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A quoi ressemble le style de jeu de Stéphane Moulin ?

Contrairement à ce que certains ont voulu lui imposer comme étiquette, Stéphane Moulin n'est pas un entraîneur défensif. Au fil des saisons, le technicien a su faire évoluer le style de jeu de son équipe.

Entraîneur défensif, équipe bonne à marquer uniquement sur coups de pied arrêtés… De nombreuses étiquettes ont été collées sur le dos de Stéphane Moulin depuis l’accession du SCO en Ligue 1 en 2015. Des raccourcis réducteurs ont été pris pour qualifier le projet de jeu angevin. Rester autant d’années dans l’élite du football français laisse indubitablement des empreintes (statistiques). Alors intéressons-nous aux faits afin d’avoir, ensemble, une petite idée sur le (possible) futur projet de jeu caennais.

Plusieurs suiveurs considèrent que la façon de jouer des Angevins est minimaliste avec son coach placardé « défensif » dès sa première saison en L1. Cette critique provient notamment du fait que les hommes de Stéphane Moulin passent plus de temps à courir après le ballon qu’avec. Depuis l’exercice 2015-2016, la possession de balle moyenne du SCO est seulement de 44,2%. Si vous ajoutez à cela le nombre important de contre-attaques jouées par match (3,5) et le nombre de buts inscrits sur corners (0,15), les médias ont vite catalogué de façon binaire le technicien avec un football qualifié d’opportuniste.

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Tableau de bord des statistiques offensives d'Angers

Un schéma préférentiel en L1 avec le SCO : 4-5-1 sans le ballon, 4-3-3 avec

Mais le football n’est pas binaire. Il se construit de contrastes et de nuances. Une des clefs de lecture des principes de jeu proposés par celui qui va s’asseoir sur le banc caennais réside peut-être dans sa volonté de proposer un football cohérent, pragmatique, au sein d’une équipe bien en place, avec une organisation équilibrée. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il a d’abord appliqué un système en 4-4-2 dans ses premières années d’entraîneur en chef en s’inspirant de Christian Gourcuff (et donc d’Arrigo Sacchi) pour occuper rationnellement le terrain.

Depuis la montée dans l’élite du SCO, l’ex-coach de Châtellerault a appliqué le plus souvent un seul schéma : le 4-5-1 sans ballon, 4-3-3 avec. Fort du diagnostic des joueurs à sa disposition, il s’est basé très longtemps sur un milieu à pointe basse avec l’infatigable Baptiste Santamaria en sentinelle devant la défense. Depuis le départ de ce dernier à l’été 2020 à Fribourg en Allemagne, Stéphane Moulin a inversé son triangle afin de positionner Angelo Fulgini en n°10 pour exploiter au mieux ses compétences de créateur capable de déséquilibrer les blocs adverses. Dans le rapport de force avec les autres équipes, la bataille du milieu et la supériorité axiale recherchée sont des convictions fortes chez le technicien natif de Paris, qui place donc toujours trois éléments au cœur du jeu. Dans le graphique ci-dessous, on constate qu’Angers est l’une des formations qui privilégie le plus le milieu de terrain.

Zones d’actions privilégiées en Ligue 1 lors de la saison 2020-2021

Contrairement à ce que certains pourraient croire, avec le ballon, le SCO n’est pas sans idée et ne se contente pas de jouer les transitions offensives avec un football vertical et direct à outrance. La moyenne de passes par possession (3,6) et le nombre de passes longues rapportées au total des passes (12%) ne viennent pas accréditer ces hypothèses. L’impression visuelle n’est pas celle-ci ou n’est plus celle-ci en tout cas. Conforté par de bons résultats (six maintiens consécutifs en L1, finaliste de la Coupe de France en 2017), Stéphane Moulin a bonifié l’identité angevine en installant beaucoup plus de mouvement, du jeu dans les intervalles, des permutations entre les joueurs, de la polyvalence et du jeu au sol. Les résultats chiffrés plaident pour une réhabilitation de l’ex-coach des « Noir et Blanc » sur l’autel du jeu offensif comme en atteste cette stat : 6,4 tirs sur attaques placées par match.

Dans le jeu, la recherche du déséquilibre de l’adversaire est beaucoup plus riche en comparaison avec la première saison dans l’élite du SCO, grâce notamment à une variété des profils chez les offensifs. Il y a en revanche toujours un point commun entre ces derniers : le physique. Non pas au sens de la taille ou des muscles mais à celui de la répétition des courses, efforts - contre-efforts. Petite VMA s’abstenir notamment pour l’attaquant de pointe. En résumé, Stéphane Moulin vise à déséquilibrer l’adversaire mais pas n’importe comment, sans déséquilibrer trop fortement son équipe, ou alors pas n’importe où sur le terrain et pas n’importe quand. Un constat s’impose sur ces dernières saisons : son équipe calcule.

En défense, privilégier le collectif aux duels

Sans le ballon, Stéphane Moulin a inculqué à ses joueurs des repères et des principes d’actions fortement marqués. Le niveau d’intensité des duels défensifs interpelle. Cette métrique est obtenue par la combinaison des duels, tacles et interceptions rapportée à la possession adverse. Avec une intensité de 5,2 (duels, tacles et interceptions par minute de possession adverse), le SCO se classe avant-dernier ! Ce chiffre traduit la volonté de l’ancien coach de Châtellerault de privilégier le collectif aux duels. Sur défense placée, ses joueurs défendent ensemble, maintiennent le bloc équipe et réduisent les espaces le plus longtemps possible en ne sortant pas trop tôt. L’élément le plus proche cadre le porteur pour gérer la profondeur afin de ne pas exposer la ligne défensive, peu véloce à Angers. On observe également une tentative d’isolement des excentrés pour attirer le ballon dans l’axe. Une bonne distance sépare les coéquipiers avec des courses agiles, adaptées aux manœuvres adverses. La maîtrise de la défense en zone est complète.

C’est la force de son collectif et sa grande vertu. Les joueurs lisent les situations auxquelles ils sont confrontés de la même manière, avec le même référentiel. C’est tout simplement ce que l’on définit comme "l’intelligence tactique", déclarait Stéphane Moulin lors d’une interview pour le livre Comment regarder un match de foot. Les mouvements sont coordonnés et bien huilés. Pour autant, cela ne signifie pas qu’Angers est imperméable aux buts. Il n’est pas à l’abri d’actions individuelles adverses comme celle de Renato Sanchez perforant plein axe sur le premier but lillois lors du 416e et dernier match dirigé par Stéphane Moulin à la tête du SCO (défaite 2-1, le 23 mai). Le fil conducteur des réussites caennaises a longtemps été empreint d’humilité et de don de soi. Ce sont des valeurs rassemblant joueurs, dirigeants et fans caennais. L’approche collective des intentions de jeu de Stéphane Moulin pourrait sied à merveille aux « Rouge et Bleu », avec une remontée en Ligue 1 souhaitée par tous les amoureux de ce club.

Tableau de bord des statistiques défensives d’Angers

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