Un des apports intéressants des expected goals* est de pouvoir fournir une autre idée du niveau de performance d’une équipe que par le prisme des résultats et du classement général. Dans le football, la performance et le résultat sont beaucoup moins liés que dans le rugby ou le basket. En quantifiant les occasions obtenues et subies selon leur contexte, on peut donc simuler le résultat d’une rencontre et ainsi totaliser les points attendus. Il est désormais possible de dresser un portait plus clair d’un match et donc d’un classement. Selon cette méthode, le Stade Malherbe se classe à la 12e place (gain d'un rang par rapport au classement officiel) avec un total de points attendus de 36,3 contre 34 réellement obtenus soit un écart défavorable de 2,3 unités. Il ne manquerait donc pas dix points aux « Rouge et Bleu » contrairement à ce qu’annonce le coach savoyard.
*Mesure de probabilité de marquer sur un tir.
Classement alternatif de L2 en fonction des expected goals
Fait intéressant de ce classement alternatif, le HAC se positionne à la deuxième place ! Cet écart défavorable s’explique par un manque de réussite dans les deux surfaces de vérité. De précieux points ont été perdus. Les exemples les plus mémorables : la défaite face au Paris FC (J25. 1-0, le 14 février) ou encore le match nul concédé face au futur champion de L2 Lorient (J11. 2-2, le 11 octobre). Des confrontations qui étaient largement la portée des « Ciel et Marine ». Les hommes de Paul Le Guen peuvent s’en mordre les doigts.
Le classement, qu’il soit officiel ou alternatif, ne doit pas être le seul outil de jugement de la performance d’une équipe. A l’aide des statistiques, il est aussi possible de juger le contenu des rencontres des Caennais selon les quatre phases principales de jeu dans un match.
Peu de passes et de tirs, beaucoup de coups francs
Peu de passes et de tirs, beaucoup de coups francs Le style de jeu avec ballon des hommes de Pascal Dupraz se rapproche de celui observé lors des années Patrice Garande. Entre le début et la fin de la phase offensive, les joueurs recherchent le dernier tiers adverse avec une progression longitudinale rapide. Depuis que l'ex-technicien toulousain a pris les rênes de l’équipe, le Stade Malherbe est :
> avec Rodez, l’équipe qui tente le moins de passes au cours d’un match (343,2),
> une des équipes qui tente le plus de passes longues (14% de ses passes et 21,4 mètres par passe en moyenne),
> l’équipe qui réalise le moins de passes par possession (3,1 en moyenne),
> l’équipe qui joue le plus de ses passes vers l’avant (39%).
Le club caennais fait dans le quantitatif plutôt que le qualitatif. Il joue beaucoup d’attaques placées mais peu aboutissent à une frappe : un tir toutes les 7,3 attaques, dernier de L2 dans cet exercice. Et il se crée difficilement des situations de finition dans le jeu. Pour autant, le nombre de buts marqués est très bon ; les partenaires de Jonathan Rivierez excellant pour obtenir des fautes : 16,4 par match dont 0,4 penalty ! Dans ces deux catégories, le SMC occupe la tête de la division.
Des pertes de balles… mais loin de ses cages
En jouant (très) direct, le Stade Malherbe perd un grand nombre de ballons (111 par match). Les « Rouge et Bleu » minimisent les risques en éloignant le danger de leur but. Avec Auxerre, c’est l’équipe qui perd le moins de ballons dans ses 30 mètres. Ils limitent les situations d’infériorité numérique en plaçant un grand nombre de joueurs entre le ballon et leur but. A la perte du ballon, le contre effort sur le porteur est souvent fort.
Les Caennais cherchent à éviter la construction du jeu adverse et sa progression avec intensité. Nous avions été ravis de constater lors des premières rencontres dirigées par Pascal Dupraz un pressing enthousiasment, haut sur le terrain. C’est un des facteurs clés de réussite du modèle de jeu du coach savoyard. L’indice de mesure du pressing (PPDA) est un des plus élevés de Ligue 2. Le SMC est avec Lens, Ajaccio et Orléans, la formation qui permet le moins de passes de ses adversaires dans leur camp.
Une faible possession, des duels perdus et des occasions concédées
Du fait de son style de jeu, le Stade Malherbe court beaucoup après le ballon : seulement 46,8% de possession. Pour récupérer le « cuir », les coéquipiers de Jonathan Rivierez visent à étouffer l’adversaire et mettent beaucoup d’intensité et d’agressivité sur le porteur. Ils visent à provoquer des erreurs chez l'adversaire en récupérant le ballon avant tout par du duel et du un contre un. Paradoxalement, les matchups sont rarement favorables aux Caennais. Le pourcentage de duels défensifs gagnés est faible avec 57,6% (avant-dernier de L2). Les milieux Jessy Pi et Jessy Deminguet ou encore Hugo Vandermersch peuvent se retrouver en difficulté dans le rapport homme à homme.
Malgré la débauche d’énergie, le SMC concède donc de nombreuses occasions : une frappe tous les 4,9 attaques placées, 11,5 tirs par match, 1,33 expected goals. Seuls Châteauroux, Le Mans, Niort, Rodez et Valenciennes font pire en la matière. Le collectif caennais n’aime pas défendre devant son but. C’est l’apanage des équipes voulant récupérer vite le ballon. Sa zone de récupération étant soit médiane, soit haute, le nombre de contre-attaques au cours d’un match est peu importante : 2,7. Un chiffre très éloigné de son rival havrais, un spécialiste en la matière : 4,2.
Un projet de jeu pragmatique
En résumé, le style de jeu direct et vertical du Stade Malherbe est rentable grâce aux occasions obtenues sur phases arrêtées. Après avoir perdu le ballon, les Caennais tentent de le récupérer vite dans le camp adverse en dépensant beaucoup d’énergie. Proche de son but, ses performances sont beaucoup plus médiocres notamment dans les un contre un et sur les attaques placées de ses adversaires.
Ce style de jeu est très proche des années toulousaines de Pascal Dupraz. Arrivé au cœur de la saison malherbiste, l’ancien consultant de Canal + a cherché à mettre en place rapidement un projet de jeu pragmatique. Celui-ci comporte ses failles. En s’appuyant sur la combativité de ses joueurs, le SMC s’est retrouvé souvent en difficulté face à des adversaires patients sachant sortir de la zone de pression avec technicité et mobilité. L’apport de joueurs ayant une faculté à remporter un plus grand nombre de duels serait un plus à l'avenir si le modèle de jeu devait être reconduit. A moins d’une transformation de ce dernier ?