Le patron de la formation, c'est Gérard Prêcheur
"J'endosse la double casquette : directeur technique et directeur de la formation"
Tout d'abord, levons un doute même si peu d'observateurs du Stade Malherbe l'ont encore. S'il n'en possède pas le titre, Gérard Prêcheur est, bel et bien, le nouveau « patron » de la formation « Rouge et Bleu ». Ce n'est pas nous qui l'affirmons, c'est le principal intéressé en personne. "Aujourd'hui, j'endosse la double casquette : directeur technique et directeur de la formation. Tant que je serai en poste, je superviserai toutes les équipes des U14 à la National 3", lâche l'ex-entraîneur des féminines de l'OL et du PSG. A terme et si les moyens financiers l'autorisent ; ce qui n'est visiblement pas le cas actuellement, il n'est pas exclu qu'un technicien soit recruté pour épauler ce proche de la famille Mbappé à la tête du centre. "Les U14, les U15, les U17, je ne peux voir tous les matches". Surtout que l'ancien responsable de l'INF Clairefontaine effectue presque tous les déplacements avec les « pros », en Ligue 2. "Il y a aussi le suivi individuel des joueurs, l'accompagnement des coachs".
Un possible futur bras droit qui ne sera pas Matthieu Ballon si l'on se fie aux propos de Gérard Prêcheur. Successeur de Nicolas Seube aux commandes de la structure caennaise depuis le mois de janvier puis confirmé dans ses prérogatives cet été par l'ex-président Olivier Pickeu, avant le rachat du club normand par Kylian Mbappé, cet éducateur historique du SMC, présent depuis quasiment 20 ans, semble désormais réduit à un simple rôle de prête-nom pour cette fonction spécifique où il dispose d'un contrat jusqu'en juin 2025. "D'après mon expérience, on ne peut pas être dans l'opérationnel et dans le management", justifie le directeur technique, référence aux catégories U16-U17 dont Matthieu Ballon a également la responsabilité. "Pour proposer un suivi de qualité, ses missions d'entraînement de ses jeunes joueurs doivent lui occuper la majorité de son temps et de ses pensées". Reste à savoir si le principal concerné partage ce point de vue ?
De nombreux renforts pour l'équipe éducative
"Malgré un contexte économique qui n'est pas facile, on n'a pas hésité à embaucher"
A son intronisation au Stade Malherbe, début août, Gérard Prêcheur a exigé et obtenu de la part du nouvel actionnaire majoritaire, dont il est l'un des hommes de confiance, des ressources humaines supplémentaires pour le centre de formation. "Je ne sais pas comment l'équipe éducative a fonctionné la saison dernière. Elle avait un planning de folie", lui rend hommage le directeur technique du club caennais, référence aux conditions dans laquelle elle travaillait en se trouvant largement en sous-effectif. "Malgré une situation économique qui n'est pas facile, on n'a pas hésité à embaucher pour que les éducateurs évoluent dans un contexte favorable même si à mon goût, ce n'est pas assez", met-il en avant.
Concrètement, cela s'est traduit notamment par le recrutement de deux analystes vidéo, Melvin Simon (pour le groupe N3-U19) et Baptiste Hamon (pour les U17), un entraîneur des gardiens pour le groupe U17-U16, Frédéric Petereyns, et un éducateur pour assister Matthieu Ballon dans ces mêmes catégories d'âge, Laurent Lesgent. "J'avais besoin d'un référent pour assurer le lien avec la préformation". A noter également que le médecin Quentin Bouchereau a été remplacé par Ilyes Ajarrai alors qu'un deuxième kinésithérapeute à temps plein a été engagé aux côtés de Tony Hubert (deux autres sont vacataires), Florian Chauvet, qui officiait jusqu'à la saison passée dans le staff de la section féminine. Un renfort médical indispensable pour satisfaire au cahier des charges de la Fédération française et demeurer en catégorie 1. Sur le plan pédagogique, une personne est aussi arrivée pour accompagner les pensionnaires du centre au niveau scolaire.
Un projet de jeu commun à toutes les équipes de jeunes
"Kylian m'a demandé qu'on pratique le même jeu qu'à Clairefontaine"
C'est l'un des piliers de la politique de Gérard Prêcheur pour la formation caennaise : un projet de jeu commun à toutes les équipes du centre. Un projet de jeu qu'il a, lui-même, élaboré et qui a été adoubé en personne par Kylian Mbappé. "Quand je l'ai eu au téléphone, Kylian m'a demandé deux choses : qu'on pratique à Malherbe le même jeu qu'on produisait du temps où il était pensionnaire de l'INF Clairefontaine (2011-2013) et que je sois aussi exigeant avec les jeunes aujourd'hui que je l'ai été avec lui à l'époque", rapporte le directeur technique du Stade Malherbe avant de dévoiler en quoi va consister ce « fameux » projet. "On va préconiser un jeu technique, au sol, moins direct, plus axial et orienté vers le but. C'est le style de jeu le plus difficile à appréhender, celui qui permettra aux jeunes de progresser dans toutes les composantes du haut niveau, qui favorisera son épanouissement et l'optimisation de son potentiel". Un style à mettre en opposition avec "un jeu latéral et de percussion sur les côtés" que l'ancien membre de la DTN aurait constaté en observant des matches de jeunes du SMC dans la tribune et autour de la main courante des terrains du complexe de Venoix.
Ce projet sera doublé d'un protocole d'évaluation dont les joueurs seront les acteurs. "Il ne faut pas que le jeune subisse sa formation, il doit s'impliquer", lance Gérard Prêcheur. Cette méthodologie a été mise en place en compagnie de son fils, Jocelyn (actuellement entraîneur des féminines de London City, en D2 anglaise), du temps où il observait les adversaires de l'équipe de France. Il l'a également utilisé quand il se trouvait à la tête des équipes féminines de Lyon et du Paris SG. "Je l'ai adapté à la formation. On sera l'un des seuls clubs à en être doté", précise-t-il, fièrement, avant de détailler ce protocole. "Chaque enchaînement offensif, chaque acte défensif sera décortiqué par une équipe d'analyste vidéo de haut niveau (Melvin Simon, Baptiste Hamon et Damien Hachim). Après chacun de ses matches, le joueur recevra un montage vidéo et un bilan statistique où figurera son degré d'efficacité dans tous les aspects du jeu". Autant d'outils qui doivent permettre de séduit les futurs joueurs ciblés. "On veut donner envie aux jeunes de nous rejoindre pour la qualité de notre formation, sur le terrain et en dehors, pas pour des motifs financiers. Ça ne sera jamais notre politique de proposer 200 000 € à un U13 comme d'autres clubs le font".
Du changement à prévoir parmi les éducateurs ?
"Si je sens que des entraîneurs privilégient l'aspect compétition, je ne pourra pas travailler avec eux"
Ce projet de jeu, les éducateurs du centre "doivent y adhérer et l'opérationnaliser" sur le terrain, peu importe la catégorie d'âge, des U14 à la réserve. "Je leur impose", ne passe pas par quatre chemins Gérard Prêcheur. Dans le cas contraire ? "On se séparera le plus tôt possible. Ça peut-être dès le mois de janvier. J'ai 65 ans, je n'ai pas de temps à perdre". Les principaux concernés savent, désormais, à quoi s'en tenir. Toutefois, si ce scénario se produisait, il faudrait négocier des ruptures de contrat anticipées puisque la plupart des formateurs sont liés au Stade Malherbe jusqu'en juin 2026, à l'exception d'Adrien Gato, le coach des gardiens des U19 (libre au 1er juillet 2025). D'une manière plus globale, le directeur technique du SMC exhorte « ses » éducateurs à sortir de leur rôle d'entraîneur. "On a besoin de formateurs. Ce n'est pas le même métier", prévient l'ex-patron de l'INF Clairefontaine. "Le match du week-end, ce n'est pas la finalité. Il doit permettre aux jeunes d'appliquer ce qu'il a appris durant la semaine. C'est également un moyen pour ses formateurs et moi-même de mesurer son évolution, sa marge de progression... Si je sens que des entraîneurs privilégient l'aspect compétition, je ne pourrai pas travailler avec eux". Que Gérard Prêcheur se rassure, à ce niveau, il ne devrait pas y avoir de problème, jamais les résultats n'ayant constitué une priorité aux yeux des Romain Leroux, Matthieu Ballon, Julien Lecoq et de leurs collègues.
Des formateurs en poste depuis de nombreuses saisons, garant d'une certaine façon de l'ADN « Rouge et Bleu ». "C'est le défaut de nos qualités", estime ce proche de Kylian Mbappé et de son entourage. "Ce sont de bons éducateurs. Ils ont envie d'aller de l'avant, ils me donnent satisfaction mais beaucoup d'entre eux n'ont connu que le Stade Malherbe. Compte tenu de leur amour pour le club, ils ont, à mon avis, un point de vue un peu faussé sur celui-ci". Il est vrai que l'amour peut rendre parfois aveugle. "Ce n'est pas être négatif que de dire que le Stade Malherbe est, aujourd'hui, un club moyen de Ligue 2, en tout cas au niveau de sa formation, même si plusieurs bons jeunes en sont sortis". Preuve en est avec cette génération finaliste de la Gambardella en 2022 incarnée par Brahim Traoré, Noé Lebreton ou encore Tidiam Gomis. Mais Gérard Prêcheur voit plus grand. "Avec Kylian, ce qu'on veut, c'est un centre d'un calibre supérieur où on forme des joueurs de niveau Ligue 1 voire de niveau international". Pour atteindre cet objectif, il faut "augmenter le curseur dans tous les domaines". Et le patron de la formation caennaise est prêt à faire bouger les lignes. "On doit sortir les éducateurs de leurs habitudes. Et si on a l'opportunité de recruter des personnes qui ont la même vision que nous, avec Kylian, on les fera venir". Une chose est sûre, la langue de bois, Gérard Prêcheur ne la pratique pas.
Pour étoffer la cellule de recrutement, il va falloir des moyens
Alors qu'il vient d'effectuer sa première apparition chez les « pros », Gabin Tomé est cité comme un exemple du profil de joueur que Gérard Prêcheur souhaite recruter à l'avenir pour la formation caennaise. ©Damien Deslandes
Le projet de jeu souhaité par Gérard Prêcheur va forcément avoir un impact sur la politique de recrutement du centre. "Principalement, sur le profil des milieux de terrain", livre le directeur technique du Stade Malherbe. "Dans la ligne intermédiaire, il nous faut des « footeux », des joueurs avec une bonne lecture du jeu, une bonne culture tactique, une vision du jeu rapide... Une qualité technique qui doit leur permettre de faire le lien entre les lignes", décrit le « patron » de la formation caennaise, citant en exemple Gabin Tomé (20 ans) qui a fêté son baptême du feu avec les « pros », samedi, face à Chartres, en Coupe de France. "J'en ai découvert trois-quatre mais on manque de ce type de joueurs. Il nous en faut deux-trois par année d'âge".
Pour dénicher des jeunes éléments de ce profil, la cellule de recrutement du centre devrait être, dans un avenir à moyen terme, étoffée. Actuellement, elle est composée de Djibi Diao, qui la pilote, de Jean-Louis Mendes et de Nasrreddinne Yahya. "C'est une mission capitale qui nécessite un budget important (ressources humaines, frais de déplacement...). C'est une question de moyens. Au regard des difficultés financières du club, est-ce que les actionnaires pourront répondre à cette demande", s'interroge Gérard Prêcheur dont les deux principaux bassins de recrutement seront toujours la Normandie et la région parisienne.