La dernière fois qu'elle s'est exprimée, Alizée Leroty était proche de tirer un trait sur le football. Au mois d'avril, à quelques semaines de la fin d'une saison compliquée marquée par une blessure aux adducteurs, le plaisir n'y était plus. Les buts, non plus. L'attaquante malherbiste trouvait refuge raquette à la main, sur les terrains de padel. "C'était mon moyen de m'évader mais finalement, ça m'a desservi pour le foot, je n'étais plus performante", analyse, avec du recul, l'ex-meilleure goleador des « Rouge et Bleu ». Eloignée du rectangle vert pendant la trêve estivale, Alizée Leroty a eu le temps de réfléchir à son avenir. La passion pour le ballon rond qui lui colle au pied depuis 16 ans est revenue au galop. Elle n'était définitivement pas prête à raccrocher les crampons.
La n°9 du SMC s'investit pendant toute la préparation, afin d'attaquer une deuxième saison en D3. "Après l'été, j'avais l'impression de ne pas avoir terminé ma carrière footballistique. Je voulais me laisser un an pour me redonner confiance", explique-t-elle. "Je ne voulais pas finir sur une mauvaise note". Poussée par les copines, elle retrouve goût au foot. La confiance, elle l'a aussi retrouvée grâce aux discussions avec sa coach, Chloé Charlot, décidée à compter encore sur elle pour le projet caennais. Alizée Leroty reste deux mois, ne fait plus du padel une priorité, mais la machine s'enraye vite. En septembre, la joueuse quitte la maison « Rouge et Bleu » par la petite porte, pour des raisons extra-sportives. Il faut alors chercher sur un autre club, et si possible dans la région.
"je voulais me laisser un an pour me redonner confiance. Je ne voulais pas finir sur une mauvaise note"
Alizée Leroty jette son dévolu sur une « écurie » à 1 H 30 de la maison. Elle trouve un point de chute chez le plus grand rival du Stade Malherbe : Quevilly-Rouen Métropole. Il faut dire que le club seinomarin cherchait à la recruter depuis deux ans. Pour la Manchoise de 23 ans, c'était le bon moment de quitter le cocon. "J'ai pris les devants en appelant de moi-même le coach (Youcef Chekkal). J'ai fait un entraînement d'essai et cinq jours après ma licence était faite". Comme souvent chez elle, sa décision a été expéditive. Pas le temps de tergiverser pour organiser sa nouvelle vie. Il faut prévoir en un temps record son déménagement de Caen à Rouen. Cela ne fait que deux semaines qu'elle vit au quotidien dans l'autre ville aux 100 clochers, ce qui a impacté le sportif en début de saison. "J'ai loupé quelques entraînements à cause de mon changement de vie et les allers-retours pour le déménagement. Je ne pouvais pas être à 100% au foot". Depuis sa signature chez les « Jaune et Rouge », l'attaquante ne compte que deux titularisations en championnat, dont un match complet.
Morgane Hauvet, sa meilleure amie, sera au marquage !
Plutôt dévergondée que timide, Alizée Leroty n'a éprouvé aucune difficulté à s'intégrer dans ce nouveau collectif. Elle admet tout de même être arrivée sur la pointe des pieds. "J'appréhendais un peu car il y a toujours eu une rivalité et des accrochages entre Malherbe et QRM", rappelle-t-elle. "J'avais peur des a priori. Au début, je restais un peu dans mon coin mais je suis vite redevenue moi-même, c'est-à-dire un peu fofolle". Le staff et le groupe quevillais ont rapidement découvert le personnage. Une jeune fille affirmée, sensiblement drôle, qui n'a pas froid aux yeux. "C'est une femme attachante avec une super mentalité", souligne son nouvel entraîneur, Youcef Chekkal. Le changement de couleurs a aussi été un moment très particulier pour celle qui a toujours porté le n°9 à Caen. "Pendant sept ans, j'ai vécu des moments forts avec le Stade Malherbe", lance-t-elle, la voix tremblotante. Deux montées, un 1/32e de finale de Coupe de France, des stages de début et fin de saison mémorables, la boîte à souvenirs sous les couleurs « Rouge et Bleu » est bien remplie. A elle de s'en créer désormais une sous le maillot « Rouge et Jaune ».
"C'est particulier d'affronter des joueuses que je connais par cœur. mais elles aussi me connaissent bien. Ça fait 1-1, balle au centre"
"Au début, quand tu portes le maillot, c'est bizarre. J'avais l'impression que ce n'était pas moi, car d'habitude ces couleurs, je les vois sur les autres", plaisante-t-elle. Ce dimanche, il ne sera pas question de confondre les couleurs, alors qu'elle affrontera son ancien club. Ce derby est coché dans son calendrier depuis son départ il y a trois mois. Non seulement Alizée Leroty s'apprête à retrouver son ancien club, mais aussi ses ex-coéquipières, avec qui elle noue des liens forts. "C'est particulier d'affronter des joueuses que je connais par cœur. Mais elles aussi me connaissent bien. Ça fait 1-1, balle au centre". A la pointe de l'attaque de QRM, Alizée Leroty sera même marquée à la culotte par une certaine Morgane Hauvet, capitaine malherbiste qui n'est autre que... sa meilleure amie ! "Ça va me faire bizarre. Je vais aller voir les filles avant le match pour leur faire un petit bisou mais sur le terrain, il n'y a plus de copines", glisse-t-elle, bien décidée à remporter ce derby électrique.
Mais il ne faut pas faire le match dans sa tête avant de le jouer. Dimanche, la gestion des émotions sera prépondérante au moment d'aborder la rencontre, d'autant plus qu'une vingtaine de personnes est du déplacement pour la voir jouer sous son nouveau maillot. Tête dure, Alizée Leroty semble prête. Elle a hâte d'en découdre. "Ce sera un match intense avec beaucoup d'engagements des deux côtés. Chacune des deux équipes va vouloir décrocher les trois points pour se relancer", estime-t-elle. QRM pointe à la 10e place, le SMC est juste derrière en avant-dernière position. En cas de victoire des Quevillaises, les Caennaises accuseraient quatre longueurs de retard de leurs homologues normandes. D'expérience, la nouvelle attaquante sait que QRM est favori. "QRM a souvent gagné contre Malherbe. Si on perd, je porte la poisse, je serais le chat noir !". La dernière confrontation entre les deux équipes en témoigne. C'était le 16 juin. Assuré de monter en D3 pour la première fois de son histoire, Quevilly-Rouen l'avait emporté 3-2 en finale de la Coupe de Normandie, malgré un but d'Alizée Leroty dans le camp caennais. Hasard ou non, c'est face aux « Rouge et Jaune » qu'elle a inscrit son dernier but. Elle espère relancer la machine ce week-end. "Ce serait symbolique et une fierté personnelle de rouvrir mon compteur face à Malherbe". A elle de prouver qu'elle a pris la bonne décision.
> Division 3 Féminine. J8 - Quevilly-Rouen Métropole (10e - 6 points) / SM Caen (11e - 5 points), dimanche 8 décembre à 14 H 30 au Stade Amable-Lozai.
Léa QUINIO
Sortir de la zone rouge avant les fêtes de Noël
Candidate à titiller le Top 6 de sa poule, Quevilly-Rouen Métropole ne s'attendait pas à traverser une période aussi compliquée en cette fin d'année. Malgré un départ tonitruant pour ses premiers pas en D3, le club seinomarin, promu dans cette division, a vite été confronté à la réalité d'un niveau bien au-dessus de la R1. Pas épargné par les blessures (sept joueuses sur le flanc depuis septembre), QRM n'a pas gagné en championnat depuis le 6 octobre et une victoire face à Brest (3-2). De plus, sa défense montre de sérieux signes de fébrilité avec huit buts concédés sur ses trois dernières sorties.
"Le contenu est bon mais on n'a pas les résultats escomptés. Il faut être plus efficace dans les zones de vérité", appuie le coach, Youcef Chekkal. Seule la Coupe de France a remis les têtes à l'endroit. Le week-end dernier, Alizée Leroty et ses partenaires ont arraché leur ticket pour le 2e tour au bout du suspense et des tirs au but aux dépens de Sarcelles (D3). "La qualification a fait du bien au moral. Ça ressoude les troupes", poursuit l'entraîneur, dont l'équipe affrontera Amiens (R1) le week-end des 14-15 décembre. Mais avant les fêtes, les « Rouge et Jaunes » affronteront surtout deux adversaires directs dans la lutte pour le maintien en championnat : après Caen, c'est Saint-Denis (7e) qui se présentera. Objectif : "Six points obligatoires pour se sortir de la zone rouge !" QRM ne pourra pas espérer un plus beau cadeau de Noël.