On reproche souvent aux journalistes d'analyser les matches uniquement à travers le prisme des résultats. Ces dernières semaines, on a bien eu l'impression que ce sont l'entraîneur et les dirigeants du Stade Malherbe qui se sont contentés du score brut pour asséner « leur » vérité, mettant en avant une force de caractère pour revenir au score contre Auxerre et Valenciennes (là-dessus, on ne peut pas les contredire), occultant parfois un contenu catastrophique en première période quand ce n'est pas sur les deux tiers de la rencontre, nous abreuvant de chiffres favorables, des données biaisées par des scénarios où il faut remonter un ou deux buts, ou justifiant un retard à l'allumage par des charges de travail très importantes la semaine pensant certainement que les adversaires font de la poterie dans le même temps. Mais ce week-end, il n'y a pas eu de « miracle » dans les ultimes minutes pour sauver les apparences, pour se raccrocher aux branches, pour entretenir l'illusion que le pire était derrière eux...
Certes, le club normand a encore livré une meilleure copie en seconde mi-temps qu'en première (en même temps, il est parfois difficile de faire pire) en multipliant notamment les situations dangereuses sur les cages troyennes dans le dernier quart d'heure. Mais le constat est implacable : les « Rouge et Bleu » se sont inclinés pour la sixième fois en l'espace de neuf journées, ne glanant que trois « malheureux » points, via autant de nuls, sur 27 possibles ; soit le pire bilan des 20 écuries de Ligue 2 sur cette période ! Pourtant, l'adversaire du week-end n'avait rien d'un foudre de guerre : l'Estac avec son entraîneur Patrick Kisnorbo qui restait sur une impressionnante série de deux succès... en 35 rencontres depuis l'arrivée du technicien australien sur son banc fin 2022 (!), à l'époque en Ligue 1. Mais l'équipe la plus malade des deux n'était peut-être pas celle que l'on croyait avant le coup d'envoi.
Habitué à travailler avec des hommes de confiance dans ses précédents clubs, Jean-Marc Furlan est arrivé sans le moindre adjoint au SMC ; une condition imposée par la direction caennaise. ©Damien Deslandes
Personne ne peut être surpris par Jean-Marc Furlan
Forcément, quand on est enfermé dans une telle spirale négative, le coach se retrouve toujours en première ligne. A Caen, Jean-Marc Furlan n'échappe pas à la règle. Il faut dire que le principal intéressé ne fait rien pour éteindre l'incendie. Conférence de presse après conférence de presse, ses sorties médiatiques sur les jeunes (sa cible favorite), l'arbitrage, l'importance des trois derniers mois de compétition (oubliant qu'il y en a sept autres avant) apparaissent complètement déconnectées de la réalité du terrain. Avant le déplacement dans l'Aube, interrogé à réagir sur les propos de Pierre-Antoine Capton, dans les colonnes d'Ouest-France, le 21 octobre ; le co-propriétaire du SMC indiquant qu'il se poserait "les questions nécessaires" avec Olivier Pickeu et l'équipe après une série de trois matches se terminant à Troyes, le technicien aquitain s'est fendu d'une réponse pour le moins vulgaire : "Sincèrement, je m'en bats les c..., je m'en fiche".
Alors, bien sûr, si le Stade Malherbe trônait sur la Ligue 2 comme à la fin du mois d'août, cela passerait au second plan. Mais c'est très loin d'être le cas. Cela étant, personne ne peut s'étonner de la communication du coach caennais. On n'a pas attendu que Jean-Marc Furlan débarque en Normandie pour le découvrir ou pour savoir que ses relations avec ses dirigeants sont souvent volcaniques. Tout comme son peu d'appétence à faire jouer les jeunes. Il suffit de passer trois coups de téléphone dans le milieu du ballon rond. D'où la curiosité de nombreux observateurs quand le choix des dirigeants « Rouge et Bleu », qui ne cessent de rappeler à qui veut bien l'entendre que la formation constitue une priorité, s'est porté sur lui. De là, à parler d'une erreur de casting, il n'y a qu'un pas...
pourquoi le recruter sans son staff ? pourquoi Jean-Marc Furlan a accepté de venir sans adjoint ?
En même temps, on ne peut pas vraiment dire que Jean-Marc Furlan ait été placé dans les meilleures dispositions pour performer. Même si l'argument économique s'entend parfaitement, pourquoi ne pas lui avoir permis de venir avec un ou plusieurs de ses adjoints, lui qui a l'habitude de travailler avec des hommes de confiance à l'image de Michel Padovani, son n°2 pendant dix ans. Comment imaginer que former un staff avec un proche de Stéphane Moulin, l'entraîneur précédent, qui ne souhaitait pas vraiment rester (Patrice Sauvaget), un historique du club (Eddy Costil), un novice à ce niveau arrivé il y a 11 mois pour pallier un manque d'éducateurs diplômés au centre de formation (Denis Moutier), sans oublier le frère du président (Benoît Pickeu) puisse constituer un délicieux cocktail ? D'ailleurs, on peut également se demander pourquoi Jean-Marc Furlan, fort de ses 25 ans d'expérience sur un banc, a accepté ce poste dans ces conditions ? Certains de ses confrères, eux, ont refusé.
Souvent en première ligne devant les médias, le capitaine Romain Thomas, comme plusieurs de ses coéquipiers, est loin de son meilleur niveau sur le terrain. ©Damien Deslandes
Ne pas croire que le club est en danger serait une grave erreur
L'ex-coach de l'AJA n'est pas non plus aidé par la prestation de quelques-uns de ses joueurs, principalement en défense. Alors qu'on était les premiers à militer pour qu'il ait sa chance après le départ d'Ibrahim Cissé, force est de reconnaître que Manu Ntim ne répond pas aux attentes. L'arrière ghanéen est en moyenne fautif un but par match actuellement. Son erreur d'appréciation sur ce ballon aérien aboutissant à la seconde réalisation troyenne en est la parfaite illustration. Mais le n°91 des « Rouge et Bleu » n'est pas le seul à blâmer. N'hésitant jamais à s'arrêter devant les micros, son compère de la charnière centrale est également à la peine. Comment un élément avec l'expérience de Romain Thomas peut-il se jeter comme un « pupille » sur le crochet de Kouadou Assoumou ? Bien sûr, sont-ils mis dans les meilleures dispositions durant la semaine pour performer le samedi soir ? Si l'on se fie à certaines déclarations du capitaine normand, il y a des raisons d'en douter. L'éternelle question de l'œuf ou la poule.
Pierre-Antoine Capton et le président Olivier Pickeu également en première ligne
Quoi qu'il en soit, l'Etat-major malherbiste ne va pas renouveler une large partie de son effectif dans les prochaines semaines. Pour relancer un collectif à la dérive, il lui reste le levier du changement d'entraîneur. Un technicien que les dirigeants caennais ont choisi il y a moins de cinq mois, en tout cas certains d'entre eux. Comme mentionné précédemment, il se murmure dans les couloirs de d'Ornano que Jean-Marc Furlan était plutôt une idée de Pierre-Antoine Capton (PAC) que du président Olivier Pickeu. Pour tous les motifs évoqués plus haut, aujourd'hui, le coach des « Rouge et Bleu » est plus que jamais sous pression. Cette situation n'a pas l'air de l'émouvoir plus que ça. Le board, lui, joue gros dans cette histoire, y compris financièrement.
Un licenciement de Jean-Marc Furlan, sous contrat jusqu'en juin 2025, coûterait au bas mot plusieurs centaines de milliers d'euros. Loin d'être négligeable pour un club qui affiche toujours un déficit structurel autour des 5 M€. Cette donnée peut-elle entrer en compte alors que PAC a annoncé avoir déposé une offre pour racheter la totalité des parts d'Oaktree. Mais si on considère que la direction s'est trompée cet été en engageant cet entraîneur, s'entêter avec ce même technicien pourrait avoir des conséquences bien plus graves. Car, au regard de sa dynamique, le SMC, à l'instant où l'on écrit ces lignes, lutte pour ne pas être relégué en National. Tous ceux qui affirment le contraire sont naïfs ou ne connaissent strictement rien au football. Demandez aux supporters de Dijon, Nancy ou du Mans s'ils imaginaient ces dernières saisons voir leur club favori descendre à ce stade du championnat.