La scène, qui s'est produite il y a 15 jours après le match nul 3-3 contre QRM, a interpellé plus d'un observateur. Elle témoigne de la schizophrénie qui anime ce Stade Malherbe dont on ne sait plus vraiment sur quel pied il danse. Alors qu'il venait de se faire sérieusement tancer par le kop de d'Ornano à coup de « Pickeu démission » et d'un autre chant nettement plus fleuri, réservé d'habitude au voisin havrais, Olivier Pickeu, en remontant en direction du couloir d'accès à la pelouse, a reçu une salve d'applaudissements en provenance des loges. On aurait presque dit des sujets se prosternant devant leur roi. Visiblement, ce soir-là, les partenaires du SMC n'avaient pas assisté au même (triste) spectacle que le reste du public. Au-delà de l'aspect cocasse (pour ne pas dire plus) de cet ambivalence des comportements des suiveurs du club normand, en fonction s'ils regardent le match à un endroit ou à un autre du stade, cette 14e journée a semblé marquer un tournant pour le président caennais.
Jamais, depuis qu'il a été nommé à ce poste en août 2020, le dirigeant avait été ciblé par les supporters « Rouge et Bleu ». Bon, il ne fut pas le seul puisque même Pierre-Antoine Capton, dans des proportions, toutefois, incomparables, a eu le droit à sa « petite banderole » : « PA Capton, c'est à vous de prendre les bonnes décisions. Agissez pour le SMC ! » Auparavant, ce sont toujours les coachs (Pascal Dupraz, Stéphane Moulin, Jean-Marc Furlan) et les joueurs qui en avaient pris pour leur grade. Preuve que l'exaspération du peuple malherbiste a franchi un cap. La terrible série de dix rencontres consécutives sans victoire en championnat (4N-6D) et le contenu proposé, terriblement inquiétant par séquences, n'y sont, bien entendu, pas étrangers.
Le président Olivier Pickeu fragilisé depuis le départ de Stéphane Moulin à la fin de la saison dernière
Pour Olivier Pickeu, il s'agit d'un énième épisode au cours d'une année 2023 qui l'a fragilisé. Le départ de Stéphane Moulin au terme de la saison dernière a provoqué une cassure ; le technicien ayant pointé le président normand comme le principal responsable de la fin de son aventure en « Rouge et Bleu » même si dans cette histoire, aux zones d'ombres assez nombreuses, tout n'est pas noir ou blanc. Toujours est-il que cette séparation a laissé des traces, encore aujourd'hui. La parenthèse Jean-Marc Furlan s'étant révélée un échec cuisant, sans que l'on ne sache réellement le poids du dirigeant caennais dans ce choix, Patrice Sauvaget a été propulsé à la tête de l'équipe. Mais à chaque fois qu'il est interrogé sur ce thème, l'ex-n°2 ne cache pas son souhait de ne pas voir cet intérim se prolonger. "Pour des raisons qui me sont propres", s'est contenté de commenter ce proche de Stéphane Moulin, samedi, en conférence de presse. Sans trop risquer de se tromper, on peut avancer que ses relations extrêmement fraîches avec son président en font partie.
Le choix stratégique du prochain coach
Conséquence, l'Etat-major « Rouge et Bleu » est en quête d'un entraîneur. Que la piste interne soit privilégiée (Nicolas Seube) ou une solution extérieure plébiscitée, ce coach ne sera, au mieux, désigné que mardi après le passage devant la commission juridique de la LFP qui doit sceller, juridiquement, le licenciement de Jean-Marc Furlan. Pour Olivier Pickeu dont le côté intrusif sur le plan sportif peut en gêner certains, il s'agit peut-être de sa décision la plus importante depuis qu'il est aux commandes de l'opérationnel au Stade Malherbe. Le « patron » du SMC a grand besoin de reconstruire une relation de confiance avec un staff. Par ailleurs, outre le fait qu'il devra contribuer à stopper l'hémorragie et accessoirement, à assurer le maintien (avant leur match de lundi soir, les partenaires de Romain Thomas occupent la 16e place, celle de premier non-relégable, avec seulement trois points d'avance sur la zone rouge), le technicien en question sera censé impulser la politique sportive du club caennais sur les deux-trois prochaines saisons.
D'un point de vue extérieur, Olivier Pickeu et Pierre-Antoine Capton paraissent proches
Reste à savoir si ce choix si lui appartiendra ? Dans un article en date du 15 novembre, le quotidien L'Equipe émettait l'hypothèse que dans le cadre du changement d'actionnariat à venir avec l'offre de rachat de Pierre-Antoine Capton de la totalité des parts d'Oaktree, représentant 80% du capital, le producteur de TV trouvillais - qui détient déjà les 20 autres pourcents - serait tenté de revoir la gouvernance des « Rouge et Bleu ». A notre connaissance, aucun élément ne nous permet de confirmer ce scénario. Au contraire, il nous paraîtrait surprenant tant Olivier Pickeu et Pierre-Antoine Capton, d'un point de vue extérieur, semblent proches. D'ailleurs, il y a un mois, le premier faisait partie de la poignée de convives invités à la remise de la Légion d'honneur du second, à l'Elysée. Maintenant, en matière de football, et encore plus quand on parle du Stade Malherbe, on n'est plus à une surprise près !
C'est dans ce contexte rempli d'incertitudes que le président caennais retrouve Angers ; un club qu'il a façonné avec succès pendant 14 ans en tant que manager général, les « Noir et Blanc » passant sous son mandat du National à la Ligue 1, avec une finale de Coupe de France à la clé en 2017. Mais comme souvent avec les histoires d'amours, celle entre Olivier Pickeu et le SCO s'est mal terminée, très mal. Mis à pied en mars 2020 puis licencié pour « fautes graves, caractérisées et répétées », le dirigeant a poursuivi son ex-employeur devant les prud'hommes, obtenant 3 M€ de dédommagement même s'il en réclamait le double*. En appel, la procédure n'est toujours pas refermée. De ce divorce avec pertes et fracas est resté une profonde inimitié avec Saïd Chabanne, son ancien président ; les deux hommes ne s'adressant même plus la parole. Comme quoi, que ce soit à Angers, à Caen ou ailleurs, Olivier Pickeu ne laisse personne insensible.
*S'il n'a pas retenu le licenciement d'Olivier Pickeu pour « fautes graves, caractérisées et répétées », le Conseil des prud'hommes a reconnu que celui-ci reposait sur « une cause réelle et sérieuse ».