Ce document était particulièrement attendu par les observateurs du Stade Malherbe. Cette semaine, la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) a publié son rapport sur la situation économique du football français, avec les résultats financiers de chaque pensionnaire de Ligue 1 et Ligue 2. Tout d’abord, avant d’approfondir ce propos, il convient de souligner que ces chiffres se rapportent à la saison passée, la dernière sous la présidence d’Olivier Pickeu pour le SMC, et sont donc antérieurs à son rachat par Kylian Mbappé*. Comme on pouvait le craindre, ils ne sont pas spécialement réjouissants pour la maison « Rouge et Bleu ». Pour cet exercice 2023-2024, le club normand a présenté l’un des pires bilans économiques de son histoire en deuxième division avec un résultat net négatif de 8,475 M€ ! Seuls l'ovni Bordeaux (- 55,399 M€), le Paris FC (- 14,104 M€) et Auxerre (- 13,955 M€) affichent plus de pertes sur cette période.
A Caen, deux raisons expliquent ce « trou » financier. Premièrement, son déficit structurel (avant la balance des transferts) s’est encore creusé. Il a dépassé les 11 M€ (11,121 M€) ! A titre d'information, il avait été ramené à 4,529 M€ deux ans auparavant (2021-2022) après avoir déjà franchi la barre des 11 M€ en 2020 (Olivier Pickeu évoque même le chiffre de 14 M€ à son arrivée, cette année-là) puis 2021 mais il avait doublé la saison suivante (2022-2023) : 9,141 M€. Un déficit structurel, colossale à l’échelle d’une équipe de Ligue 2, dont la cause n°1 reste toujours identique : une masse salariale XXL (dans laquelle les joueurs et le staff pèsent, en moyenne, en L2, entre 70 et 75% selon le rapport de la DNCG).
Le déficit structurel est passé de 4,5 M€ en 2021-2022 à plus de 11 M€ en 2023-2024
Elle se porte à 16,676 M€ (la septième plus élevée de L2), soit une augmentation de quasi 80% en l’espace de deux ans (9,28 M€ en 2021-2022 et 14,714 M€ la saison précédente) ! Pour donner un point de comparaison, elle est supérieure à l’ensemble des recettes(1), hors transferts, du Stade Malherbe (16,171 M€) ! Pas besoin d’être un expert de la finance pour comprendre qu’il s’agit d’un non-sens économique. Surtout que ce n'est pas l'unique poste de dépense des « Rouge et Bleu ». En parallèle, les autres charges ont également bondi de plus de 2 M€ pour atteindre 9,31 M€. La billetterie en hausse (3,2 M€ contre 2,7 M€), ainsi que le sponsoring (4,6 M€ contre 4,2 M€) tout comme les produits divers (3,5 M€ contre 3,1 M€) ne suffisent pas à la compenser.
Une augmentation de la masse salariale de 80% en deux saisons
Deuxièmement, et contrairement aux saisons d’avant (+ 6,398 M€ en 2023 et + 5,939 M€ en 2022), le SMC, sur cette période, a beaucoup moins vendu avec une balance des transferts positive de seulement 2,648 M€. Le processus de rachat par Coalition Capital (filiale d'Interconnected Ventures, qui gère les investissements de Kylian Mbappé) a-t-il paralysé une grande partie du mercato caennais, principalement au mois de juin 2024. C'est ce que met en avant Olivier Pickeu. Toutefois, bien que son bilan se soit considérablement dégradé durant cet exercice 2023-2024, il convient de rappeler que le club normand n’a fait l’objet d’aucune sanction de la part du gendarme financier du football français. Pour convaincre les responsables de la DNCG, ses actionnaires de l’époque (le fonds d’investissement Oaktree et/ou Pierre-Antoine Capton) ont comblé cette perte de 8,475 M€, en procédant notamment à une augmentation de capital à hauteur de 5 M€.
Rien ne laisse présager d'une relégation administrative en plus de la descente sportive en National
Si ce modèle économique, enfin si on peut le qualifier ainsi, reste extrêmement dépendant du bon vouloir de la capacité de son propriétaire à renflouer les caisses, peu importe son identité, ces chiffres, aussi alarmants soient-ils, ne présagent en rien de l’avenir du Stade Malherbe, et d’une potentielle relégation administrative à un échelon encore plus bas par rapport au niveau où il a de grandes chances de tomber sportivement, soit en National. Bien sûr, au regard des investissements dans les infrastructures (vestiaire, salle de musculation) et le personnel (cuisinier, analystes vidéo, éducateurs, joueurs…) sans oublier la baisse des droits TV (à diviser par deux dans le meilleur des cas après avoir touché 4,8 M€ en 2023-2024), il existe peu de chances pour que le déficit structurel ait diminué dans des proportions satisfaisantes cette saison (2024-2025).
Mais aucun indice ne laisse suggérer que Coalition Capital, qui a racheté 80% du SMC en connaissant ce contexte financier (même si certains bruits font écho de la découverte de quelques « cadavres » dans les placards par les nouveaux dirigeants), ne remettra pas la main au pot pour combler le déficit à venir en 30 juin 2025, sachant que la balance des transferts sera, cette fois-ci, largement positive (plus de 9 M€ de rentrées à date selon Transfermarket). Idem en National, si la descente se confirmait (lanterne rouge à sept points du barragiste à sept journées de la fin), pour construire un budget en prenant en compte la diminution des recettes (les droits TV avec une indemnité d'aide à la relégation comprise entre 1 et 1,5 M€) tout comme des charges (une quinzaine de joueurs en fin de contrat).
*Contacté, Ziad Hammoud n'a pas répondu à nos sollicitations, comme à chaque fois depuis qu'il a été intronisé à la présidence du SM Caen. Actionnaire minoritaire à hauteur de 20%, hier comme aujourd'hui, Pierre-Antoine Capton nous a indiqué ne pas souhaiter communiquer sur ce sujet. Vincent Catherine, représentant du fonds d'investissement américain Oaktree, quand celui-ci était l'actionnaire majoritaire du club normand, n'a pu être joint. Olivier Pickeu, l'ex-président du SMC, nous a envoyé par message, rappelant le contexte de son arrivée en 2020 avec « un déficit de 14 M€ », « la réalisation d'un PSE » (Plan de sauvegarde de l'emploi avec la suppression de nombreux CDI) et son départ « en juillet 2024, sans avoir pu réaliser les ventes prévues », tout en stipulant que les « Rouge et Bleu » avaient passé les deux tiers des 30 dernières saisons en deuxième division.
Evolution de la situation financière du SM Caen entre 2021 et 2024
Budget(1) | Résultat net | Déficit structurel | Masse salariale | Autres charges | Balance des transferts | |
Saison 2021-2022 | 15,52 M€ (4e) | + 1,34 M€ | - 4,53 M€ | 9,28 M€ | 8,85 M€ | + 4,53 M€ |
Saison 2022-2023 | 14,81 M€ (7e) | - 2,81 M€ | - 9,14 M€ | 14,71 M€ | 7,18 M€ | + 6,4 M€ |
Saison 2023-2024 | 16,17 M€ (7e) | - 8,48 M€ | - 11,12 M€ | 16,68 M€ | 9,31 M€ | + 2,65 M€ |
(1)Entre parenthèses, le rang du SM Caen parmi tous les budgets de Ligue 2 la saison en question.