"Alors que je n’avais même pas commencé à jouer en pro (il a débuté en 2011), j’avais dit à Sofiane Abidi, l’un de mes plus proches amis, que je serais dans le groupe pour la Coupe du Monde 2018 et titulaire en 2022". Si la première partie de cette prophétie ne s’est pas produite, Ali Abdi - écarté de la liste des 23 Tunisiens à l’issue du dernier stage il y a quatre ans pour le Mondial russe - voit bien la suite se réaliser. Vainqueur, au mois de mars, sur la plus courte des marges, du Mali en barrage (1-0, 0-0), les Aigles de Carthage ont composté leur billet pour le Qatar. "Quand on s’est qualifié, c’était de la folie au pays. Toute la Tunisie est sortie pour faire la fête. De toute façon, on n’avait pas le droit de ne pas passer", rapporte le n°2 des « Rouge et Bleu » comme pour mieux témoigner de la pression qui pesait sur ses épaules et sur celles de ses partenaires. Pourtant, c’était loin d’être gagné d’avance. "Les Maliens ont une très belle génération. Et ça aurait été une première pour eux. Au match aller, là-bas, je crois qu’il y avait le double de supporters par rapport à la capacité du stade".
De la ferveur populaire, la Tunisie en ressent également dans le Golfe persique. "Beaucoup de compatriotes vivent au Qatar. On s’en est rendu compte lors de la Coupe Arabe des Nations (en décembre 2021). Des reportages à la TV disaient qu’on avait les meilleurs supporters", déclare le natif de Sfax au sourire évocateur quand on lui parle du Mondial. "C’est un rêve", lance celui qui a été bercé toute sa jeunesse par des souvenirs de cette compétition. "Même si je n’avais que cinq ans, je me rappelle de la tête de Zizou contre le Brésil en 1998", donne-t-il comme exemple, joignant le geste à la parole. S’il était absent il y a un an (la Coupe Arabe des Nations ayant été disputée en dehors des dates de la Fifa, il n’avait pas été libéré par le SMC), Ali Abdi est, cette fois-ci, bel et bien présent… avec un rôle majeur au sein des Aigles de Carthage.
Depuis qu’il a rejoint le Stade Malherbe au mercato 2021, son statut en sélection a changé. Alors qu’il a dû pendant longtemps se contenter du banc des remplaçants, l’ex-Parisien - qui avait enchaîné quatre titularisations consécutives en juin (en éliminatoires de la CAN et sur la Coupe Kirin au Japon) - figurait de nouveau dans le onze de départ mardi, pour l'entrée en lice des coéquipiers de Youssef Msakni contre le Danemark (0-0). En concurrence avec Ali Maaloul (Al Ahly, Egypte) ; Rami Kaib (Heerenveen, Pays-Bas) et Mortadha Ben Ouanes (Kasimpasa, Turquie) n'ayant pas été retenus, le piston gauche du Stade Malherbe a un profil un poil plus défensif avec la sélection tunisienne.
Une qualification pour les 1/8e contre la France ?
Mais sa blessure à la cuisse droite (élongation puis lésion musculaire), début septembre, qui l’a privé quasiment d’un mois et demi de compétition, aurait pu tout remettre en question. "C’est la première blessure musculaire de ma carrière", confie Ali Abdi qui estimait, avant de s'envoler pour le Qatar, avoir pleinement récupéré ses moyens physiques. Durant cette période de convalescence, sa convocation pour le rassemblement de septembre l’a rassuré. "L’entraîneur (Jalel Kadri) m’a pris tout en sachant que j’étais blessé (il est resté aux soins). C’est un très bon signe, ça prouve qu’il compte sur moi, que je suis un joueur important pour le groupe". Dans tous les cas, pour atteindre son objectif de franchir la phase de poules ; ce qui n’est jamais arrivé en cinq participations (1978, 1998, 2002, 2006 et 2018), la Tunisie a besoin d’un Ali Abdi apte à 100%.
"Même si on est conscient que ça va être difficile, on veut se qualifier pour le deuxième tour. Depuis notre victoire en barrage contre le Mali, on en a beaucoup discuté avec le coach, le staff, le président, Wadie Jary, c’est le moment pour notre génération d’inscrire son nom dans l’histoire du football tunisien". Les Aigles de Carthage rêvent d’imiter le voisin algérien, battu seulement en prolongation par le futur champion du Monde allemand en 1/8e de finale, en 2014 (2-1). Avec Issam Jebali (Odense, Danemark), Ellyes Skhiri (Cologne, Allemagne) ou encore Dylan Bronn (Salernitana, Italie), les « Blanc et Rouge » disposent d’arguments.
Il en faut pour sortir d’un groupe où figure le Danemark, l’Australie et… les Bleus. "Contre la France (mercredi 30 novembre, 16 heures), ça va forcément être un match spécial pour certains d’entre nous (plusieurs éléments de la sélection tunisienne y sont nés et/ou évoluent en L1-L2). Ce sont les champions en titre, il ne faut pas l’oublier même s’ils ont beaucoup de blessés (N’Golo Kanté, Paul Pogba, Karim Benzema…). La France a une très belle génération avec certains des meilleurs joueurs du monde". Au Qatar, Ali Abdi bénéficiera d’un soutien de poids puisque ses proches effectuent le déplacement : son épouse Sabrine, ses deux enfants Jouri (4 ans) et Mohamed (sept mois, né à Caen), ses parents, Wahida et Hassam. "Ma famille attend cette compétition au moins autant que moi", sourit l’intéressé. "Pendant ma blessure, ils étaient tous aux petits soins pour moi. Ils s’inquiétaient. Est-ce que tu vas être rétabli ?" Que tout le monde se rassure, Ali Abdi, comme il l'a prouvé il y a trois jours face aux Danois, est pleinement opérationnel pour cette Coupe du Monde.
> Coupe du Monde au Qatar. Tunisie - Australie, samedi 26 novembre à 11 heures au Al Janoub Stadium.