La décision de racheter le Stade Malherbe
"Ce fut un cri du cœur"
Au terme de six mois de tractations en coulisse, Pierre-Antoine Capton a vu son projet de reprise du Stade Malherbe aboutir. Le Stade Malherbe, son club d'enfance, celui dont il allait regarder les matches gamin, accompagnant son grand frère, Jérôme, à Venoix. A l'heure de boucler ce processus de rachat, quel sentiment prédomine chez le producteur TV trouvillais ? "Celui du travail accompli", lâche-t-il tout en confiant être également "soulagé". Tout est parti d'une réunion des actionnaires au mois de mars. "Le club était dans une situation économique et sportive difficile", pointe le nouveau président du Conseil de surveillance des « Rouge et Bleu ». "Nous devions trouver une solution. Je me suis proposé. Je ne sais pas pourquoi, ce fut un cri du cœur. Je me suis mis la pression mais au final, on y parvenus dans les meilleures conditions possibles".
Et quand on lui avance que certains se sont un peu impatientés le temps que tout se concrétise, PAC rétorque - "sans aucune prétention" - qu'il a "rarement vu un dossier aussi rapide". Et l'homme de télévision sait de quoi il parle, lui qui avec Mediawan a acquis plusieurs sociétés ces dernières années. "Il ne faut pas oublier non plus qu'on a dû jongler avec une gouvernance assez complexe avec des actionnaires principaux (le SMC 10), le Club des 50, l'association, la mairie de Caen... Il y avait beaucoup de monde autour de la table. Vous ne rachetez pas un club en claquant des doigts, en signant un chèque et en mettant tout le monde dehors", indique Pierre-Antoine Capton qui tient à saluer le rôle de Pierre Esnée (l'ancien président du SMC 10) durant cette période.
L'association avec le fonds d'investissement Oaktree
"Une chance inouïe pour le Stade Malherbe"
En France, quand on associe les termes football à fonds d'investissement étranger, les poils des supporters ont tendance à se hérisser. Il faut dire que certains précédents dans notre pays ont de quoi refroidir plus d'un fan. "Vous savez, des fonds d'investissements, il en existe beaucoup. J'en ai rencontré certains moins respectueux des valeurs du Stade Malherbe, qui auraient pu détruire son identité et qui seraient venus en misant uniquement sur un potentiel de son joueur", ne cache pas Pierre-Antoine Capton. Mais avec Oaktree, le fondateur de la société de production 3e Œil assure que ça ne va pas se passer ainsi. "Ma responsabilité était de chercher un partenaire qui avait du respect pour l'histoire du club tout en étant ambitieux. C'est pourquoi Oaktree était le meilleur choix possible. C'est une chance inouïe pour le Stade Malherbe".
La présence de Vincent Catherine, Normand d'origine (il est né à Cabourg), à la tête de la branche française d'Oaktree a aussi compté dans ce choix. "C'est un vrai plus. On entretient d'excellentes relations humaines". Mais pourquoi un fonds pesant 125 milliards de dollars d'actif sous gestion (au 31 décembre 2019) a décidé de s'investir au SMC ? "Je ne parlerai pas à leur place mais leur présence confirme que la marque, l'écosystème, le public font que le Stade Malherbe possède un vrai potentiel", détaille PAC. Ils s'intéressaient au sport depuis longtemps. Ils auraient pu investir dans des plus gros clubs s'ils l'avaient voulu".
La situation économique du Stade Malherbe
"Des recettes de Ligue 2 avec une infrastructure de Ligue 1"
Comme nous l'avons répété à de maintes reprises dans ces colonnes, si ce projet de reprise a vu le jour, c'est avant tout parce que la pérennité économique du Stade Malherbe était menacée à moyen terme. D'ailleurs, selon plusieurs sources, lors de son prochain passage devant le gendarme financier du football français à la mi-septembre, les nouveaux actionnaires du club normand devront présenter des garanties (on évoque une somme comprise entre 4 et 6 M€*). Des difficultés que Pierre-Antoine Capton ne cherche pas à masquer. "Je ne vais pas rentrer dans le détail des chiffres avant notre passage devant la DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion). Pour résumer notre situation, nous sommes un club de Ligue 2 avec les recettes qui vont avec, droits TV, sponsoring, billetterie, mais avec une infrastructure de Ligue 1 à supporter sur le plan administratif, financier, sportif...".
Pour "redimensionner le Stade Malherbe à l'échelle économique de la Ligue 2", le producteur de télévision trouvillais ne s'en cache pas : il faudra prendre des décisions difficiles mais "indispensables". "Sinon, l'argent qu'on va investir sera rapidement perdu. On sera contraint de partir, quelqu'un d'autre reprendra ou pas... Ce sera une situation sans fin". Si la réduction de l'effectif professionnel (33 éléments sous contrat avant la signature de Yoann Court) constitue, bien entendu, une priorité, le personnel administratif (en comptant les joueurs et le staff, le SMC comptait environ 170 salariés en fin de saison dernière) ne devrait pas échapper à ce plan de réduction des dépenses. Une mission confiée à Arnaud Tanguy, le directeur général. Plusieurs départs ont déjà été actés. D'autres devraient suivre prochainement.
La nomination d'Olivier Pickeu comme président exécutif
"L'arrivée d'Olivier Pickeu est une preuve de l'ambition du club"
Pour gérer le Stade Malherbe au quotidien, Pierre-Antoine Capton et Oaktree ont nommé Olivier Pickeu comme président exécutif. "Tout d'abord, il a commencé sa carrière à Caen. Il est très attaché au club. Il en connaît son ADN. Il respectera son identité. Une partie de sa famille habite toujours en Normandie. Ce n'est pas quelqu'un d'extérieur", rappelle l'homme de télévision. Au-delà du prestige de cette fonction qui témoigne de la confiance accordée par les nouveaux propriétaires du SMC, l'ancien manager général du SCO sera principalement responsable de toute la politique sportive et, bien entendu, du mercato. Un domaine dans lequel il est particulièrement attendu. Et où le Stade Malherbe, pour des raisons diverses (absence de réseaux, pouvoir d'attraction faible, marge de manœuvre financière limitée...) a péché depuis deux saisons.
"Quand on a réfléchi à engager quelqu'un afin de diriger le club, on s'est demandé qui aurait la meilleure vision sportive. Et Olivier Pickeu était notre choix n°1", lance PAC qui avec Oaktree et Arnaud Tanguy, le directeur général, s'occupera de la partie administrative et financière. "Quand on a échangé et quand j'ai pu comprendre le travail qu'il avait accompli à Angers, j'ai été conforté dans ce choix". Encore fallait-il le convaincre ? "Je ne pensais pas un seul instant qu'il accepterait". Pour son plus grand bonheur, ce fut le cas. "Il s'est montré tout de suite intéressé par le projet. Il s'y est jeté corps et âme dès le premier jour", se montre dithyrambique le président du directoire de Mediawan. "Son arrivée est aussi une preuve de l'ambition du club".
Le rôle de Jean-François Fortin
"Jean-François Fortin fait partie de l'ADN du club"
Quand on évoque le Stade Malherbe, le nom de Jean-François Fortin n'est jamais très loin. Dans le communiqué d'acquisition du club caennais, Pierre-Antoine Capton n'a d'ailleurs pas oublié d'avoir une pensée pour cet homme "qui lui a ouvert les portes du club" en 2018. "Jean-François fait partie de l'ADN du Stade Malherbe. C'est quelqu'un qui a énormément fait pour le club. J'échange régulièrement avec lui". Reste à savoir si l'ancien président du SMC pendant 16 saisons (2002-2018) jouera un rôle dans ce futur organigramme ? "Pour l'instant, la structure prioritaire, c'est Oaktree qui contrôle le club et moi à côté (selon nos informations, le fonds américain possède 80% des parts, PAC les 20% restants)", rappelle le fondateur de 3e Œil. "On est en phase de recapitalisation. Dans un deuxième temps, on envisage d'accueillir d'autres partenaires normands".
Les noms de Pierre Esnée mais aussi du chanteur Orelsan et de l'animateur Denis Brogniart, célèbres supporters des « Rouge et Bleu », circulent également. "Ça ne signifie pas que tout le monde va investir au club", précise le producteur TV trouvillais. "Mais on a besoin de tous les soutiens possibles". Pour en revenir à Jean-François Fortin, le principal intéressé a déjà vendu la mèche. Dans une interview à France Bleu, JFF a confirmé qu'il avait été sollicité par PAC pour l'accompagner au sein d'un "deuxième pôle d'actionnaires". Toutefois, il n'est pas question pour le patron du groupe des Maîtres Laitiers du Cotentin de revenir en première ligne. Il devrait jouer un rôle de « facilitateur » dans certains dossiers, mettant son réseau et son important carnet d'adresses au service des futurs propriétaires.
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