Le mariage avorté entre le Stade Malherbe et Kylian Mbappé, alors âgé de 14 ans et pensionnaire de l’INF Clairefontaine, tous les supporters caennais le connaissent. La photo où il porte le maillot « Rouge et Bleu », à l’occasion d’un tournoi de jeunes à Nantes aux côtés de Joé Kobo, Azzedine Toufiqui, Owen Maes ou encore Jessy Deminguet et sous la houlette de Matthieu Ballon, l’actuel directeur du centre de formation normand, a fait à plusieurs reprises le tour des réseaux sociaux. "On l’avait invité aussi avec son club de Bondy à disputer le Challenge Jean-Pingeon (organisé par l’association du SMC). Le même week-end, le PSG l’avait convié à un tournoi en Espagne mais il était venu à Caen. Il avait été élu meilleur joueur de cette édition", se souvient Laurent Glaize, responsable de la cellule de recrutement des jeunes à Malherbe à l’époque et, aujourd’hui, vice-président du SU Dives-Cabourg (N3).
Rembobinons le fil de l’histoire. Nous sommes en 2013. Grâce à une information de Mohamed Segueni, l’un de ses recruteurs en région parisienne (à l’origine, entre autres, de la venue de Mbaye Niang au SMC et désormais agent), le Stade Malherbe se penche sur le cas de ce jeune footballeur extrêmement prometteur, auquel on prédit un grand avenir. Le suivi va durer trois ans ! Grâce à un important travail relationnel, largement mené par David Lasry, le bras-droit de Laurent Glaire, auprès de ses parents, Fayza et Wilfried, le capitaine de l’équipe de France est à deux doigts de s’engager avec le club normand. Pourtant, la concurrence, incarnée notamment par le Real Madrid qui a dépêché ni plus ni moins que Zinédine Zidane comme ambassadeur, est féroce. Mais les responsables du centre de formation des « Rouge et Bleu » ont convaincu la famille du futur phénomène du football français.
"David (Lasry) cherchait Franck (Dumas) partout, il était en train de se faire un sandwich dans le self"
"Ses parents n’en ont jamais fait une question d’argent. Pour eux, ce qui comptait, c’était le sportif. Ils voulaient savoir à quel moment leur gamin, qu’ils considéraient en avance par rapport aux autres de son âge, allait passer pro", raconte Laurent Glaize. « A 16 ans », leur a répondu Franck Dumas lors d’un rendez-vous que l’actuel dirigeant divais n’est pas près d’oublier. "Franck, comme à son habitude, était arrivé un peu en retard (sourire). Je me rappelle l’avoir vu arriver dans sa Panamera. David le cherchait partout, il était en train de se faire un sandwich dans le self". Avec son franc-parler qui le caractérise tant, celui qui était le manager général et l’entraîneur de l’équipe première séduit les parents de Kylian Mbappé. "Ça a bien matché avec Fayza. Ils ont fumé une clope ensemble. Avec Wilfried, il leur a expliqué qu’il aimait bien les jeunes, qu’il n’avait pas peur de les lancer".
"On m'a demandé de lâcher Kylian Mbappé (...) Après, ça peut aussi se comprendre"
Tout est ficelé : un contrat aspirant de trois ans suivi d’un autre dans la foulée, professionnel celui-ci, d’une durée identique avec une prime à la signature de 180 000 € si l’équipe caennaise évolue en Ligue 1, 120 000 € en Ligue 2. Conformément à la volonté de ses parents, Kylian Mbappé doit même rejoindre le Stade Malherbe dès 2012 mais la FFF refuse sa demande de licence ; les règlements n’autorisant pas un jeune de moins de 15 ans à signer pour un club localisé à plus de 50 km de son domicile. "J’ai encore le document de la demande de dérogation formulée par ses parents à la fédération chez moi", confie Laurent Glaize. Peu importe, tout est reporté à la saison suivante (2013-2014), une fois l’âge requis.
Problème de taille, le SMC, relégué en Ligue 2 à l’été 2012, n’a pas réussi à remonter à l’étage supérieur comme il l’imaginait. Le club normand est alors confronté à des restrictions budgétaires. Ses dirigeants estiment alors le pari trop risqué financièrement pour un joueur si jeune par rapport à ses capacités financières du moment. "On m’a demandé de lâcher Kylian Mbappé", lance l’ancien responsable du recrutement du centre de formation. Forcément, avec le recul, au regard de la carrière du nouvel attaquant du Real Madrid, ce montant paraît dérisoire à l’échelle du monde du football. "Après, ça peut aussi se comprendre. Ça représentait une somme. Il y avait emplois administratifs en jeu". C’est finalement Monaco qui avait raflé la mise.
Des débuts « pros » contre le Stade Malherbe, une ovation à d’Ornano...
Le 19 mars 2017, auteur d'un doublé et ayant provoqué un penalty contre le Stade Malherbe sous le maillot de l'AS Monaco, Kylian Mbappé avait reçu une ovation de la part des 20 000 spectateurs de d'Ornano. ©Roland Le Meur
Moins de trois ans après avoir failli y signer, Kylian Mbappé retrouve sur son chemin le Stade Malherbe. Et pas pour n’importe quel événement… Le 2 décembre 2015, du haut de ses 16 ans et 11 mois, l’international tricolore effectue son baptême du feu chez les professionnels avec l’AS Monaco. L’adversaire ce soir-là : le SMC. Une poignée de minutes au Stade Louis II qui marque le début d’une riche carrière.
Un an et demi plus tard, Kylian Mbappé affronte de nouveau l’équipe caennaise, cette fois-ci, à Caen. Auteur d’un doublé et ayant provoqué un penalty transformé par Fabinho, le néo-Madrilène martyrise l’arrière-garde « Rouge et Bleu » et notamment Damien Da Silva d’une accélération dévastatrice. Cette performance lui vaut de recevoir une standing ovation de la part des 20 000 spectateurs de d’Ornano à sa sortie du terrain. Une reconnaissance du public suffisamment rare pour un joueur d’une équipe adverse qui a peut-être un lien avec la révélation de son passé caennais la semaine précédant le match (lire ci-dessus). Quelque chose nous dit que la prochaine fois que Kylian Mbappé se présentera sur la pelouse de d’Ornano, en tant que propriétaire de Malherbe, il devrait de nouveau recevoir des applaudissements.