Avec Jean-Marc Furlan aux manettes, on peut supputer que le futur projet de jeu du Stade Malherbe se voudra plus offensif qu’avec Stéphane Moulin, même si cela reste à démontrer. Toujours est-il qu’avec ses précédentes équipes, le technicien aquitain est souvent parvenu à combiner résultats et spectacle. C’est sa marque de fabrique. A cinq reprises (trois fois avec Troyes, une avec Brest et une autre avec Auxerre), il a connu la joie d’une montée en Ligue 1. Possède-t-il une recette magique ? Son passage sur le banc caennais permettra peut-être de répondre à cette interrogation.
Une moyenne mobile des expected goals supérieure 70% du temps à celle du championnat
Depuis 2016, Jean-Marc Furlan a disputé 218 journées de Ligue 2 avec le Stade Brestois et l’AJA. Au cours de ces six saisons, la moyenne mobile (soit sur une période de sept matches) des expected goals (xG)(1) des équipes qu’il a dirigées dépasse celle du championnat 70% du temps et 40% au-delà d’un écart type(2). A titre de comparaison, durant les deux exercices de Stéphane Moulin à la tête du Stade Malherbe (2021-2022 et 2022-2023), la moyenne mobile des xG des partenaires de Romain Thomas dépassait celle du championnat 83% du temps et 57% au-delà d’un écart type. Il faut dire que dans le sillage d’Alexandre Mendy et ses 19 réalisations, le SMC avait terminé avec la quatrième attaque la plus prolifique de L2 (52 buts). Des chiffres supérieurs à ceux de JMF. Faut-il en déduire que Stéphane Moulin est un entraîneur plus offensif que son successeur sur le banc normand ? On laissera à chacun le soin de se forger son opinion.
En poursuivant l’analyse de la moyenne mobile des expected goals des formations de Jean-Marc Furlan, on peut tirer d’autres conclusions :
> ses saisons brestoises étaient plus consistantes que leurs homologues auxerroises. La première aux commandes de l’AJA (2019-2020) fut délicate même s’il convient de préciser qu’elle s’est interrompue au bout de 28 journées à cause de la crise de la Covid-19 ; ce qui peut avoir son importance quand on connaît la méthode du technicien,
> les débuts de championnat de ses équipes sont parfois poussifs (4/6 10e et au-delà après cinq journées sur la période étudiée),
> à l’inverse, ses équipes sont performantes dans le dernier tiers du championnat ; ce qui tend à montrer sa capacité à faire progresser son groupe au fil de la saison et de l’apprentissage de ses « procédés ».
(1)Les expected goals sont une mesure statistique permettant d’évaluer la qualité des occasions de but d’une équipe ou d’un joueur. Le concept des xG repose sur l’idée que toutes les occasions n’ont pas la même probabilité de finir au fond des filets. Certains tirs ont une probabilité plus élevée que d’autres.
(2)L'écart-type est une mesure aidant à comprendre à quel point les expected goals (xG) varient par rapport à la moyenne du championnat. C’est une mesure de dispersion nous informant sur la variabilité des données autour de la moyenne. 68% des équipes se situent se situe entre +1 et -1 d’écart type de la moyenne, entre 1 et 1,4 xG par match.
9,8 d’indice PPDA et 52% de possession
Grâce aux indicateurs de possession et de pressing haut avec notamment les PPDA (Passes permises par action défensive), on observe des marqueurs forts dans la manière dont les équipes de Jean-Marc Furlan abordent un match. Depuis l’exercice 2016-2017, en Ligue 2, la moyenne de PPDA est de 10,6 et la possession moyenne est (évidemment) de 50%. Sur la même période, les formations de JMF affichent un indice PPDA inférieur à 9,8 et une possession supérieure à 52%. Conclusion : les collectifs made in Furlan pressent haut leurs adversaires quand ils n’ont pas le ballon et les dominent avec.
Toujours à titre de comparaison, ces deux dernières saisons, le Stade Malherbe de Stéphane Moulin pressait moins et affichait une possession inférieure (11,3 d’indice PPDA et 49,3% de possession en 2021-2022) aux équipes de JMF (hormis Brest en 2018-2019) même si ses chiffres de la saison dernière en sont très proches (indice PPDA de 10 et possession de 52,6%). En se basant sur ces indicateurs, la réputation d’entraîneur offensif de Jean-Marc Furlan ne semble pas usurpée. Ce fan de Pep Guardiola déploie, bel et bien, un style de jeu proactif avec et sans ballon.
Entre 4-1-4-1 et 4-2-3-1
Sur ses 218 compositions depuis le coup d’envoi de la saison 2016-2017, Jean-Marc Furlan a utilisé les deux tiers du temps (68%) un système en 4-5-1, décliné quasiment à parts égales en 4-1-4-1 (38%) et en 4-2-3-1 (30%). Une défense à quatre éléments est l’un de ses principes de base. Pour preuve, il n’a utilisé qu’à deux reprises un schéma avec trois axiaux. La dernière fois, avec Brest… le 20 novembre 2017 ! L’ex-coach de Troyes sait aussi s’adapter à ses adversaires. Quand il affronte des défenses avec trois centraux, il lui arrive d’opter pour une attaque à deux têtes (4-4-2) ou de privilégier un double pivot au milieu de terrain (4-2-3-1). Toutefois, ces ajustements ne sont pas automatiques.
Avoir connu une accession en Ligue 1
Lorsque le Toulouse FC a été racheté par le fonds d’investissement RedBird Capital en 2020, son président Damien Comolli avait identifié des facteurs pour monter en Ligue 1 en analysant les promus des saisons précédentes. Deux données paraissent nécessaires : un entraîneur qui a déjà connu une accession et pratiqué un football privilégiant une domination avec le ballon. Jean-Marc Furlan remplit ses deux cases. De là à dire que le Stade Malherbe montera pensant son mandat, il y a un pas qu’on se refuse de franchir.