Si vous avez fait un tour par Venoix cette saison pour regarder les féminines du Stade Malherbe, vous n'avez pas pu la rater. Du haut de 1,70 m et de son gabarit conséquent, la nouvelle recrue caennaise en impose à la pointe de l'attaque. Arrivée cet été en Normandie, Korka Fall se fait remarquer. Elle a attiré l'attention de notre rédaction, grâce à ses statistiques mais aussi son parcours atypique. Originaire de Mbour, une petite ville située à l'Ouest du Sénégal, à environ 80 kilomètres au Sud de Dakar, la n°20 des « Rouge et Bleu » a tapé dans son premier ballon à l'âge de 12 ans, poussée par son frère et ses parents. "J'aimais vraiment le foot", se souvient parfaitement l'attaquante du SMC. Cette passion ne l'a jamais quittée. Elle en a même fait une priorité tout au long de sa vie. Sa première licence ? C'était au club de Dorades dans sa ville natale mais elle a rapidement quitté le pays pour jouer en Espagne, au Transportes Alcaine, à Saragosse. A l'époque, Korka Fall fut la première joueuse africaine à évoluer en première division espagnole, à seulement 20 ans. "C'était dur pour moi. J'étais trop jeune et je ne connaissais rien là-bas", rembobine celle qui a été appelée en sélection nationale à la même période.
L’aventure ibérique se termine en 2012, lorsqu'elle retourne dans son club formateur avant de rejoindre, neuf ans plus tard, le club des Aigles de Médina où elle termine meilleure buteuse du championnat sénégalais avec 21 réalisations. En club comme avec Les Lionnes de la Teranga en sélection, la néo-Caennaise terrorise toutes les défenses. En 2023, du haut de ses 33 ans, elle atterrit à l'AS Dakar Sacré Cœur, champion du Sénégal en 2020-2021. Là encore, elle martyrise les adversaires et fait parler d'elle. Sur ses trois saisons passées dans ce club, elle inscrit 66 buts.
"Au Sénégal, on s'entraînait du lundi au vendredi, avec un match le week-end, sans toucher de salaire"
Mais en décembre 2023, le goût du voyage rattrape Korka Fall. "Je voulais venir en France", assume la Malherbiste. "Au Sénégal, les conditions sont très difficiles. On s'entraînait du lundi au vendredi, avec un match le week-end, sans toucher de salaire". Sa deuxième aventure en Europe l'emmène du côté de Grenoble, où elle découvre la D3 féminine. Elle n'y restera que six mois, préférant s'engager pour le club normand l'été dernier. "A Grenoble, j'ai été victime de racisme. Je voulais partir". Des discussions entre son agent et la coach Chloé Charlot ont rendu le projet possible. Sa compatriote au milieu de terrain, Adama Fall, au SMC depuis deux ans, a également joué l'intermédiaire. N'y voyez, toutefois, aucun lien de parentalité entre les deux jeunes femmes. "Adama m'a dit qu'il y avait de bonnes joueuses et une bonne équipe. Elle m'a convaincue de venir", admet son homonyme. "J'ai aussi de bonnes amies qui jouent à l'Olympique de Marseille (Mama Diop et Ndeye Awa Diahkate), c'était important pour moi de rester en France".
A Caen, Chloé Charlot cherchait une buteuse
Ne lui parlez pas d'âge. A 33 ans, Korka Fall veut s'offrir une seconde jeunesse au Stade Malherbe. Deuxième recrue du mercato estival opéré par Chloé Charlot, l'attaquante de pointe, capable d'évoluer n°10, s'est vite imposée comme une pièce maîtresse de l'effectif « Rouge et Bleu ». En championnat, elle a toujours démarré dans le onze titulaire. Sa taille et son gabarit imposant constituent des atouts indéniables. "Elle a un profil grand et athlétique qui lui permet de garder le ballon dos au jeu. Elle permet à l'équipe de conserver le ballon là-haut sur le terrain", vante son entraîneure. "Elle est aussi capable de jouer des deux pieds". Et, surtout, le SMC était à la recherche d'une buteuse. "La saison dernière, on était solide défensivement mais on n'arrivait pas à tuer l'adversaire. Je cherchais une joueuse capable de faire mal dans la finition sans avoir 50 occasions", poursuit la technicienne.
"J'ai vu mon papa pleurer quand j'ai marqué un but avec le Sénégal. Je ne pourrais jamais l'oublier"
Chloé Charlot semble être servie. La preuve dès le premier round de la saison face à Bourges, où son attaquante marque l'unique but caennais. Ayant trouvé à trois reprises le chemin des filets en six journées de D3, dont deux réalisations sur les deux dernières sorties (contre Auxerre et à Angers), Korka Fall s'impose comme la meilleure goleador du collectif « Rouge et Bleu » en championnat, juste devant Li-Lou Debaecker (2). "J'aime marquer des buts. Quand je n'y arrive pas, je m’énerve", plaisante l'une des aînées de l'équipe. Korka Fall n'est pas une joueuse de profondeur. Ses coéquipières la trouvent plutôt dans les pieds, en point d'appui, elle qui est capable de distribuer le ballon. Un talent inné sans oublier que la n°20 du Stade Malherbe a dû s'adapter au football français. "Ici, ça joue beaucoup plus vite dans les espaces. Je cours beaucoup plus en France !", sourit celle qui fait du Belge Kevin de Bruyne son idole.
Si elle aime regarder le football anglais et son équipe favorite de Manchester City, c'est sous un autre maillot que Korka Fall s'éclate. Celui des Lionnes du Sénégal. Depuis sa première titularisation en 2010, l'attaquante n'a plus jamais quitté la sélection. Elle en est même la capitaine depuis la saison dernière. Un rêve de gamine qui lui a permis de disputer à deux reprises la Coupe d'Afrique des Nations en 2012 et 2022. "Je suis très fière de jouer pour mon pays. Ça me donne confiance", raconte la nouvelle recrue du club caennais. Son rêve ? Devenir championne d'Afrique avec son pays en 2025, sous les yeux de son papa, Abdou. De quoi lui rappeler de jolis souvenirs. "J'ai vu mon papa pleurer quand j'ai marqué un but avec le Sénégal. C'était lors des qualifications pour la CAN en 2022. Je ne pourrais jamais l'oublier". Peut-être qu'un jour il viendra la voir scorer sous le maillot caennais...
> D3F. J7 - SM Caen (10e - 5 points) / ESOF La Roche Vendée (5e - 10 points), dimanche 17 novembre à 14 H 30 au Stade de Venoix-Claude-Mercier.
Léa Quinio