"Il faut remettre l'église au milieu du village". Son intervention lors de la campagne pour les municipales, le 18 juin, n'avait pas échappé aux fans des « Diables Rouges ». Autant dire qu'une fois élu, il était attendu au tournant. Et celui qui est aussi devenu entre-temps le président de la Métropole a assumé. Présent à l'assemblée générale des Culs Rouges (une fédération regroupant tous les amoureux du FCR), à la mi-septembre, une première pour un Maire en place, Nicolas Mayer-Rossignol (NMR) s'est longuement épanché sur la différence de traitement, à ses yeux comme à ceux des supporters rouennais, entre les deux clubs de l'agglomération : le FCR et QRM, "sans esprit de polémique".
"Je ne suis pas là pour enfoncer un clou sur le cercueil de mandatures précédentes ni pour casser du sucre. C'est toujours facile de critiquer de l'extérieur. C'est comme être sélectionneur, ça paraît toujours simple de retenir tel ou tel joueur mais quand on est en place, c'est un peu moins évident", a rappelé en préambule celui qui fut un temps le plus jeune homme politique à la tête d'une Région (la Haute-Normandie, entre octobre 2013 et décembre 2015). Mais une fois les « politesses » d'usage passées, NMR n'a pas mâché ses mots.
"D'une certaine façon, je trouve que le FCR et ses supporters ont été humiliés. Tout d'abord par la symbolique, dans l'utilisation de son équipement historique : Diochon, des vestiaires, des terrains d'entraînement, dans son logo, ses couleurs…", a lancé le nouveau Maire de Rouen prenant l'exemple de l'appellation même de Quevilly-Rouen. "Encore une fois, c'est facile de le dire a posteriori, mais à mon avis, avoir placé Quevilly en premier et non Rouen était une erreur de nature à mettre en péril ce projet(1). Peut-être que la volonté était louable au départ mais c'est un échec. Il faut en tirer les conséquences. Le territoire a clairement manqué quelque chose". Afin de "réparer" cette erreur, Nicolas Mayer-Rossignol propose de travailler avec le club du président Fabrice Tardy et les associations de supporters. "Quand on vient à Diochon, qu'on habite Singapour, Bamako ou Petit-Quevilly, on doit savoir que le club de Rouen, c'est le FCR ! C'est une évidence".
12 000 € pour le FCR, 800 000 pour QRM
Mais la "symbolique" n'est pas le seul secteur dans lequel les deux clubs ne sont pas traités sur un pied d'égalité comme le rapporte le premier élu de la cité aux 100 clochers. "Il faut un rééquilibrage progressif en termes de financement". Selon les chiffres avancés par NMR, tandis que le FCR perçoit 12 000 € de la Métropole (et 80 000 € de la Ville), QRM en touche… 800 000 (sur un budget tournant autour des 2,3 M€) ! Une somme qui serait divisée équitablement en deux parties entre une subvention et des prestations de visibilité, de communication, la location de loges… A une époque pas si lointaine, cette différence a pu se justifier par les niveaux respectifs dans lesquels évoluaient les deux équipes (en 2017-2018, les « Jaune et Rouge » étaient pensionnaires de L2 alors que les « Diables Rouges » fréquentaient le N3), aujourd'hui, cet argument n'est plus valable, ou presque ; une seule division les séparant.
De toute façon, pour le président de l'agglomération rouennaise, les performances sportives ne doivent pas être uniquement prises en compte au moment de distribuer l'argent public. "On sait tous que dans ce domaine, ça va, ça vient. Ce qui me gène dans notre politique sportive, c'est que le passé des clubs n'apparaît nulle part dans nos critères de subventions. Pour moi, on n'a pas porté assez attention à ce que représente le FCR, à son histoire(2), au lien humain".
Référence non dissimulée aux milliers de fans qui se massent à Diochon pour encourager leurs protégés, qu'ils défient une écurie de Ligue 1 en Coupe de France ou pour un modeste match de DH quelques années en arrière. Au FCR, la passion n'a pas de niveau. En se basant sur ces critères, Nicolas Mayer-Rossignol va proposer aux élus "une augmentation très forte du soutien de la Métropole au FCR". "Je pense que c'est nécessaire. J'essaye de faire ce qui me semble juste pour le territoire. Je ne fais pas ça pour me faire applaudir. Je ne suis pas candidat à une élection". Quelque chose nous dit que si ce discours est suivi de faits, Monsieur le Maire obtiendra, dans tous les cas, le vote des sympathisants des « Diables Rouges » si l'idée lui venait de se représenter dans six ans.
(1)Né du rapprochement entre l'US Quevilly et le FCR en 2015 sans que les deux entités ne fusionnent, QRM devait favoriser l'émergence d'un club professionnel dans l'agglomération rouennaise. S'il a atteint la Ligue 2 en 2017 (avant d'être rétrogradé en N1 une saison plus tard), ce « nouveau club » n'a jamais bénéficié du soutien des supporters des « Diables Rouges ». Bien au contraire. Ils ont violemment rejeté ce projet soutenu par les hommes politiques en place à l'époque. En décembre 2017, après deux ans d'une histoire tumultueuse, les licenciés ont voté en faveur du désengagement de leur club.
(2)Le FC Rouen a évolué pendant 19 saisons en D1 (principalement dans les années 1930, 1960 et 1980) et 36 en D2 (la dernière fois en 2003-2004). Quatrièmes du championnat de France à quatre reprises (1937, 1938, 1961 et 1969), les « Diables Rouges » ont participé à la Coupe des Villes de foire durant l'exercice 1969-1970 (l'ancêtre de la Ligue Europa). Après avoir éliminé les Néerlandais du FC Twente et les Belges de Charleroi, le FCR avait été éliminé en 1/8e de finale par les Anglais d'Arsenal (0-0, 0-1).
Des droits TV pour QRM et le championnat de N1 ?
Dans le cadre de l'augmentation des droits TV L1-L2, chacun des 18 club de National 1 dont QRM devrait percevoir, au moins, 250 000 € cette saison. ©Damien Deslandes
Si le FCR devrait voir la subvention qu'il touche de la Métropole sensiblement augmentée dans un avenir à moyen terme, Nicolas Mayer-Rossignol n'oublie pas, pour autant, QRM. Sur le partage du Stade Robert-Diochon, dont la gestion est une compétence métropolitaine, le président s'est montré clair. "A la question de savoir si on peut virer QRM de Diochon (la convention actuelle entre les deux parties prend fin en 2021), la réponse est non". Idem sur le plan financier. "N'allez pas tirer comme conclusion que QRM va passer de 800 000 € à zéro", prévient NRM. "Qu'on aime ou pas, QRM évolue à un certain niveau (N1)". "Je n'ai pas entendu que nos subventions allaient baisser", se veut rassurant Michel Mallet, le président d'un QRM dont le salut, à moyen terme, semble passer par un retour en Ligue 2. A l'initiative de la mairie, un rendez-vous entre les deux parties était d'ailleurs prévu courant novembre (fixé avant la mise en place du reconfinement).
Des dirigeants normands, comme leurs 17 homologues de N1, qui espèrent bien percevoir des droits TV. Dans le cadre de l'augmentation globale des droits de la L1-L2 sur le marché français pour la période 2020-2024 (1,153 milliard d'euros par saison), la Ligue 2 a obtenu un déplafonnement de son enveloppe pour atteindre 135 M€ (contre 110 précédemment) dont cinq millions alloués à la troisième division. Selon différentes clés de répartition, chaque club percevrait 250 000 €. Une somme de 500 000 € serait également partagée entre Bourg-en-Bresse, le Red Star et... QRM. Un « bonus » censé compenser des aides de la Fédération auxquelles ces trois clubs sous statut professionnel ne peuvent prétendre, contrairement aux 13 pensionnaires de ce championnat qui y évoluent sous la bannière amateur. Reste à savoir si, avec les difficultés rencontrées par le diffuseur Mediapro(2), le N1 touchera bien sa part ?
(1)Relégués de cette saison, Le Mans et Orléans bénéficient d'une aide spécifique autour des 700 000 €.
(2)Alors qu'il n'a pas honoré à la date du 5 octobre une traite de 172 M€, Mediapro a indiqué vouloir renégocier le contrat des droits TV pour cette saison 2020-2021. Pour rappel, le groupe sino-espagnol, via sa chaîne Téléfoot qu'elle a spécialement lancé pour l'occasion, diffuse à chaque journée huit des dix affiches de Ligue 1 et de Ligue 2 contre un chèque de 814 M€ annuel et ce, jusqu'en 2024. Mais pour Jaume Roures, le contexte économique a changé à cause de la Covid-19. Les abonnements de Téléfoot tardant à décoller, le patron de Mediapro demande une baisse de la facture.