre de tirs conséquents mais ceux-ci sont considérés moins dangereux que la moyenne. Traduction : il encaisse des buts à faible probabilité d’être marqués. Cela s’explique par le nombre important de réalisations concédées depuis l’extérieur de la surface : huit, soit le troisième total le plus élevé de Ligue 2. Néanmoins, sans pointer la responsabilité ou non de Rémy Riou, il faut reconnaître que le gardien caennais possède le don d’encaisser des buts venus d’ailleurs à l’image de celui du Toulousain Rafael Ratao (J28. 4-1, le 12 mars).
Mais en regardant les buts encaissés en dehors des 16,50 mètres par Rémy Riou, un doute s’empare de nous concernant la qualité de ses interventions. Est-il trop avancé ? Possède-t-il un sens de l’anticipation assez développé ? Lit-il suffisamment bien les trajectoires ? A-t-il assez de réflexe ? De détente ? Une fois qu’on a posé toutes ces questions, reste la plus importante pour revenir à l’origine du débat évoqué au début de cet article, Sullivan Péan est-il capable de faire mieux ? Cette fin de saison pourrait nous livrer de précieux indices.
> L2. J36 - Guingamp (7e - 49 points) / SM Caen (8e - 47 points), samedi 30 avril à 19 heures au Stade de Roudourou.