Foot Normand

Au Stade Malherbe, le 3-5-2 a amorcé un nouvel élan

Pour la troisième fois de la saison après la réception d'Amiens et le déplacement à Niort, Pascal Dupraz (ici, en train de délivrer des consignes à Yoann Court) a utilisé un système en 4-4-2. ©Damien Deslandes

A la sortie de l’hiver, le club caennais va mieux, beaucoup mieux. Après avoir flirté avec la zone de relégation, les « Rouge et Bleu » (7e) affichent de plus belles couleurs sur le rectangle vert. Le contenu n’est pas toujours égal d’une rencontre à une autre ou au cours des 90’ d’un même match mais des certitudes se sont dessinées autour d’un projet de jeu devenu solide et cohérent à la faveur de quelques ajustements, que ce soit dans le choix du système et le positionnement des joueurs.

Le déplacement à Auxerre, début décembre, le momentun du Stade Malherbe

Stéphane Moulin évoque le déplacement à Auxerre (J17. 2-2, le 4 décembre) comme un déclic. Ce tournant marque le début d’une lancée. Certains emploieront le terme de momentum. Le mot momentum décrit cet élan psychologique observé dans de nombreux sports où, à la faveur d’un événement favorable, un avantage psychologique est obtenu et le plus improbable des renversements semble possible. Selon le « Journal of Sport Behavior », le momentum "est un concept bidirectionnel, affectant soit la probabilité de gagner, soit la probabilité de perdre en fonction du résultat de l'événement précédent".

Au cours d’un match, les déclencheurs sont nombreux et se répètent. En voici une liste non exhaustive, recensée par l’université de Loughborough en Angleterre auprès de joueurs professionnels : langage corporel négatif des adversaires, confiance en soi, chance, décisions de l’arbitre, encouragements, expérience passée… Avec pour résultats : des pensées positives, une confiance accrue, un sentiment d’invincibilité…

Ali Abdi - Jessy Deminguet : une complémentarité technique qui fait plaisir à voir

La clé pour inverser une dynamique négative est souvent d’accepter que le problème vienne de soi. Est-ce à l’issue d’une remise en cause et d’une introspection, de la part des joueurs et du staff, que l’élan psychologique du SMC s’est inversé et est devenu positif ? Peut-être, peut-être pas. Toujours est-il que des ajustements ont été réalisés notamment d’un point de vue du système. Exit la défense à quatre, et place à une arrière-garde à trois axiaux. Peu habitué à utiliser ce système durant ses années angevines, Stéphane Moulin a opté pour un 3-5-2 afin de masquer notamment les faiblesses sans ballon d’Ali Abdi et d’Hugo Vandermersch.

Le schéma en 3-5-2 a notamment masqué les faiblesses sans ballon d'Abdi et de vandermersch

Durant la première partie de saison, les supporters malherbistes avaient pu observer les lacunes défensives de l’international tunisien avec quelques buts encaissés causés par ses interventions suspectes comme sa défense en un contre un face au Palois Kenji-Van Boto (J7. défaite 2-1, le 11 septembre). Replacé dans le couloir gauche, sur son bon pied (et sa bonne orientation motrice ?), et libéré de l’angoisse de trop s’engager, Ali Abdi détonne désormais dans son rôle de piston et de contre-attaquant. Sa complémentarité technique avec Jessy Deminguet fait plaisir à voir.

Elle est surtout efficace avec des combinaisons entre les deux hommes mettant le feu dans la surface adverse comme sur l’ouverture du score caennaise contre Nîmes (J24. 4-0, le 12 février). Ce premier but est le meilleur exemple de l’animation souhaitée par l’entraîneur normand. Après une récupération côté droit, dans sa moitié de terrain, les « Rouge et Bleu » fixent leurs adversaires et les attirent avant de renverser le jeu à l’opposé, là où est l’espace afin d’exploser grâce à Ali Abdi. A la faveur d’un relai avec Jessy Deminguet, le piston gauche s’engouffre dans la surface gardoise pour servir Nuno Da Costa qui crucifie le gardien Per Bråtveit. Cette action reflète les affinités existantes entre l’ex-Parisien et le Lexovien. Elles se répètent match après match. Leurs performances sont connectées.

Il n'a manqué que les buts à Caleb Zady Sery

Le choix de positionner trois milieux permet également d’étanchéifier l’axe de l’animation défensive caennaise. L’axe du terrain est devenu une no-go zone pour les adversaires grâce à l’activité de Jessy Deminguet et de Johann Lepenant. Avant sa double entorse de la cheville qui le privera de la fin du championnat, Caleb Zady Séry - relayé depuis par Yoann Court dans un style complètement différent - complétait ce trio avec son profil atypique. L’Ivoirien est clairement un joueur à part dans une Ligue 2 où l’animation défensive des équipes brille avant tout. Grâce à une gestuelle atypique, il est capable de faire reculer n’importe quel défenseur par sa conduite de balle et ses dribbles. C’est sa différence, son étrangeté, sa non-conformité avec les standards types du joueur de Ligue 2 qui lui permet d’être impactant.

Avec 22 points sur 42, Le cinquième bilan de Ligue 2 sur les 14 dernières journées

Contrairement au début de saison où il a eu énormément de difficultés à exister plus haut sur le terrain, son repositionnement en milieu relayeur lui a permis de faire gagner de nombreux mètres au collectif normand en se trouvant face au jeu. S’il a délivré quatre passes décisives et obtenu deux penalties, il lui reste encore à trouver le chemin des filets. Durant cet exercice 2021-2022, il n’a pas débloqué son compteur. Cette incapacité à scorer constitue une limite importante. Sa technique de tir semble perfectible lui qui a seulement inscrit trois buts pour 7,35 expected goals* !

N’oublions pas les performances du duo d’attaque Nuno Da Costa - Alexandre Mendy ou encore celles de l’intraitable Ibrahim Cissé en défense centrale. Elles contribuent pleinement à la bonne forme actuelle du Stade Malherbe. Depuis début décembre, sur 14 journées disputées, les hommes de Stéphane Moulin totalisent 22 points sur 42 possibles (6V-4N-4D), soit le cinquième meilleur bilan du championnat sur cette période. Pour situer cette performance dans le temps et la vigueur de la dynamique positive retrouvée, le club caennais n’avait jamais atteint une différence positive aussi élevée entre le nombre de buts marqués attendus (expected goals) et le nombre de buts encaissés attendus depuis sa descente en Ligue 2, en 2019 (voir graphique ci-dessous). Espérons que ce momentum positif ne s’inverse pas.

*Nombre de buts attendus par match au regard du nombre et de la qualité des occasions obtenues.

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