Sa relation avec ses dirigeants
"La sérénité que vous évoquez, elle n’est pas seulement de ma responsabilité"
Après une saison précédente pénible marquée par un maintien in-extremis avant l’arrêt définitif des compétitions à la mi-mars ; la faute à la Covid-19, la sérénité semble être revenue du côté de Quevilly-Rouen. Difficile de ne pas établir un lien de cause à effet avec la présence de Bruno Irles. Pourtant, l’intéressé s’en défend. "Cette sérénité que vous évoquez, elle n’est pas seulement de ma responsabilité, c’est celle de l’ensemble du club. Elle existait bien avant qu’on arrive avec les nouveaux joueurs. Les infrastructures étaient déjà en place. Cette base, cette assise est très importante", estime l’entraîneur de QRM se lançant dans une comparaison avec son ancien port d’attache. "A Pau, ma relation avec mes dirigeants était parfois un peu bizarre. Ça ne leur convenait pas quand on faisait un match nul alors qu’on était premier. Ici, lors de la première journée, on s’incline contre Boulogne. Ma direction et mon président (Michel Mallet) sont venus me voir pour me dire de ne pas m’inquiéter. « Ça va venir, continuez à travailler, vous avez notre confiance ». C’est pour ça quand on parle de calme dans le club, je confirme que ce sont plus eux qui le transmettent que moi".
Entre ses dirigeants et lui, une confiance réciproque règne. En témoigne, la gestion du mercato à l’été 2020. "J’ai émis des idées. Encore faut-il qu’elles soient validées derrière. Ce n’est pas moi qui sort l’argent. A notre niveau aussi, on rencontre des difficultés financières. Si pour x raisons, ma direction me dit : « Ce n’est pas tel joueur qui signe mais un autre », c’est tout de suite plus compliqué". Mais le président Michel Mallet a tenu ses engagements formulés, début juin, lors de leur première entrevue. "Et pourtant depuis, Mediapro a coulé et la pandémie est repartie (privant les clubs d'une partie de leurs recettes hospitalité et billetterie)", rappelle Bruno Irles.
Sa vision du National 1
"Contrairement à la Ligue 1, l’avant-dernier budget peut être champion"
Bruno Irles l’avoue, avant de prendre en main la destinée de Pau en janvier 2019, il n’était pas spécialement familiarisé avec le National 1. Y exerçant maintenant depuis pratiquement deux ans et demi, le consultant pour le Late Football Club sur Canal + le maîtrise désormais sur le bout des doigts. "C’est un championnat passionnant. Contrairement à la Ligue 1, l’avant-dernier budget peut être champion", lâche celui qui a réussi ce tour de force avec Pau. "Au-delà de l’aspect du jeu, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte et nivellent l’écart avec les grosses cylindrées budgétaires : la dynamique sur le plan humain, les conditions de transport, la différence de qualité des pelouses…". Pour le technicien seinomarin, cette troisième division française est également hyper-formatrice pour les jeunes entraîneurs comme lui. "Tu dois toucher à plein de domaines : au terrain bien entendu mais aussi à la vidéo, à la préparation physique…".
Des inspirations multiples
"Dans mes séances, vous pouvez retrouver un exercice de Newell’s comme un autre de l’Ajax"
Durant sa carrière de joueur, Bruno Irles a côtoyé, que ce soit à Monaco (le seul club qu’il ait connu) ou en équipe de France espoirs, de nombreux techniciens de renom : Jean Tigana, Claude Puel, Raymond Domenech… "Ils m’ont frappé dans des domaines différents. J‘ai picoré un peu dans chacun d’entre eux", explique-t-il. "Jean Tigana, son gros point fort résidait dans son management de groupe. Il parvenait à faire en sorte que tout le monde reste concerné. Claude Puel, c’est son professionnalisme. On ne pouvait rien lui reprocher. Du coup, il ne laissait rien passer. Chez Raymond Domenech, j’ai beaucoup aimé sa volonté de responsabiliser les joueurs", énumère l’ex-défenseur central qui fut également membre du staff élargi de Didier Deschamps au milieu des années 2000. "Ce sont ses causeries qui m’ont marqué. Il possède une faculté à motiver ses joueurs". L’actuel coach des « Rouge et Jaune » n’oublie pas non plus ses formateurs en Principauté : "Pierre Tournier, Paul Pietri" ni ses premiers éducateurs dans son "petit club de Mably (Loire), en U12-U13 qui m’ont apporté ce côté humain, presque paternel".
Ayant dû raccrocher prématurément ses crampons à cause d’une blessure, Bruno Irles, avant de se lancer dans le métier d’entraîneur, s’est livré à un important travail d’observation en rendant visite à ses ex-coéquipiers dans leur nouveau club. "Thierry Henry et Eric Abidal m’ont ouvert les portes du FC Barcelone, à deux reprises. Je suis aussi allé voir Willy Sagnol au Bayern Munich, Flavio Roma au Milan AC, Lucas Bernardi au Newell’s Old Boys et Marcelo Gallardo à River Plate en Argentine ainsi que Dado Prso à l’Hajduk Split et au Dynamo Zagreb (en Croatie)". Autant de voyages qui l’ont façonné. "Si vous assistez à mes séances, vous pouvez y retrouver un exercice de Newell’s, un autre de l’Ajax Amsterdam que j’ai visité également. Mes joueurs ne le savent pas forcément". Des plongées en immersion dans les plus grandes écuries mondiales que l’ancien palois entend bien poursuivre. "Je continue car le foot se renouvelle de manière perpétuelle. Celui pratiqué à la fin de ma carrière de joueur (en 2001) n’a plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui".
Lancé par Arsène Wenger… contre Caen !
Parmi la liste des prestigieux entraîneurs que Bruno Irles a côtoyé durant sa carrière de joueur figure également Arsène Wenger. C’est d’ailleurs l’emblématique coach d’Arsenal qui l’a lancé dans le grand bain, le 12 août 1994, au Stade Michel-d’Ornano à l’occasion d’un SMC - Monaco (0-1). "C’est un excellent souvenir. A l’époque, on n’était que 13 sur la feuille de match. La rencontre avait été diffusée sur Canal +. J’adore ce stade fermé comme le Parc des Princes ou La Meinau à Strasbourg", se remémore le coach de QRM qui avait remplacé un ancien caennais à dix minutes de la fin en la personne de Franck Dumas.
"Je rentre au milieu de terrain. A Malherbe, il y avait un grand blond (le Suédois Kennet Andersson). Arsène m’avait donné pour consigne de le prendre au marquage. « Lui, je ne veux plus le voir », m’avait-il lancé", raconte Bruno Irles qui n’a évolué que peu de temps sous les ordres de l’Alsacien. "Il s’est fait virer en octobre de la même année. Peut-être que c’est à cause moi (rire)".
Ses expériences à Arles-Avignon et au Sheriff Tiraspol
"Je suis capable de donner des consignes en Russe"
S’il rencontre, actuellement, le succès à la tête de QRM après l’avoir déjà vécu à Pau pendant un an et demi, Bruno Irles a connu des aventures plus contrastées à ses débuts que ce soit comme adjoint à Arles-Avignon (2014-2015, en Ligue 2) ou en tant que n°1 avec Sheriff Tiraspol (juin-octobre 2016). "Je tire toujours le positif de toutes mes expériences", positive le coach. "Par exemple, je suis capable de donner des consignes en russe (la langue officielle dans cette ville moldave où l’on retrouve encore de nombreux symboles de l’ancienne Union soviétique). Au départ, je ne le faisais qu’en anglais mais certains jeunes ne comprenaient pas".
Son avenir
"Si on monte, il n’y a pas de raison que je ne sois pas à QRM la saison prochaine"
Alors que Quevilly-Rouen est leader au soir de la 25e journée (avec deux points d'avance sur Bastia qui compte un match de retard), Bruno Irles, après Pau en 2020, pourrait réaliser l’exploit de faire accéder deux équipes différentes à la Ligue 2 en deux ans ! De quoi peut-être susciter des convoitises. "Si on monte, il n’y a pas de raison que je ne sois pas à QRM la saison prochaine", assure-t-il alors qu’il dispose d’une option de deux années supplémentaires dans ce cas de figure. "Quand je signe dans un club, j’ai envie de grandir avec lui. D’ailleurs, si les conditions avaient été réunies, je serais resté à Pau*. Je ne voulais pas m’échapper comme ça". De toute façon, l’intéressé ne croit pas à une proposition qui tomberait du ciel. "Je sais qu’on ne va pas m’offrir Monaco. Quand j’étais joueur, on ne m’a pas tout apporté sur un plateau. Mais je ne me suis pas fixé de limites. Et j’ai eu la chance d’être champion de France (avec Monaco, en 1997 et 2000) et de toucher à la Ligue des Champions. Ça sera pareil pour ma carrière d’entraîneur. Je la construirai étape par étape. Peut-être que ça m’amènera un jour en Ligue 2, en Ligue 1, pourquoi pas en Ligue des Champions".
*Lors de sa conférence de presse de présentation à QRM, début juillet, Bruno Irles avait indiqué ne plus partager la même vision sportive que ses dirigeants à Pau.
"Il y a beaucoup d’intensité dans ce que je demande, une grosse débauche d’énergie pour mes joueurs ainsi que pour nos adversaires"
Avec 41 buts inscrits en 25 matches de championnat, QRM dispose de la deuxième meilleure attaque de N1 derrière le Sporting Club de Bastia (41 réalisations en 24 sorties). "Ce que vous voyez cette saison avec QRM, c’est ce que j’estime être les bases de ce qui est efficace en National, qui sied à ce niveau et aux joueurs que j’ai à disposition", annonce Bruno Irles dont l’équipe s’est spécialisée dans les attaques rapides. Toutefois, en cas d’accession à l’étage supérieur, le coach seinomarin est parfaitement conscient qu’il faudra élargir cette palette. "Si vous ne faites que ça en Ligue 2, ça ne suffira pas. Si on a la chance de monter d’un cran, je sais déjà qu’il faudra ajouter des éléments comme la possession".
Emmené notamment par Andrew Jung, le meilleur buteur de N1 avec 21 réalisations (soit dix de plus que son dauphin), le QRM de Bruno Irles s'appuie sur la deuxième attaque la plus prolifique du championnat. ©Damien Deslandes