La question de la classification
"A ce jour, il n'y a pas de raison de penser qu'on descendra de catégorie"
Après avoir fonctionné pendant plusieurs années en mode low cost, tant sur le plan humain avec des staffs réduits à leur plus simple expression, ou presque, que financiers pour recruter des jeunes, le centre de formation du Stade Malherbe a bénéficié de ressources supplémentaires cette saison (adjoint, entraîneur des gardiens, analystes vidéo, kinésithérapeute, psychologue...) dans le sillage du rachat du club normand par Kylian Mbappé à l'été 2024. Alors que le budget alloué à la formation est estimé autour des 3 M€, le SMC aura-t-il les capacités de maintenir ce train de vie avec une rétrogradation en National ? "Je n'ai pas eu l'actionnaire en direct, mais en échangeant régulièrement avec Ziad Hammoud (le président), Jocelyn Flamand (le directeur général) et Reda Hammache (le responsable du recrutement), je sais que la formation est au cœur du projet et elle le restera", rassure Pascal Plancques, invité du podcast « Rouge et Bleu », il y a une semaine.
La classification de la structure caennaise dans les prochains mois constituera l'un des premiers indices pour vérifier la véracité des propos du successeur de Gérard Prêcheur au poste de directeur technique. Historiquement en Catégorie 1 (il existe au-dessus une Catégorie Prestige réservée à une poignée de clubs : PSG, Lyon, Monaco, Rennes, Saint-Etienne...), un passage à l'échelon inférieur permettrait aux dirigeants normands d'effectuer des économies à l'instant T ; le cahier des charges de la FFF étant nettement moins contraignant au niveau des infrastructures (terrains, synthétique, salles de musculation et de soins), du nombre d'éducateurs diplômés ou de l'accompagnement médical et socio-éducatif. Toutefois, "à ce jour, il n'y a pas de raison de penser qu'on descendra de catégorie", estime l'ancien adjoint de Claude Puel, tout en reconnaissant ne pas maîtriser toutes les données (économiques) du problème. "Dans tous les cas, on aura des moyens largement suffisants pour se montrer performant".
"Je sais que la formation est au cœur du projet et elle le restera"
Pascal Plancque
De toute façon, une déclassification du centre se révélerait incontestablement un mauvais calcul à moyen terme. Au-delà du message désastreux envoyé à l'environnement malherbiste (supporters, partenaires et, avant tout aux jeunes sous contrat et à ceux qui sont ciblés à l'avenir...), la formation « Rouge et Bleu » serait moins bien valorisée en Catégorie 2. A titre d'exemple, quand un club français vient débaucher un jeune chez l'un de ses concurrents nationaux, il doit s'acquitter d'indemnités*. En Catégorie 1, elles se portent à 90 000 € par année de présence du joueur dans le centre, à partir de l'âge de 16 ans. En « classe » 2, ce montant descend à 60 000 €. Peu importe la division fréquentée par le SMC la saison prochaine, la protection des « actifs » issus de sa formation demeure une priorité. Il faut dire qu'elle reste, et de loin, sa source de revenus n°1. Rien que pour cet exercice 2024-2025, selon le site spécialisé Transfermarket, 90% des 9,3 M€ de transferts réalisés proviennent de garçons passés par la structure normande(2). Bonne nouvelle pour le futur des « Rouge et Bleu », tous ses « prospects » se trouvent liés avec leur club formateur (Soan Ameline, Osmane Ndiaye, Othniel Pembélé, Cluver Sambi...).
(1)A condition que le club initial ait formulé une proposition au jeune en question avant le 30 avril.
(2)4 M€ pour Andréas Hountondji à Burnley, 2,70 M€ pour Norman Bassette à Coventry, 1 M€ pour Tidiam Gomis à Leipzig, 800 000 € pour Hugo Vandermersch à Daint-Gall. Ces montants ne tiennent pas compte d'éventuels bonus ou de pourcentages sur une future revente.
La question de la direction du centre
"Je ne prendrais pas cette décision seul, mais avec l'ensemble de la direction"
Afin d'apporter un peu plus de clarté au centre de formation du Stade Malherbe, la désignation de son directeur devra être très rapidement tranchée. Pour rappel, Matthieu Ballon, qui occupe ce poste depuis le mois de janvier 2024, n'avait été confirmé la saison passée dans ses fonctions que début juillet ! Son contrat pour ce rôle spécifique prenant fin au 30 juin (il est lié, par ailleurs, au SMC, jusqu'en 2026), son avenir va de nouveau être posé sur la table. Forcément, cette question risque de se révéler épineuse pour l'Etat-major caennais qui clame sur tous les toits que "l'ADN local est non-négociable". Peu importe les raisons, qu'elles soient fondées ou non à ses yeux, s'il était amené à se séparer de cet historique de la maison « Rouge et Bleu », présent quasi sans discontinuer depuis 2001 (!), ce discours, déjà fortement mis à mal ces derniers mois, deviendrait encore un peu plus inaudible pour de nombreux supporters et observateurs du club normand.
"Si demain, je devais être amené à quitter le club pour X ou Y raison, je ne veux pas que mon projet soit mis de côté"
Pascal Plancque
Interrogé, Pascal Plancque botte en touche : "Je ne prendrais pas cette décision tout seul, mais avec l'ensemble de la direction : Ziad Hammoud, Jocelyn Flamand et Reda Hammache". Mais le directeur technique l'assure : il ne brigue pas un cumul des mandats. Dans sa vision, les deux postes sont dissociés même s'il avoue qu'il vaut mieux que "les deux personnes soient complémentaires". Au-delà du cas du directeur, les éducateurs sportifs du centre de formation attendent un minimum de visibilité, alors que leurs métiers, par définition, sont précaires, avec des CDD d'une durée maximale de trois ans se succédant. A l'exception de l'entraîneur des gardiens Adrien Gato, dont l'engagement se termine cette saison, tous les autres techniciens se trouvent sous contrat jusqu'en 2026.
"Je ne suis pas là pour couper des têtes, mais pour avancer avec des gens qui prennent du plaisir à travailler", annonce Pascal Plancque qui pointe un manque de collaboration entre les différents staffs du centre ou à l'intérieur même d'un staff. L'ex-entraîneur de Boulogne, Niort et Nîmes leur a présenté son projet de jeu pour les équipes de jeunes il y a quelques semaines. "La fin de saison va me permettre de voir ceux qui sont capables d'appliquer cette politique technique. Si les éducateurs y adhèrent, il n'y a aucune raison de changer". Mais le natif de Cherbourg ne se contentera pas seulement d'une opération séduction de la part des entraîneurs en place. "Ce qui m'importe, c'est qu'ils soient convaincus par ce projet. Si demain, je devais être amené à quitter le club pour X ou Y raison, je ne veux pas qu'il soit mis de côté comme certains ont mis un peu aux oubliettes celui de Gérard Prêcheur quand il est parti". Rester plus de six mois en poste, contrairement à son prédécesseur, serait certainement un bon début pour marquer plus facilement le Stade Malherbe de son empreinte.
Le savoir-faire caennais et Kylian Mbappé pour lutter contre une possible perte d'attractivité

En cas de descente en National de l'équipe première, les jeunes pensionnaires du centre de formation du Stade Malherbe pourraient se voir proposer des contrats moins rémunérateurs, comme le permet la charte du football professionnel. ©Damien Deslandes
Dans un domaine ultra-concurrentiel comme le recrutement de jeunes joueurs, une descente en National pourrait sérieusement amoindrir le potentiel de séduction du Stade Malherbe. D'ailleurs, à l'heure des négociations avec les familles et leurs entourages pour les convaincre de signer leur protégé, certains clubs adverses n'hésitent de rappeler la situation sportive, pour le moins délicate, des « Rouge et Bleu ». "C'est vrai que ça peut créer une incertitude", concède Pascal Plancque. Pour autant, le directeur technique en est persuadé : le SMC aura toujours de solides atouts à présenter. "Caen a une excellente réputation en matière de formation. Les gamins, ce qu'ils souhaitent, c'est être bien formé et avoir la possibilité d'évoluer en équipe première". Si l'on se fie aux derniers exemples sortis de la pépinière normande (Brahim Traoré, Noé Lebreton, Godson Kyeremeh...), le Stade Malherbe apporte ces deux garanties. Et puis le club caennais, à en croire Pascal Plancque, a un joker dans sa manche en la personne de Kylian Mbappé. "L'identité de notre actionnaire constitue un facteur attractif pour les gamins et leur famille", ne cache-t-il pas. "Il n'y a pas même pas besoin d'insister là-dessus, ça se fait naturellement".
Reste la question des arguments financiers. Entre la Ligue 2 et le National, la charte du football professionnel prévoit une diminution de la rémunération minimum de 20 à 45% selon les différents contrats (stagiaires, pros), en fonction du cursus du jeune. A titre indicatif, à la signature d'un contrat stagiaire, un joueur touchera, de base, 778 €* la première année, 1 061 € la deuxième si son club fréquente le championnat de Ligue 2. Ce montant tombe à 424 € et 566 € en National. Idem pour un premier contrat professionnel avec un salaire minimum à 2 170 € en L2 et 1 680 € en N1. Bien sûr, rien n'oblige les dirigeants à rétribuer les pensionnaires de leur centre de formation au tarif de la charte. Tout est une question de moyens et de volonté politique. « La formation au cœur du projet Mbappé », on devrait bientôt être fixé.
*Toutes les sommes indiquées sont en brut.