La digitalisation de notre société a rendu caduque la célèbre citation de l’artiste Andy Warhol : "À l'avenir, chacun aura droit à 15' de célébrité mondiale". L’attention du public et des médias est encore plus fugace aujourd’hui que dans les années 1960 et ce phénomène est encore plus vrai dans le monde du football. Amplifiée par les réseaux sociaux, « l’enflammade » est de rigueur dès qu’un jeune joueur apparaît dans les radars. L’éclosion de Kélian Nsona n'y fait pas exception. Encensé par son entraîneur après un début d'exercice 2020-2021 canon, la nouvelle pépite caennaise se retrouve sous le feu des projecteurs.
Après la défaite du SMC face au Paris (J9. 3-1, le 31 octobre), Kélian Nsona totalisait neuf titularisations en autant de journées disputées pour un temps de jeu de 796'. Un vrai tour de force opéré alors que l’an passé, pour son baptême du feu en professionnel, il n’avait joué que 167' en Ligue 2 réparties sur cinq rencontres pour deux titularisations seulement. Le n°21 des « Rouge et Bleu » qui a soufflé sa 18e bougie le 11 mai a convaincu Pascal Dupraz avant tout grâce à une débauche d’énergie digne d’un joueur d’élite. En effet, il n’est pas rare de voir l'attaquant dépasser la vingtaine de courses à très haute vitesse (supérieure à 25 km/heure). Doté d’un gros moteur, il a même franchi la barre des 11 kilomètres parcourus à l'occasion de la réception d’Ajaccio (J2. 1-0, le 29 août) ; ce qui constitue une performance très élevée pour un élément jouant sur les côtés.
Un taux de réussite de 65,3% sur ses dribbles
Cette faculté à répéter les courses séduit le coach savoyard qui a vu en lui, le joueur idoine se fondant parfaitement dans son projet de jeu : un ailier contre-attaquant, peu avare en efforts sans ballon pour refermer les espaces. L’international U18 en équipe de France, encore appelé lors de la trêve d’octobre, a assimilé les consignes et attentes de son entraîneur après un début de carrière laborieux. Repositionné sur le côté gauche, Kélian Nsona semble disposer de beaucoup plus de repères pour mieux se situer et surtout faire plus de différences avec une confiance gonflée à bloc.
Comme illustré dans le graphique ci-dessous, il se classe parmi les meilleurs dribbleurs européens avec une moyenne de huit dribbles par 90' pour un taux de réussite de 65,3%. Peu de joueurs font mieux que lui. A titre de comparaison et pour témoigner de la progression de ses performances, la révélation malherbiste n’avait réalisé que 5,4 dribbles par 90’ la saison dernière pour un taux de réussite de seulement 50%. Comme évoqué précédemment, son repositionnement sur l'aile gauche n'y est sûrement pas étranger.
Son placement en faux pied, c’est-à-dire un droitier à gauche, lui permet de faire des ravages car il est en réalité un « faux faux pied » ! Oui, le natif d'Ivry-sur-Seine n’est pas maladroit avec son pied gauche. Il parvient à frapper fort de son pied réputé faible. Sa conduite de balle du droit sème le trouble dans la tête des défenseurs qui s’attendent à ce qu’il revienne vers l’intérieur pour utiliser son pied fort. Mais on le verra plutôt cadrer son adversaire en position arrêtée ou semi-arrêtée, accélérer soudainement en poussant son ballon pied droit et en contournant par la gauche son vis-à-vis pour ensuite soit centrer ou tirer de son « mauvais » pied sans se faire reprendre grâce à sa vitesse.
Un cadrage-débordement élégant façon rugbyman : après le contrôle du ballon suite à une passe venant le plus souvent de la droite, les appuis et le corps laissent à penser que Kélian Nsona va rentrer intérieur pour subitement déborder de l’autre côté sur l’extérieur, prenant à contre-pied le défenseur en accélérant plein gaz. La réussite de son geste est avant tout conditionnée par le bon timing de l’accélération en fonction des appuis, de l’orientation du corps et du défenseur. D’ailleurs, le Caennais adore initier son action par une conduite de balle avec la semelle du pied droit.
Les plus grands dribbleurs sont souvent reconnaissables grâce à un « skill » unique (compétence particulière à réaliser quelque chose de rare, personnelle et répétée). Le n°21 des « Rouge et Bleu » s’en est trouvé un explosif, identifiable mais surtout redoutable comme en témoignent ses sept dribbles réussis sur huit tentés face à Ajaccio. Pour autant, ce n’est pas encore suffisant pour inscrire des buts. En choisissant le contournement de l’adversaire par l’extérieur, la panoplie d’actions restantes est restreinte. L’angle de tir est, par exemple, considérablement réduit. Réussir à marquer de cette position et de son pied le moins fort relève de l’exploit. Au bout de six matches, il totalisait sept tirs pour un total de 0,55 expected goals soit 0,078 but attendu par frappe ; ce qui est extrêmement faible et explique que son compteur but soit encore vierge.
Maintenant, il doit marquer
S'il veut prolonger son quart d’heure de célébrité, le Normand d'adoption devra montrer qu’il sait faire des stats. On n’allume pas les radars des scouts des tops clubs européens sans but ou passe décisive car sa qualité de dribble ne suffira sûrement pas surtout si elle manque de variété. Pour pouvoir être décisif, Kélian Nsona va devoir faire évoluer sa façon de jouer, lui qui n’est, pour le moment, pas inscrit dans l’expression collective caennaise : il reçoit en moyenne seulement 11 passes par match… Les défenseurs de L2 vont raisonnablement adapter leur manière de défendre en un contre un dans les prochaines semaines.
Cartographie des tirs de Kélian Nsona sur les six premières journées. les quatre frappes les plus à gauche du terrain révèlent la façon de se créer des occasions avec une faible chance de succès.
S'il veut prolonger son quart d’heure de célébrité, le Normand d'adoption devra montrer qu’il sait faire des stats. On n’allume pas les radars des scouts des tops clubs européens sans but ou passe décisive car sa qualité de dribble ne suffira sûrement pas surtout si elle manque de variété. Pour pouvoir être décisif, Kélian Nsona va devoir faire évoluer sa façon de jouer, lui qui n’est, pour le moment, pas inscrit dans l’expression collective caennaise : il reçoit en moyenne seulement 11 passes par match… Les défenseurs de L2 vont raisonnablement adapter leur manière de défendre en un contre un dans les prochaines semaines.
Pour ne pas être qu’un simple dribbleur explosif, son cadrage-débordement doit évoluer et on peut donc espérer le voir « cuter » vers l’intérieur du terrain depuis son côté gauche pour pouvoir claquer une frappe depuis son pied fort, le droit, à l'image de son but pendant l’Euro U17, en Irlande, en mai 2019. Ce jour-là, face à la République Tchèque, il avait été le grand artisan de la qualification des Bleuets en demi-finale en délivrant une passe décisive et en inscrivant un but. A revoir donc avec le maillot « Rouge et Bleu ».