Ils s’appellent Marine, Lenny, Marius ou bien encore Inès, Sacha et Nolan. On a également Amine, Loïc, Martin, Alexandre et Jérémy. Et ils ne sont pas près d’oublier cet après-midi du 12 janvier. Ce jour-là, en marge du renouvellement du label élite de l’école de foot du Stade Malherbe, une rencontre entre tous les jeunes portiers du club caennais a été organisée. "J’ai eu l’idée dans les toilettes", en rigole Yann Chevallier, en charge des séances spécifiques pour ce poste à la préformation, chez les U17 et chez les Féminines. "On trouvait dommageable que les gardiens des différentes catégories ne se connaissent pas". "On y pense depuis un ou deux ans mais avec le Covid, on n’avait pas pu la mettre en place. Notre but, c’est de rassembler et aussi que les plus petits découvrent leurs possibles futurs éducateurs", ajoute Sébastien Moncé, le coach des ultimes remparts du centre de formation.
A une époque où le football est de plus en plus pratiqué par une somme d’individualités, les trois entraîneurs aspirent à ce que la corporation des gardiens du SMC devienne "une famille", dixit Fabrice Catherine, le responsable des portiers de l’école de foot. De l’école de foot justement au centre de formation en passant par la préformation, ils sont 16, sans oublier les cinq féminines, à enfiler les gants chaque semaine sous les couleurs « Rouge et Bleu ». Pour cette séance commune entre les différentes catégories d’âge*, Sébastien Moncé avait élaboré un circuit avec plusieurs ateliers : motricité, coordination, plongeon et travail cognitif avant de terminer par une mini-opposition.
Et le moins que l’on puisse affirmer, c’est que les retours sont extrêmement positifs. "A chaque entraînement, mes jeunes me reparlent de ce jeu final", témoigne Fabrice Catherine, dernier gardien à avoir gardé les cages de son club formateur chez les « pros » sur toute une saison. C’était au début des années 2000 ! Quelques portiers en herbe ont également été impressionnés par le gabarit de leurs aînés à l’image de Destiné Jopanguy qui culmine à 1,93 mètre ! "Tout le monde a salué la gentillesse et l’accessibilité des plus grands. Certains, spontanément, ont tout de suite donné des conseils aux plus petits. D’autres se sont déridés au fur et à mesure de l’après-midi". "Les petits étaient plein d’admiration. Il y avait du bonheur dans leurs yeux", se réjouit, de son côté, Yann Chevallier.
Un système de parrainage à l’étude pour la saison prochaine
Au cours de cette journée, l’objectif était aussi que les plus jeunes s’identifient à leurs ainés. "En début de saison, on leur demande toujours quel est leur club préféré ? Leur joueur préféré ? Ou dans le cas qui nous intéresse, leur gardien préféré ? C’est rarement le nom de Malherbe ou de l’un de ses joueurs qui revient", pointe Yann Chevallier. Dans un avenir proche, l’éducateur caennais espère que les réponses de ses protégés vont changer. En ce sens, la présence, aujourd’hui, de Sullivan Péan dans le groupe de Stéphane Moulin doit jouer un rôle moteur. "On a la chance d’avoir chez les pros un garçon comme Sulli, un Normand (licencié auparavant à Tourlaville et Saint-Lô), formé chez nous. Les gardiens qui sont à l’école de foot, en préfo et à la formation, ça doit les inspirer".
Et pour cause, sur les 16 membres du « pôle » gardien, trois seulement ne sont pas originaires de la région (Lucas Vovard en U17, Tristan Pickeu en U18 et Destiné Jopanguy en U19). "Ça leur montre qu’avec du sérieux, de l’abnégation et du travail, c’est possible de franchir la route", lance Yann Chevallier, référence à l’allée qui sépare le centre du Stade d’Ornano. Toutefois, qu’on ne s’y trompe pas, pour parvenir tout en haut de la pyramide, le chemin est semé d’embûches. "Sur les 16 garçons qu’on a actuellement, s’il y en a un qui passe de l’autre côté de la route, on pourra se dire qu’on a fait le job", annonce Yann Chevallier qui pense à tous ces joueurs qui vont progressivement quitter la structure malherbiste. "Qu’est-ce qu’ils garderont comme souvenirs ?"
C’est pourquoi des après-midis comme celle du 12 janvier devraient être reconduites. Et peut-être même avant le terme des championnats, en mai. "Ça serait une belle façon de clôturer la saison", se projette Fabrice Catherine. Et pour la prochaine, les « pros » (Rémy Riou, Sullivan Péan et Yannis Clementia) pourraient y être associés ; ce qui avait été impossible la première fois en raison de la Covid-19 et du risque de contamination, même si Eddy Costil, leur entraîneur spécifique, était lui, bel et bien, présent. "On ne veut pas que ça soit une opération ponctuelle, sans lendemain mais plutôt le départ de quelque chose", souligne Yann Chevallier qui aimerait instaurer un système de parrainage entre les gardiens. "Avec un grand associé à un ou deux petits. Selon ses disponibilités, quand il ne joue pas par exemple, il irait voir un match de l’un de ses filleuls". C’est aussi à travers ce type d’initiative qu’on cultive un esprit club.
*Par « section », les gardiens du SM Caen disposent de créneaux spécifiques dans la semaine. Les lundi et mercredi pour les portiers de l’école de foot, les lundi et jeudi plus une demi-heure le mardi pour la préformation ; le mardi et le jeudi, les U16-U17 viennent se greffer. En plus de toutes les activations (entre 30 et 45’ au début de chaque entraînement), les gardiens des U17-U19 effectuent une séance supplémentaire sur un aspect technique le mardi et une autre, portée sur l’aspect athlétique le mercredi.
Pas toujours évident de dénicher la perle rare
Yann Chevallier, Fabrice Catherine et Sébastien Moncé, les trois entraîneurs des jeunes gardiens du Stade Malherbe.
Pour appartenir à la « famille » des gardiens du Stade Malherbe, les places sont extrêmement chères. En préformation et au centre, à l’exception des U18 où ils sont trois (ce qui s’explique, en partie, par le fait qu’ils peuvent être appelés à garder les cages de la réserve à l’image de Maël Obé), il n’y a qu’un seul portier par catégorie des U14 aux U19, dont trois sont issus de l’école de foot (Milan Sandro Cheval en U14, Malhone Modi Dimouamoua en U15 et Pierre Mourgues en U16). "Quand un gardien nous rejoint à l’école de foot, on se projette déjà sur la préfo en se disant qu’il aura le potentiel pour l’intégrer", indique Yann Chevallier. "On ne prend pas pour prendre. On ne fait pas venir un gardien d’un club voisin juste pour un an", précise Sébastien Moncé.
A l’inverse, concernant l’école de foot, la « norme » est plutôt d’en disposer de deux par tranche d’âge. "Il y a beaucoup de plateaux, de matches sans compter les blessures, la fatigue", confie Fabrice Catherine qui ne parvient pas toujours à remplir cet objectif comme c’est le cas, aujourd’hui, en U8, U11 et U13, faute de candidats au niveau. Il faut dire que le poste et la difficulté qui lui incombe ne séduisent pas forcément les plus jeunes. "Ce n’est pas là où on gagne le plus d’argent", lance, un brin taquin, Sébastien Moncé. "Les générations actuelles éprouvent des difficultés à se faire mal, à se dépasser, elles n’ont plus autant le goût de l’effort", pointe Fabrice Catherine. "Il faut être courageux pour être gardien", ajoute Yann Chevallier. Autant de qualités indispensables pour enfiler les gants.