Son parcours
"Mes bras et mes pieds étaient tellement gelés que je ne pouvais pas même pas me doucher"
Si, aujourd’hui, Gustavo Sangaré est considéré comme l’un des milieux les plus prometteurs de Ligue 2, son parcours n’a en rien ressemblé à un long fleuve tranquille. Formé au sein de l’une des plus importantes académies de son pays, le FC Salitas, dirigée par l’ancien international burkinabé Boureima Maïga ; "Un grand monsieur que je remercie beaucoup. C’est comme un père pour moi", le natif de Bobo-Dioulasso* a essuyé plusieurs refus pour venir en Europe. "En 2016, j’aurais dû signer en Belgique mais ça ne s’est pas fait. J’y suis retourné un an plus tard sans que ça ne se concrétise de nouveau", rembobine l’actuel n°17 des « Rouge et Jaune ». C’est finalement dans le sud de la France, en Occitanie, qu’il atterrit sans se douter qu’il est loin d’être au bout de ses déconvenues.
"Avec mon oncle, Atanhase, qui m’a énormément aidé, je vais à Sète. Mais une fois arrivé sur place, on nous a refusé l’entrée, on nous a dit que l’effectif était complet, on n’a même pas pu parler avec un dirigeant". Gustavo Sangaré doit parcourir 10 km de plus pour qu’on lui donne sa chance : à Frontignan où il fait la rencontre des deux coaches Aurélien Cathala et Fabien Allix. "Ils m’ont motivé, ils m’ont accordé leur confiance", les remercie encore le Normand d’adoption. Après six mois dans ce club de R1, le futur international burkinabé, via un membre de sa famille, pose ses valises à QRM en janvier 2018 dans l’anonymat le plus total.
Dans un premier temps, il évolue avec la réserve (N3). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’adaptation (surtout climatique) fut rude. "Je n’étais pas habitué au froid. Sur le terrain, mes bras et mes pieds étaient tellement gelés que je ne pouvais pas même pas me doucher en rentrant aux vestiaires". Pourtant, André Auzoux, en charge de la « B » de Quevilly-Rouen à l’époque, a immédiatement été frappé par le potentiel du garçon. "Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu un jeune de cette qualité. Technique, impact dans les duels, capacité à se projeter, Gustavo avait déjà beaucoup d’atouts. Il avait aussi une belle frappe du gauche. Je me souviens encore de son but des 25 mètres contre Gonfreville. En plus, il était gentil, bien éduqué, très à l’écoute", énumère un éducateur sous le charme.
*Bobo-Dioulasso est la capitale économique du Burkina Faso et la deuxième ville la plus peuplée du pays (500 000 habitants) derrière la capitale Ouagadougou.
Sa rencontre avec Bruno Irles
"M. Bruno Irles m’a tout appris"
"La première image de Gustavo dont je me souviens, c’est quand QRM a joué à Pau que j’entraînais à l’époque (le 15 mars 2009). J’ai vu un petit gringalet rentré au milieu de terrain avec le n°34". Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. D’ailleurs, le gaucher a immédiatement tapé dans l’œil de Bruno Irles. "Sa détermination m’avait plu. Il était aussi dur dans les contacts et n’hésitait pas à prendre des risques dans ses projections". Tombé sous le charme de l’ex-pensionnaire du FC Salitas, le technicien tente même de le rapatrier dans le Béarn au mercato suivant. "Je me suis renseigné pour le faire venir dans mon effectif mais ça n’avait pas été possible". Autant dire que le coach n’a pas caché sa satisfaction de le retrouver quand il s’est engagé avec Quevilly-Rouen à l’été 2019. "J’avais prévenu le président (Michel Mallet), sa présence dans le groupe étant non-négociable". Bien qu’entre-temps, le principal intéressé n’ait pas confirmé ses débuts encourageants (seulement 11 apparitions pour cinq titularisations en N1 durant l’exercice 2019-2020).
S’il a été lancé dans le grand bain par Manu Da Costa, c’est sous la direction du nouvel entraîneur de Troyes (L1) que Gustavo Sangaré a pris son envol. "M. Bruno Irles m’a tout appris", se montre reconnaissant le n°17 des « Rouge et Jaune ». "Comme il est arrivé tard au haut niveau, qu’il n’est pas passé par un centre, il manquait à Gustavo toutes les gammes techniques et tactiques de la préformation à la française. C’est le travail que j’ai effectué avec lui", expose l’ancien coach de QRM. Une version partagée par le Burkinabé. "Quand j’ai rejoint l’Europe, c’était un tout autre niveau. Tactiquement, je n’étais pas au point. Je ne maîtrisais rien".
Sa découverte de la sélection
"Aujourd’hui, grâce à Dieu, je suis à un pas de réaliser mon rêve de disputer une CAN"
Les performances de Gustavo Sangaré n’ont pas échappé à Kamou Malo, le patron des « Etalons », le surnom des joueurs burkinabés. A l’issue de l’exercice 2020-2021 qui a vu QRM être promu en Ligue 2, le gaucher a été convoqué pour la première fois en équipe nationale à l’occasion de deux matches amicaux en juin. "Je voulais défendre les couleurs de mon pays", clame celui qui a retrouvé sous le maillot burkinabé son idole de jeunesse : l’ex-Lorientais Alain Traoré. "Ses sélections contribuent à sa progression. Il a pris une autre dimension", assure Bruno Irles. Remplaçant contre la Côte d’Ivoire, Gustavo Sangaré a fêté son baptême du feu face au Maroc. Depuis, il n’a plus quitté le onze de départ. "De toute façon, il n’était pas question d’aller en sélection si je n’étais pas prêt ou si c’était pour m’asseoir sur le banc. Moi, je veux aider l’équipe".
Avec son insatiable milieu de terrain, passeur décisif contre le Niger en septembre, le Burkina Faso a manqué de peu un gros coup, devancé seulement de deux points par l’Algérie dans la course aux barrages qualificatifs à la Coupe du Monde 2022. A défaut de Mondial, la Coupe d’Afrique des Nations (9 janvier - 6 février) constitue un parfait terrain d'expression pour le gamin de Bobo-Dioulasso, premier buteur de la compétition contre le pays hôte, le Cameroun. "Depuis tout petit, je rêve de participer à une grande compétition comme la CAN. Aujourd’hui, grâce à Dieu, je suis à un pas de le réaliser", n’en revient pas Gustavo Sangaré dont le pays a été finaliste en 2013. "Mais mon rêve ultime, c’est de remporter la CAN. Je pense qu’on en a les moyens".
Sa marge de progression
"Je ne cherche pas à brûler les étapes"
Passé par le monde amateur, arrivé sur le tard dans le milieu « pro », portant le maillot d’un club normand, le parcours de Gustavo Sangaré n’est pas sans rappeler celui d’un autre « petit bonhomme », l’ex-joueur du Stade Malherbe : N’Golo Kanté. Toutefois, Bruno Irles réfute cette comparaison… pour le moment. "C’est difficile de se projeter sur Gustavo même si je crois qu’il n’a pas atteint son plafond", estime l’ex-entraîneur de QRM. Milieu de terrain box-to-box, capable de récupérer des ballons et de se projeter vers l’avant, le n°17 des « Rouge et Jaune » doit notamment gagner en puissance pour franchir un cap.
"Je ne cherche pas à brûler les étapes. J’étais en National, aujourd’hui, je suis en Ligue 2. Je vais tout donner pour aller le plus haut possible", ambitionne celui que les dirigeants quevillais ont eu la bonne idée de prolonger jusqu’en 2023 (+ une année en option). "Il est vraiment tout neuf dans le monde pro", pointe le nouveau coach de Troyes. "Comme plusieurs de ses coéquipiers, il a eu l’opportunité de franchir un palier avec QRM. Il a saisi sa chance. Maintenant, à voir s’il est capable de continuer à avancer. Seul l’avenir nous le dira". On a quand même notre petite idée…
Sous le maillot du Burkina Faso, Gustavo Sangaré pourrait bien être l'une des révélations de la Coupe d'Afrique des Nations. ©QRM